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Festival Immersion : Fabrice Ramalingom et La Veronal

Un double programme détonnant au festival Immersion avec une pièce savoureuse de Fabrice Ramalingom, qu'on pourra voir au festival Plein Phare au Havre le 1er décembre, et une création saisissante en avant-première de La Veronal.

Générations - Battle of Portraits est un duo tout à fait savoureux signé Fabrice Ramalingom, avec, à ma gauche, Jean Rochereau, fringant danseur de 78 ans, à ma droite, Hugues Rondepierre, fougueux jeune homme de 23 ans. Entre les deux, Fabrice qui apparaît pour lancer ce duo et commence à les assembler par une gestuelle du déséquilibre, un élan retenu, puis disparaît. Jean et Hugues se confrontent plus qu’ils ne s’affrontent. Ils font les mêmes gestes, mais fort différemment. L’un est tout en muscle. L’autre tout en os. L’un est volonté et effort. L’autre n’en a plus besoin. Etre lui suffit. Ils s’étreignent ou s’empoignent. Parfois on ne sait pas. Ils tablent sur leurs points forts ou explorent leurs zones de fragilité. Pas les mêmes. Ils se subjuguent plus qu’ils ne se conjuguent. Un duel à fleuret moucheté. Tout en délicatesses.

Hugues en profite parfois, il se laisse aller en sauts puissants, athlétiques, en profite pour glisser une figure de hip-hop, puis revient au calme. Jean, flexible, a le geste sûr, juste, précis, économe. Rien n’est laissé au hasard et pourtant chaque mouvement semble touché par la grâce. Hugues est au début de sa carrière, Jean a dansé pour les plus grands de Blaska à Bagouet, de Béjart à Petit, mais aussi les Dupuy, Jean Babilée, Peter Goss ou Jennifer Muller, a été prix de Bagnolet en 1977, a chorégraphié pour le trio Piollet-Guizerix-Paré… Son corps tout entier est porteur de toutes ces gestuelles au bord de disparaître, ce qui sera le cas quand les derniers artistes chorégraphiques de ces fameuses 80’ arrêteront de danser. En tout cas, à les voir tous les deux sur le plateau, on distingue les évolutions de la danse, et ses développements actuels – un peu plus en force – et même les pensées qui ont présidé à leur construction. Le chemin en pleine nature joliment projeté en fond de scène, nous rappelle que le sentier est étroit, pour garder vivante cette histoire des corps.

Galerie photo © Laurent Philippe

Changement du tout au tout avec Firmamento de La Veronal dirigée par Marcos Mauro. Grand spectacle visuel, avec ses mouvements intenses et ses tableaux époustouflants, cette création en avant-première en jette plein les mirettes. D’un genre rétro-futuriste, tout commence par une Chine de pacotille, dont les images rappellent l’album de Tintin Le Lotus bleu, avec ses lanternes et ses baguettes, ses airs modulés et un meuble énorme qui pourrait être un comptoir mais se révèle être un instrument de musique impressionnant au son énorme. Car comme toujours avec La Veronal, il ne faut pas se fier aux apparences. Tout est prêt à déraper, comme la gestuelle, encore plus sophistiquée que d’habitude, et s’éclate en mille segments du corps pliés et dépliés, en mille mouvements liés ou saccadés, toujours surprenants, toujours séduisants.

Galerie photo © Albert Pons

De dislocations en pulsations, de tours à la rapidité vertigineuse en pétrifications stupéfiantes, la chorégraphie crée un univers baroque où tout peut arriver. Et c’est le cas dans cette pièce hallucinée. Après un nain, entre l’enfant et le vieillard, qui surgit et donne lieu à un travail de manipulation collective où la simultanéité le dispute à la précision qui jouxte l’illusionnisme, la pièce prend un tour spectaculaire délirant. Des images mystérieuses se succèdent avant de nous projeter dans un futur intergalactique où chacun des interprètes se retrouve dans le costume du nain tandis que s’ouvre un nouvel espace, un théâtre dans le théâtre, boîte blanche prête pour toutes les folies, tous les rêves, mais qu’une télé géante domine. Firmamento accélère alors à la vitesse des étoiles la danse comme le déluge d’informations et de techniques, de musiques et de lumières qui envahit les écrans de nos imaginaires. Effets stroboscopiques et à-plats lumineux, Walkyrie et Tanhauser de Wagner, dessins d’animation en direct, homme à tête de robot ou de casque VR, entre réalité et métavers, brossent à grand traits un monde en devenir où les images sont la vérité.

Dans une troisième partie, un chemin de fer miniature nous dirige vers une porte mystérieuse (il y en a toujours une chez Mauro !) puis nous voilà précipités dans un grand Nord où surgissent des esquimaux surdimensionnés, sorte de retour à l’enfance ou de clin d’œil au changement climatique avant d’atteindre les étoiles. Marcos Mauro dans Firmamento s’adresse – dit-il – principalement aux adolescents dans l’imagination desquels se développent idées et images simultanément en tant que possibilités. Et d’une certaine façon, ce spectacle luxuriant et labyrinthique en offre une de notre monde de plus en plus difficile à appréhender.

Agnès Izrine

Vu le 14 novembre, Festival Immersion à L’Onde Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay

En tournée

Générations - Battle of Portraits : ​1er décembre Théâtre de l'Hôtel de Ville du Havre dans le cadre du Festival Plein Phare. 

Firmamento
Les 20 et 21 décembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence
Les 13 et 14 février au Scène nationale du Sud Aquitain Bayonne.
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