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​Clôture du festival Trajectoires

Clôture du festival Trajectoires avec l’incroyable Tatiana de Julien Andujar et la magnifique création d’Ambra Senatore.

Depuis le 11 janvier, la 6e édition du Festival Trajectoires a envahi plusieurs lieux culturels à Nantes, Rezé, Saint-Herblain, Haute-Goulaine et Saint-Nazaire. Le public a prouvé qu’il est toujours aussi gourmand de spectacles car les salles étaient combles. Ce séduisant événement s’est clôturé en beauté le week-end dernier.

En entrant vendredi soir dans la salle du TU, (Théâtre Universitaire de Nantes), tous les spectateurs sont chaleureusement accueillis par un homme à l’accent espagnol et drôlement vêtu d’un long justaucorps beige cerné d’un tissu rayé et d’une perruque plus rouge que rousse, qui offre à chacun/chacune un morceau de tortilla chaud avec toujours un mot plein d’humour. Le public est déjà conquis.

Une fois tout le monde enfin assis, il rejoint la scène devant un décor composé de toiles cirées blanches recouvertes de rayures et dessins noirs. Alors qu’il semble sortir d’un film d’Almodovar, Julien Andujar, car c’est lui, commence par raconter la disparition de sa sœur Tatiana à la gare de Perpignan le 24 septembre 1995. Il avait 11 ans.

Mais artiste jusqu’au bout de doigts, il se lance dans un numéro de clown et de cabaret en changeant continuellement de voix, d’accent et de personnalité féminine ou masculine, afin de décrire l’avocat, les policiers, Elsa sa meilleure amie, sa prof qui lui demande tous les matins s’il a des nouvelles de sa sœur, les commères du village qui représentent ces gens qui font courir des rumeurs malsaines et outrageuses sur sa famille…

Il chante et danse tout en exacerbant ces personnages souvent ridicules ou d’une rare bêtise et la salle entière s’esclaffe à tous ses sketches comme s’il s’agissait d’un stand-up. Sauf qu’il s’agit de l’histoire vraie de Julien oubliée dans les méandres de son excellent show. Cette tragi-comédie ne se termine pas dans l’euphorie. Non, fort ému, il parle à nouveau de cette terrible disparition non élucidée et reprend la phrase de sa maman qu’elle a dite en 1997 dans l’émission Sans aucun doute de Julien Courbet : « Avec l’amour, on soigne tout ».

Ce témoignage autobiographique décalé, hilarant, émouvant et déstructuré prouve que Julien Andujar est un artiste aux multiples facettes. Vingt-sept ans après, l’enquête sur la disparition de Tatiana vient d’être confiée au pôle judiciaire de Nanterre dédié aux «;cold cases ».

Le lendemain, c’est au Lieu Unique qu’Ambra Senatore a présenté sa toute dernière création qu’elle annonce dès le début sans titre. Entourée de onze danseurs et danseuses de différents horizons elle trace avec délicatesse les joies, les faiblesses, les craintes et les délires de l’humain.

Sur le plateau nu, deux rideaux noirs espacés en fond de scène permettent à la chorégraphe de jouer sur la surprise des apparitions et disparitions d’un ou plusieurs interprètes. Ce surprenant jeu d’évasion est construit avec un naturel étonnant. En traversant le plateau ou en dansant, rien ne laisse prévoir qu’il ou elle va se dissimuler et qu’une autre personne va prendre sa place. La pièce se déroule sur la remarquable musique originale de Jonathan Seilman en grande partie adaptée de la Sonate n°14 Clair de lune de Beethoven, du Requiem de Mozart et de Ständchen de Schubert. Et les lumières léchées de Fausto Bonvini créent des espaces parfois intimes, parfois plus ouverts sur le plateau et même dans la salle. 

Sans jamais s’arrêter, la magnifique danse avec des ports de bras, des glissements et déplacements d’une grâce infinie, est ponctuée par quelques phrases : où est passé mon sandwich, il est où mon pull, les feuilles rouges des érables sont splendides, pourquoi les gazelles sautent, je suis enceinte, et là, chaque homme veut être le père…

Galerie photo © Laurent Philippe 

Mais surtout Ambra (qui danse aussi) réussit à distinguer la personnalité de chacun et chacune ce qui est exceptionnel avec une micro population mouvante. L’amitié, le sourire et la générosité enrobent cet ouvrage délicat, sensible, raffiné, élégant  et doux comme de la soie dans lequel Ambra Senatore reprend avec délice ses thèmes de prédilection sur le décalage et l’humour.

Comme c’est bon de voir d’excellents interprètes tout simplement marcher, tendre un bras, se baisser pour ramasser une poussière, poser la main sur une épaule ! Soit une multitude de détails dansés qui paraissent insignifiants, mais qui expriment un patchwork d’intentions propres à la vie, au renouvellement, à la reproduction et à l’actualité.…

Sophie Lesort 

Spectacles vus les 20 et 21 janvier 2023 à Nantes dans le cadre du festival Trajectoires 

Centre chorégraphique national de Nantes

Tatiana
Auteur et interprète: Julien Andujar
Dramaturges: Audrey Bodiguel,Yuval Rozman
Scénographie et costumière: Rachel Garcia
Musicien, compositeur & régisseur son : Alex Andujar
Créatrice lumière régisseuse lumière: Juliette Gutin
Professeur de chant : Mélanie Moussay

En tournée

7 mars, Festival le Grand Bain – Le Gymnase CDCN, Roubaix
21 mars,  Festival + de Genre – KLAP Maison pour la danse, Marseille
21 avril,  Un Genre de festival – L’Arsénic - Saison Culturelle Cazals-Salviac, Gindou

Pièce sans titre 
Chorégraphie : Ambra Senatore
Interprètes : Youness Aboulakoul, Pauline Bigot, Pieradolfo Ciulli, Matthieu Coulon Faudemer, Lee Davern, Olimpia Fortuni, Chandra Grangean, Romual Kabore, Alice Lada, Antoine Roux-Briffaud, Marie Rual, Ambra Senatore
Musique originale : Jonathan Seilman
Lumières : Fausto Bonvini

En tournée

8 février au Klap, Marseille (en coréalisation avec Le ZEF, scène nationale de Marseille)
5 au 8 avril au Montfort (programmation hors les murs du Théâtre de la Ville)
13 avril, DSN, Dieppe Scène Nationale 

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