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Kalypso : Entretien avec Iffra Dia

A l’occasion de la présentation de sa dernière œuvre, Hexagonal, dans le cadre de l’édition 2023 du festival Kalypso, le danseur-chorégraphe Iffra Dia nous a accordé un entretien exclusif.

DCH : Pour les lecteurs de DCH qui ne vous connaîtraient pas très bien encore, pourriez-vous brièvement retracer l’itinéraire qui vous a conduit du hip hop au sein de la Cie Black Blanc Beur à la codirection du CCN de Rennes et de Bretagne ?

Iffra Dia : Pour ma part, j’ai commencé à danser en 1983, à l’arrivée de la culture hip-hop en France. Suite à un concours, j’ai pu intégrer la compagnie Black Blanc Beur et participer au premier spectacle qui a eu lieu en 1984 à Saint-Quentin-en-Yvelines et qui avait pour titre J’en ai tout à foutre. Au départ Black Blanc Beur était un projet culturel qui regroupait une quarantaine de jeunes issus de différents milieux sociaux, scolarisés ou non, des salariés, des étudiants, cofondé par Christine Coudun, qui est chorégraphe, et Jean Djemad, un acteur culturel qui faisait de la médiation auprès des jeunes au sein du centre culturel le Pollen. L’idée de Black Blanc Beur était de trouver une voie à cette jeunesse qui était un peu à la marge. D’autodidactes, nous nous sommes professionnalisés grâce aux expériences, aux temps de formation, à des créations dans des univers artistiques différents, comme le jazz, par exemple. Cela nous a permis de nous construire en tant qu’individus et en tant que danseurs, d’obtenir les outils, les codes du danseur au plateau. Trente ans après mes débuts, j’ai conçu un triptyque : Hors-jeu ! en 2011, Issue de secours en 2013 et 3.0 en 2017. Puis j’ai cofondé le Collectif FAIR-E, à la tête du CCN de Rennes et de Bretagne depuis 2019. 

DCH : Parlez-nous d’Hexagonal, qui seradonné en premièrele 14 novembre à La Ferme de Bel Ébat de Guyancourt dans le cadre du festival Kalypso. Votre pièce aura été présentée la veille, au Scarabée de La Verrière, dans les Yvelines… Ce sera l’avant-première ?

Iffra Dia : Oui, l’avant-première sera une séance scolaire ! Et une tout public en soirée. Quatre danseurs interprètent Hexagonal, dont trois sont issus du breaking, Dans cette création, j’ai questionné la notion d’héritage qui est en nous, à l’aune de nos parcours respectifs, dans la lignée du hip-hop hexagonal et dans celui de la dernière génération. J’ai souhaité faire composer un flashback à base de fragments de mémoire. De ce qui nous a traversé et traverse notre corps. Avec des emprunts à différentes techniques et formes artistiques qui ont nourri mon langage chorégraphique. Cette transmission de père à père ou de pair à pair a permis de repenser l’archive inscrite à même le corps et de dépasser nos savoir-faire. 

DCH : Vous avez récemment parlé de top rock. Pouvez-vous nous toucher un mot de cette technique de danse ? En quoi celle-ci se distingue-t-elle du hip hop pur et dur ?

Iffra Dia : En fait, le top rock est une des composantes du breaking. Il s’agit des pas de préparation pour aller au sol et faire du B-Boying. Cette stylistique s’est développée avec le temps. Au départ, c’était des pas précis, qui avaient une signification précise, des pas tirés du battle, de la confrontation. Au fil du temps, c’est devenu une stylistique à part entière. 

DCH : Une discipline ?

Iffra Dia : Une stylistique. Elle entre dans la discipline du breaking et n’en est pas du tout dissociée. On a vu des catégories, dans le domaine du battle, qui se sont affirmées aussi bien dans le battle de break que dans les danses debout. Dans le battle de wapping, d’électro, de krump… Le krump, comme le popping et le locking, datent d’avant la culture hip-hop, proviennent de la côte ouest des États-Unis. Au fil du temps, ces danses ont rejoint la galaxie du hip-hop.

DCH : Certaines ont disparu en tant que telles, comme la danse avec les élastiques…

Iffra Dia : Le double dutch ? Non, non, il y a toujours une résurgence. Il y a des battles de double dutch.

Danser Canal Historique : Aujourd’hui, pouvez-vous nous donner des nouvelles du collectif FAIR-E, après la disparition d’Ousmane Sy et le départ annoncé de Johanna Faye. Le collectif se compose donc de Bouside Ait Atmane, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh et vous-même ?

Iffra Dia : Oui, mais il y a également Céline Gallet, qui est à la production et Marion Poupinet à l’administration et aux ressources humaines. Suite à ces événements, nous poursuivons les projets du collectif, à la fois ceux de chaque chorégraphe et ceux que nous avions en commun. Il y a une vraie reprise, depuis la fin du Covid, de ces actions que nous défendons et que nous menons au sein de notre projet : l’accompagnement de chorégraphes émergents dans tout un écosystème que nous soutenons et le rayonnement chorégraphique sur le territoire breton. Nous sommes à Brest pour une carte blanche, à Quimper pour du compagnonnage de jeunes compagnies. Nous menons aussi des actions de sensibilisation aux danses dites « de la marge » des danses hip hop. Nous participons à des ateliers dans le cadre de l’Éducation artistique et culturelle – un important volet de transmission. Nous avons également des temps de training dans les locaux du Centre chorégraphique de Rennes et de Bretagne (du CNRB), des trainings de toutes les danses, libres, ouverts à tous et pour lesquels nous faisons appel à deux intervenants pédagogiques.

Propos recueillis par Nicolas Villodre le 4 novembre 2023.

Première mardi 14 novembre, 20h30 — La Ferme de Bel Ébat, Guyancourt
Festival Kalypso 

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