Error message

The file could not be created.

« The Seven Sins » de la Gauthier Dance

Sept chorégraphes pour sept péchés : la nouvelle pièce de la Gauthier Dance, créée en juillet dernier à Venise dans le cadre de la Biennale de danse, a ouvert le 10 décembre le Monaco Dance Forum. 

Beau coup de filet pour Eric Gauthier : lorsqu’il eut l’idée d’un ballet pour sa compagnie, basée à Stuttgart, sur le thème des Seven Sins, il avait spontanément imaginé un casting de rêve, souhaitant confier chacun des péchés à « un grand chorégraphe ». Et à la fin, ils ont tous dit oui, explique-t-il, ravi, depuis l’avant-scène de l’Opéra Garnier de Monte-Carlo. Le directeur de la Gauthier Dance, s’adressant comme à son habitude au public en préambule du lever de rideau, explique ainsi la genèse de ce qu’il nomme « un cadavre exquis » et dont il présente les éléments successifs : L’Avarice par Sidi Larbi Cherkaoui, La Paresse selon Aszure Barton, L’Orgueil de Marcos Mauro, La Gourmandise par Marco Goecke, La Luxure selon Hofesh Schechter, La Colère vue par Sacha Waltz, et L’Envie signée Sharon Eyal qui ferme le bal. A « prendre comme un tout » et à « regarder comme une toile géante », conclut-il, avant de laisser la place à ses seize danseurs. 

Galerie photo - Hofesh Schlechter - Aszure Barton © Jeanette Bak

Si l’on suit à la lettre son conseil, force est de constater que, dans son ensemble, le monde des pécheurs est bien sombre. Hormis quelques touches bienvenues de couleur ça et là, la palette des costumes varie du beige au noir, avec une prédilection pour les teintes sombres, et les lumières sont à l’avenant. Curieusement, en dépit de la variété des approches et des sujets, il est aussi bien uniforme. Est-ce le principe même de l’exercice, qui homogénéise la perception, ou bien le désir conscient ou non des chorégraphes de se couler dans le style de prédilection de la compagnie ? Toujours est-il que même différents, ces Sevens Sins semblent pareillement marqués du néo-expressionniste mâtiné d’élégance contemporaine et de sens du mouvement déjà relevé, ici même en 2019, dans le Nijinski créé pour la troupe par Marco Goecke. Et si le tout fonctionne plutôt bien et compose une soirée plaisante, les vraies surprises sont rares - et d’autant plus précieuses.

Galerie photo - Sidi Larbi Cherkaoui © Jeanette Bak

Elles ne sont pas à chercher, en tout cas, du côté de Sidi Larbi Cherkaoui, qui présente une Avarice sans grand relief, où le groupe de danseurs et danseuses en costume gris exécute un ensemble bien réglé, sur fond sonore d’espèces trébuchantes et d’un texte- asséné en anglais, qui effleure plus qu’il ne traite le sujet annoncé. En revanche, on se réjouit de découvrir La Paresse de la jeune Canadienne Aszure Barton, dont le duo masculin (Luca Pannacci et Gaetano Signorelli) marque une vraie recherche gestuelle pour suggérer un état entre un I would prefer not to à la Melville et un arrêt à mi-course de tout geste, qui fait de la chute une conclusion inévitable. L’effet de nouveauté retombe hélas avec L’Orgueil vu par Marcos Mauro : ses cinq femmes en longue robe bleu-vert ont beau déployer, entre cris et chants traditionnels, une énergie tout en tension, incarnant une sorte de Girl Power bien dans l’air du temps, on retrouve assez vite les effets visuels et sonores complaisamment surlignés chers au chorégraphe espagnol. 

Galerie photo - Marcos Mauro - Marco Goecke © Jeanette Bak

En revanche, Marco Goecke offre une lecture surprenante de La Gourmandise, mettant en scène un beau solo de Luca Pannacci se consumant d’excès sur la musique du Velvet Underground. Changement de ton avec La Luxure d’Hofesh Shechter, qui commence par retenir, version slow motion, le mouvement de ses danseurs en tee-shirts et pantalons blanc cassé, avant de le libérer peu à peu dans une transe collective synchronisée. On accroche beaucoup moins au duo entre Sidney Elizabeth Turtschi et Shori Yamamoto orchestré par Sasha Waltz, avec force cris, empoignades et portés réciproques, pour exprimer de façon très limitée et répétitive les visages de la colère, peu aidé de surcroit par une composition musicale vite lassante de Diego Noguera Berger. 

 Sasha Waltz - Sharon Eyal  © Jeanette Bak

Heureusement, Eric Gauthier a su garder le meilleur pour la fin : s’emparant de L’Envie, Sharon Eyal l’incarne en revisitant la figure complexe du trio(Bruna Andrade, Karlijn Dedroog et Izabela Szylinska), qu’elle reconfigure en un « deux plus un » se prêtant aux circulations de sentiments, et renversements d’alliance. Le tout dans un langage presque néoclassique, où le piétinement sur demi pointes exprime à merveille toutes les frustrations que suscite le délicieux péché donnant son titre à la pièce. 

Isabelle Calabre

Vu le samedi 10 décembre 2022 à l’Opéra Garnier de Monte-Carlo, Monaco, dans le cadre du Monaco Dance Forum.

 
Catégories: 

Add new comment