« Magnifiques – Une éphémère éternité » de Michel Kelemenis
Ode à la jeunesse et hommage à la danse dans toute sa diversité, Magnifiques porte bien son nom !
"Un (de mes jeunes) printemps, écoutant Bach, les fenêtres s’ouvrent sur l’extérieur invitant l’air encore frais et le chant des oiseaux à entrer ; plus que le sentiment d’un beau jour, celui d’une belle vie à son début…” Tel est le point de départ du bien nommé Magnifiques – Une éphémère éternité selon son auteur, Michel Kelemenis.
Et le spectacle est un formidable appel d’air sur le Magnificat de Bach, couplé à une composition d’Angelos Liaros Copola, tramant une sorte de texture musicale tout autant que gestuelle. Car toutes les danses sont convoquées ici, du baroque à l’hyper contemporain, du classique au folklorique, tout se mêle, tout s’emmêle pour notre plus grand plaisir. L’écriture chorégraphique tient du grand art. Imaginant des constellations qui se rapprochent l’espace d’un instant, ouvrant des crevés de lumière au sein du groupe des neuf danseurs et danseuses, soulignant un point de mire ici, une pose Grand siècle là, jouant d’accélérations du mouvement qui semble littéralement se dissoudre les secondes suivantes, Michel Kelemenis crée une sorte de danse moléculaire où chacun des interprètes, à chaque moment, semble concentrer en lui cette « éphémère éternité » qui est l’essence même de la danse appelée à disparaître aussitôt qu’apparue.
Galerie photo © Didier Philispart / Agnès Mellon / Jean Barak
Mais le plus époustouflant tient sans doute aux détails, comme cet arrondi des bras parfait qui prend place dans un cercle et lui donne de la profondeur, des pieds proches de la break dance opposés à des bras on ne peut plus « belle danse » faisant palpiter un rythme inattendu, une farandole très actuelle dans laquelle vient s’insinuer un cygne très classique, un signe du sacré, un port de bras de Giselle… Une Déposition très picturale devient geste de tendresse, effleurement, espoir et crainte. S’enchaînent des rondes, des lignes, parfois aux accents de samba dans un chaos échevelé et pourtant millimétré, ou des unissons qui se défont. Il est même difficile de « tout » voir tant cette composition est foisonnante. Passant d’une écriture plutôt « tenue » quand danseuses et danseurs sont vêtus de noir comme autant d’hiéroglyphes venant graphier la danse sur le rond rouge du plateau, à une frénésie impétueuse où toute règle semble abolie quand leurs tenues abordent la couleur, la chorégraphie sait se faire subtile.
Volontiers sensuelle, avec ses duos amoureux et ses fondus au sol, ses abandons libérés de tout cliché, elle sait aussi devenir charnelle dans des duos et trios suspendus. Mais ce qui la domine est son énergie dévorante, soutenue par cette version de John Eliot Gardiner du Magnificat en ré majeur, plus rapide et plus aiguë, obligeant à une légèreté, une joie et une célérité qui emporte l’ensemble et se marie parfaitement aux pulsations électro d’Angelos Liaros Copola. Alors s’échappent de « pack » formant des précipités de bras et de jambes enlacés, des individualités radicales, des figures d’une fluidité singulière, de magnifiques interprètes dont la jeunesse crie les désirs et l’immense liberté.
Agnès Izrine
2 décembre 2023, Festival de Danse de Cannes Côte d’Azur France, au Théâtre 55 Mougins.
Conception générale, chorégraphie, scénographie : Michel Kelemenis
Danseurs et danseuses : Gaël Alamargot, Max Gomard, Claire Indaburu, Anthony La Rosa, Hannah Le Mesle, Marie Pastorelli, Anthony Roques, Mattéo Trutat, Valéria Vellei
Musique : Jean-Sébastien Bach
Création musicale : Angelos Liaros Copola
Costumes : Camille Penager assistée de Sandrine Collomb
Réalisation scénographie : Pierre Baudin & Cyril Casano
Spatialisation, régie son et plateau : Niels Gabrielli
Lumière : Jean-Bastien Nehr
Régie lumière : Jade Rieusset
Tournée
Le mercredi 17 janvier 2024 à 20:00 LE ZEF - scène nationale de Marseille
Le samedi 20 janvier 2024 à 20:30 Maison des Arts du Léman (Thonon-les-Bains)
Le mardi 26 mars 2024 à 20:00 Festival Le Grand Bain, Le Colisée (Roubaix)
Le mardi 14 mai 2024 à 20:30 Théâtres en Dracénie (Draguignan)
Le samedi 12 octobre 2024 Théâtre de la Maestranza (Séville)
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