Au Ballet de Lorraine, Ayelen Parolin et Maud Le Pladec
A Nancy, une création qui joue avec le désordre et retour de la directrice désignée : émeute et fête.
Avec Malón d’Ayelen Parolin et Static Shot de Maud Le Pladec, le Ballet de Lorraine annonce son dernier programme de la saison 2023/24, et les deux pièces semblent former un véritable diptyque, autour de l’énergie collective qui naît au sein d’un groupe. Ce qui est vrai, actuellement, pour bon nombre de créations, et la recherche de raisons ne devrait pas rester sans résultats. Il y a là sans doute une réaction à l’atomisation produite par les médias sociaux, autant qu’une réaction à l’expérience des confinements. Le paysage de la danse se présente comme un ensemble d’ensembles, et le Ballet de Lorraine y joue un rôle très actif, avec des créations qui sont au cœur des évolutions actuelles.
Galerie photo : Répétitions Malón © CCN Ballet de Lorraine
Jacobsson et Caley ouvrent aujourd’hui le studio de la compagnie à Ayelen Parolin qui s’inspire de la rave party, du rite et du sacré, mettant le vivre-ensemble, voire le fêter-ensemble à l’épreuve d’un geste simple qui s’amplifie, se répand, se transforme et se complexifie progressivement. Jamais encore l’Argentine qui vit à Bruxelles n’a pu travailler avec un aussi grand ensemble – vingt-quatre personnes – et cela lui inspire une foule moins festive que la rave, mais non moins crainte par la population environnante. Au contraire, selon la chorégraphe le malón désigne, en Argentine, « l’arrivée dans un endroit d’un grand groupe de personnes qui provoque désordre voire vandalisme. »
Alors, peut-on baser une pièce chorégraphique sur le désordre ? « J’aimerais travailler à partir de notions qui me sont chères et proches : le plaisir, l’amusement, le lâcher prise, d’une part, puis la précision, la rigueur, de l’autre. Des notions que l’on pourrait croire antagonistes. Et c’est bien cela qui m’intéresse », annonce-t-elle. On pourrait ajouter que le désordre apparent des meutes en émeute contient inévitablement une part d’ordre sous-jacente. Et sa part d’excitation festive.
C’est exactement ce que les danseuses et danseurs du Ballet de Lorraine vont retrouver avec Static Shot de Maud Le Pladec. Reprendre aujourd’hui la première création – elle date de 2021 – de Maud Le Pladec pour le Ballet de Lorraine, compagnie dont elle prendra les rênes dès le 1er janvier 2025, c’est déjà se projeter dans l’avenir du Ballet de Lorraine. Cette pièce très joyeuse et fashion, flirtant parfois avec le mode du défilé, peut investir les lieux les plus divers [notre critique] et retrouve finalement la salle et le plateau qui l’ont vue naître.
C’est aussi une façon d’intensifier les liens entre Le Pladec et la troupe, et une belle manière pour la directrice désignée d’arriver en douceur, en beauté et en fête. « Entre extase et climax, danses collectives et unissons, où se situe alors l’accident, la fracture, le relâchement ? » La réponse est donnée sur le plateau, et sans doute dans les deux propositions de ce programme qui réunit le présent et l’avenir de la troupe nancéenne. Ce qui nous fait dire qu’au Ballet de Lorraine, la passation du pouvoir devient un art en soi, au même titre que la danse.
Thomas Hahn
Malón d’Ayelen Parolin et Static Shot de Maud Le Pladec : Opéra de Nancy, du 23 au 26 mai 2024
Répétition publique le 25 avril à 19h au studio du CCN
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