Error message

The file could not be created.

Festival Plein Phare : « Cheb » de Filipe Lourenço

Inauguration du hall rénové au CCN du Havre par un double duo festif, entre Orient et Occident, électro et tradition. 

Plus accueillent, plus aéré : Le Phare CCN a fait peau neuve, surtout par son hall d’accueil. Et le festival Plein Phare a fourni l’occasion de l’inaugurer de manière festive, autour du spectacle Cheb de Filipe Lourenço, par un prologue et une after. D’abord, un discours d’ouverture improvisé par Fouad Boussouf, qui présente la deuxième édition du festival, et en finale un DJ set oriental-funk et fun par DJ Nuri, prolongeant le son très pulse qui propulse les deux protagonistes de Cheb, quasiment jusqu’à une explosion partagée. 

Galerie photo © Thomas Hahn

Les cheiks de Cheb

On se souvient des Cheb de la grande époque du Pop-Raï façon nouvelle génération : Cheb Mami, Cheb Khaled, Cheb Tahar… Et les cheba… Le cheb, c’est le jeune chef, en opposition au cheikh, le sage de la génération ancienne. En Kerem Gelebek, Cheb  tient son cheikh, en général face à un autre cheikh, à savoir Youness Aboulakoul. Mais parfois, et c’était le cas à Plein Phare, le cheikh cède sa place à un cheb, à savoir Jamil Attar. Un jour, danseront-ils en trio ?  

Ce serait alors une autre pièce, puisque que Cheb se construit sur la relation entre deux danseurs comme entre danseurs et musiciens. Quand la batterie de projecteurs circulaires au-dessus des musiciens s’éclaire dans la plus grande douceur, l’image renvoie vers tous les fantômes et mystères du monde. Les sons ne semblent pas encore émaner des platines et instruments, à peine perceptibles dans l’ambiance très nocturne. 

xxxxx

Envol progressif

On aperçoit ensuite deux hommes immobiles qui vont se mettre à marcher et à circuler, en unisson, en tournant en rond et en long et en large, comme pour entrer très lentement dans la transe. Les deux compagnons explorent leur sensualité et leurs désirs, leur légèreté et leur capacité à persévérer, en pulsations synchronisées ou, progressivement, en gestes complémentaires voire opposés, portés par des pas dans lesquels résonnent peut-être l’esprit et des échos de quelque dabke ou autres danses traditionnelles. 

Pas par pas, grain par grain, tout contribue à faire monter et libérer les énergies, selon une implacable horlogerie des mouvements, réglée jusque dans le moindre détail par Filipe Lourenço. Dans leurs balancements pendulaires, les gestes se désaccordent et se singularisent, les rythmes s’accélèrent et les pieds semblent se détacher du sol, jusqu’à la déflagration finale. Les corps se jettent dans leurs rencontres avec la finitude et repoussent leurs limites jusqu’à ce que le crescendo se consume dans un grand néant final. On songe au Boléro de Ravel…

Percussions et électro

Entretemps les musiciens ont migré du fond de scène vers les côtés. François Caffenne – l’incontournable qui a aussi signé la musique de Feû de Boussouf (sans parler de Tragédie  d’Olivier Dubois et tant d’autres) – se cache ici sous une perruque de nattes noires qui lui confère un air de maître des cérémonies, peut-être un brin vaudou sur les bords. Avec ses percussions orientales il engage un dialogue avec DJ Nuri, et ensemble les deux font voyager les sons électro et techno en territoires funk et gnawa. 

Et après le quatuor sur le plateau, le voyage techno-oriental avec Nuri migra vers le hall, dans la continuation des liens de Filipe Lourenço avec la culture maghrébine. Le chorégraphe franco-portugais a en effet débuté ses activités à Bourges, au sein de l’association Chants et danses du Maghreb et enseigné au sein de la même association tout en pratiquant la musique arabo-andalouse, jouant de l’oud au sein de l’orchestre El Albaycin pendant douze ans… (1). Voilà qui vaut bien, avec un tel spectacle de danse contemporaine, un autre voyage interculturel à travers la musique. Et même inofficielle, l’inauguration du Phare CCN relooké n’est plus à faire, elle fut fête. 

Thomas Hahn 

(1) … avant de devenir un interprète majeur en collaborant avec Catherine Diverrès, Georges Appaix, Boris Charmatz, Christian Rizzo et tant d’autres et finalement fonder sa compagnie, Plan-K.

Festival Plein Phare In, Le Havre, le 30 novembre 2023

Cheb 

Chorégraphie : Filipe Lourenço
Assistante à la chorégraphie : Déborah Lary
Musiciens : François Caffenne et NURI
Danseurs : Kerem Gelebek et Youness Aboulakoul ou Jamil Attar
Création costume et lumière : Loren Palmer
Régie générale : Jean-Philippe Borgogno

 

 

Catégories: 

Add new comment