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« L’Hôte » d’Ina Christel Johannessen

Au Monfort, première française pour L’Hôte la compagnie norvégienne Zero Visibility dans le cadre de Temps Danse Théâtre.

Un face à face avec des bêtes de scène a toujours quelque chose de profondément inquiétant. De rare, aussi. Car on voit trop peu de spectacles en France où l’espace de représentation sort du schéma frontal. On en oublie presque combien d’autres possibilités existent,et à quel point un autre rapport scène-salle peut renforcer, voire porter le propos d’un spectacle.

Le Monfort a eu la bonne idée d’inviter Ina Christel Johannessen et sa compagnie Zero Visibility avec L’Hôte, où les artistes invitent à leur tour les spectateurs sur le plateau. Ici on n’est pas assis au sol, comme cela arrive dans les spectacles de Lia Rodrigues, mais le tapis de danse est entouré sur quatre côtés par des gradins volontairement bas, pour mettre tous les spectateurs à la même hauteur que les interprètes. Pas de vue plongeante, mais un contact direct, les yeux dans les yeux.

Qui est l’hôte, qui est l’invité ?

Dans cette quadri-frontalité, n’est-ce pas finalement le public qui reçoit les danseurs ? Johannessen s’est inspirée des questions autour de l’altérité, du rejet et de l’accueil de l’autre, soulevées dans la nouvelle L’Hôte d’Albert Camus. Le titre original de la pièce est par ailleurs The Guest, titre de la traduction anglaise de la nouvelle.

Voir ses semblables en face et sur les deux côtés alors qu’une meute de créatures au seuil de la transe se déploie entre nous, évacue d’emblée toute idée de quatrième mur. Et c’est bien le propos de L’Hôte, au moins dans la première partie où se déroule une sorte de rituel ténébreux, sauvage, parfois menaçant, une danse de cerbères à la puissance physique déroutante. La détermination est totale et projette chaque geste vers un absolu.

Cette danse, portée par une musique électronique où chaque son frappe en pleine figure, incarne nos peurs et nos fureurs, autrement dit, les énergies inavouables que nous devons ici accueillir pour aller peut-être vers une catharsis. L’énergie immédiate et très physique fait songer aux premières pièces de Vandekeybus ou à certaines créations de Brumachon/Lamarche.

Nuit et jour

De tous ces tourments, la seconde partie dévoile la face diurne, dans des corps à corps passionnels où l’on est rongé par la jalousie, enivré par la chaleur et le soleil. On a soif et on se meurt de désir, entre crises de folie, cris, portés et acrobaties. La sensualité est l’hôte de la violence, ou inversement, et les références à Camus se concrétisent, du carrelage oriental aux boucles musicales obsédantes du Trio Joubran. L’oud succède aux sons synthétiques et les chemises colorées au monopole du noir.

Et même si chacun des deux tableaux gagnerait à s’enrichir de quelque événement perturbateur pour renouveler le suspense, L’Hôte est bel et bien l’une des pièces de danse les plus puissantes vues en cette année.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 26 novembre 2016 au Montfort, dans le cadre de Temps Danse Théâtre

Chorégraphie: Ina Christel Johannessen
Lumières: Chrisander Brun Son: Morten Pettersen
Compositions: Demdike Stare, Le Trio Joubran Concept visuel: Ina Christel Johannessen Danseurs: Line Tørmoen, Pia Elton Hammer, Mate Meszaros, Jon Filip Fahlstrøm, Dimitri Jourde, Merete Hersvik, Antero Hein, Valtteri Raekallio, Edhem Jesenkovic, Yaniv Cohen, Camilla Spidsøe Cohen, Cecilie Lindeman Steen

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