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Suresnes Cités Danse : Ibrahim Sissouko et Bintou Dembélé

Cités Danses Connexions #2 : À Suresnes, le solo Le Jardin des cris et le double duo S/T/R/A/T/E/S - Quartet ont rappelé la force des terres originelles.  

Les racines, les liens avec l’Afrique, son histoire, ses tourments… Portés par un seul homme, ou bien par deux femmes. Olivier Meyer a réuni, pour ce 2e programme Cités Danse Connexions, Ibrahim Sissoko et le duo Bintou Dembélé/Nach (Anne-Marie Van), en vérité un quatuor.

Entre l’histoire immémoriale et l’histoire coloniale qui hante toutes les consciences, Ibrahim Sissoko se concentre sur la partie cauchemardesque. Sur scène, Salif Seybani Traoré (dit Salifus) affronte une captivité physique et mentale, dans une petite cage et exposé au discours de Le Pen, aux bruits de la nature vierge, aux récits de violences physiques. Les échos du monde, Le Jardin des cris

Au milieu de ce cauchemar, Traoré dévoile des capacités physiques et acrobatiques qui semblent sortir d’un rêve éveillé. En verticale, la tête vers le bas ou en horizontale, souvent à quatre pattes, il se montre puissant et félin à souhait. En lutte, en force et en quête, il ne trouve jamais la paix. Seuls les sons de la kora font songer à un monde meilleur.

Cette prise en charge immédiate de la souffrance par le corps de Salifus fait à la fois la force et la faiblesse du Jardin des cris. Après un début haletant, la dramaturgie s’enlise. Cet être harcelé ne sait où donner de la tête. Quitte à se perdre, même dans cette petite forme, peut-être une plateforme pour rebondir ailleurs, autrement.

Le jardin des cris - Galerie photo © Dan Aucante

Bintou Dembélé vs Nach : Un match immémorial

Bintou Dembélé, de son côté, marche en cercle. Et pourtant, elle fait comprendre avec chaque geste qu’elle sait profondément d’où elle puise l’énergie physique et mentale de S/T/R/A/T/E/S, ici présenté dans une nouvelle version, spécialement conçue pour Suresnes Cités Danse. A ses côtés, complice ou adversaire, Nach, la krumpeuse.

Les deux ne sauraient être plus différentes et même contraires dans leurs énergies. Dembélé incarne la dominance cosmogonique, les figures fondatrices des civilisations matriarcales, les légendes qui nourrissent les identités culturelles de l’humanité. Ses roulements des bras, se soubresauts, ses regards et même ses grimaces rappellent des bas-reliefs des peuples originels de tous les continents.

Où chaque mouvement du buste, des bras ou du visage raconte des histoires, terribles et belles à la fois. Où l’on découvre, avec Dembélé, pour la première fois une interprète qui atteint le degré de densité d’une Germaine Acogny, alors que tout les distingue, dans le style et la morphologie. Mais sur le plateau, elles sont d’une même trempe.

Comme le feu et le vent

Nach, elle, vit dans l’instant, avec sa gestuelle éruptive, sa présence élancée et incisive. Ensemble, les deux n’esquivent pas l’histoire coloniale et les échos de l’esclavage. Si elles peuvent évoquer et faire exister les différentes strates qui construisent une identité, c’est qu’elles puisent chaque geste à la fois dans l’histoire et le présent. Elles pourraient être mère et fille, dans un récit mythologique, un dessin animé, un manga....

Il est devenu rare de recevoir des énergies d’une telle intensité, au cours d’un spectacle. Dembélé est la roche, Nach est la flèche. Dembélé, le feu. Nach, le vent. Leurs souffles suffisent pour enflammer le plateau.

Mais elles sont en plus accompagnées de la voix très soul et jazz de la superbe Charlène Andjembé et des musiques électroniques ou blues de Charles Amblard qui n’est pas en reste. Strate par strate, ce quatuor s’élève, et prend en même temps tout le poids nécessaire pour s’imposer tel un repère dans le paysage chorégraphique.

Thomas Hahn

Spectacles vus le 22 janvier 2018

Du 22 au 24 janvier, Théâtre Jean Vilar, Suresnes

Cités Danse Connexions#2

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