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« Identities… » du Skopje Dance Theater

A Chaillot-Théâtre national de la Danse, la troupe venue de Macédoine du Nord a présenté un brassage culturel à l’image de son pays. 

La Macédoine du Nord n’est pas un pays que nous avons l’habitude de situer sur une carte, et encore moins dans une cartographie du paysage chorégraphique. Un vrai ailleurs. Avec la création du pays, suite à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, Skopje est devenue une capitale nationale, initialement de la Macédoine, appellation d’origine contrôlée depuis Athènes qui en réclamait paternité et exclusivité. Et Skopje devint capitale de la Macédoine « du Nord ». 

Aujourd’hui la danse contemporaine existe à Skopje, affirme Risima Risimkin, fondatrice du Skopje Dance Theater. Sa compagnie n’est pas une inconnue en Pologne ou en Allemagne, ni aux Pays-Bas, en Chine ou encore aux Etats-Unis. La voir à Paris, par contre, est une première absolue. En même temps, la venue de la compagnie à Chaillot a été l’occasion d’un salut très cordial de la part de Didier Deschamps, entretemps remplacé à la tête du théâtre par Rachid Ouramdane. Mais Deschamps est le découvreur de la compagnie pour la France et il était naturellement présent pour accueillir la nouvelle création de Risima Risimkin : Identites – history of an extended dream.

L’identité est en effet au cœur de tous les enjeux pour ce pays entre culture slave et ambiance méditerranéenne, dans l’angle mort de l‘Europe. On est donc tenté de lier les images qui font Identities à l’esprit de la mythologie grecque et le rapport au temps ainsi qu’une esthétique plutôt brute qui correspond à la danse-théâtre des pays de l’est. Dans Identities, le travail des bras aux gestes poignants et insistants rappelle les danses chorales dans Noces  de Bronislava Nijinska, un brin le style d’une certaine Martha Graham ou même la danse expressionniste germanique. En même temps, cette pièce doit certains tableaux et ambiances au bon vieux ballet romantique. 

La rencontre avec l’univers de Risimkin procure le sentiment d’un vrai choc esthétique. D’emblée, on n’est pas dans le même rapport au temps ! Ici, les gestes prennent le temps de se développer jusqu’au bout sans se superposer et de s’imposer avec force, les uns après les autres. Même séquençage pour la musique qui, même électronique, se déploie son par son, séparés par de petits silences, en réponse aux gestes. Une telle approche du flux et du rapport au temps nous parle inévitablement d’une société aux habitudes de vie et donc de perception assez différentes des nôtres. C’est un vrai rappel des décalages culturels qui résistent à l’uniformisation et à la mondialisation, à moins de 2000 km de Paris, Skopje n’étant pas plus éloigné que Lisbonne, Séville, Stockholm ou Varsovie. 

Risima Risimkin organise même un festival international, le Dance Fest Skopje, où elle présente les compagnies régionales, mais aussi le Scapino Ballet néerlandais, les Pockemon ou encore Amala Dianor qui, décidément, est partout… La danse étant un vrai facteur d’intégration, avec la possibilité de voir émerger un public intéressé à Skopje, elle est aussi un excellent moyen de faire connaître un petit pays dans le reste du monde et de le sortir d’un isolement, sans doute trop vite supposé. 

Paradoxalement, Identities  est une pièce qui parle d’isolement, mais en lien avec le confinement. La valse des neuf figures potentiellement mythologiques avec leurs ballons gonflables, qui s’achève sur un tableau circulaire, constitue une constellation qui fait penser au baroque autant qu’à une possible représentation du coronavirus. History of en extended dream : un rêve, comme un voyage dans le temps. 

Thomas Hahn

Vu le 16 mars 2022, Chaillot Théâtre national de la danse, salle Firmin Gémier

Chorégraphie Risima Risimkin
Musique Toni Kitanovski
Scénographie et lumières Matea Mijanovic
Costumes Blagoj Micevski

Avec Anastasija Danchevska, Mimi Pop Aleksova, Sara Cvetkovska, Boban Ruseski, Dejan Bitrovski, Viktorija Koceva, Andrej Dimovski, Stefanie Schaarschmidt et Emilija Milak.

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