Error message

The file could not be created.

Soa Ratsifandrihana et son « gr oo ve » sous la pluie d’Uzès

Conditions très particulières pour un solo joyeusement combattant, où s’affirme une artiste à suivre.

Entrer dans la danse, c’est parfois un processus graduel, progressif et tout en nuances. Au festival La Maison danse d’Uzès, le public qui le souhaitait a pu participer, en amont du solo gr oo ve, à un atelier de méditation et s’est vu remettre, avec la feuille de salle, un questionnaire l’interrogeant sur son éventuelle pratique du yoga ou autres formes du retour à soi. A priori, cela ne semble pas s’accorder avec un spectacle dans lequel la chorégraphe-interprète voyage à travers la danse traditionnelle malgache de l’afindrafindrao, le Madison américain, la danse post-moderne ou encore la série Sex Education. Et pourtant…

Pour Soa Ratsifandrihana, le solo représente un retour aux sources, ici musicales. Les rythmes qui l’ont amenée vers la danse émergent lentement. Elle commence même dans le silence, et tout ce qu’on entend sont le chant des oiseaux, le son de la pluie et quelques cloches, dans le Jardin du Temple, à Uzès. Un parfait environnement sonore pour la méditation où petit à petit,  l’univers sonore prend forme, ne représentant que lui-même par rapport au temps, aux durées et aux textures sonores, voire au silence.

Et la danseuse de se rouler au sol, de le caresser de la main ou de faire le tour du plateau à plusieurs reprises, dévoilant toute sa force et sa délicatesse en négociant son état dansant avec les éléments. Bref, une Amazone sensible, promise à une belle envolée sur son groove se construisant beat pour beat. Mais sous la pluie, et malgré ses sneakers antidérapants, Ratsifandrihana fut finalement obligée de déclarer forfait, ayant juste pu donner quelques premières impressions de son retour vers les rythmes qui l’habitent au plus profond d’elle-même, alors qu’ils avaient fini par céder le pouvoir aux constructions chorégraphiques.

Aussi, gr oo ve  est l’histoire d’une reconquête intime par les chemins de la méditation et l’exaltation, l’une négociant avec l’autre les libertés que la chorégraphe accorde à l’interprète. Il s’agit pourtant de la même personne. Et du même costume signé Coco Petitpierre, celle du fameux duo Clédat & Petitpierre, et c’est bien plus intéressant que Coco Chanel. Car cette carapace, cette armure de guerrière dansante tient autant du glamour clubbing que de l’Amazone. Et finit par tomber pour que la danseuse, partie d’un état méditatif et zen, puisse s’aérer dans un t-shirt haut en couleurs pour arriver à une osmose parfaite entre beat musical et exaltation.

Mais même quand gr oo ve  part dans des explosions rythmiques, il s’agit toujours d’un voyage intérieur. Et si à Uzès, celui-ci se termina sous la pluie et au beau milieu du parcours prévu, la force qu’on avait pu voir en termes d’écriture du mouvement et de rayonnement fut largement suffisant pour comprendre pourquoi ce solo avait trouvé son chemin vers la Fondation Cartier et le Musée de l’Orangerie, en passant par les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, non sans être promis à La Manufacture CDCN de Bordeaux.

Galerie photo  © Sandy Korzekwa

Car dans ce solo tout-terrain, Ratsifandrihana impressionne avec sa capacité à réagir non seulement aux sons mais aussi aux conditions changeantes et parfois extrêmes, tout en restant elle-même dans sa danse. Elle s’affirme aujourd’hui comme une artiste à suivre*, laquelle est par ailleurs en train de préparer une nouvelle création, cette fois pour plusieurs danseurs et en lien avec la culture malgache. Ce qui donne à penser que l’exploration de ses racines ne fait que commencer.

Thomas Hahn

Festival La Maison danse, Uzès, Jardin du Temple, le 9 juin 2023

* Sa création Fampitaha Fampita Fampitàna vient d'être choisie comme coproduction commune des CDCN en 2024.

Catégories: 

Add new comment