Alexander Whitley : « The Measures Taken »
Alexander Whitley : Le Londonien qui promet de prendre des mesures
Le double sens est évident : The Measures Taken - les mesures qui ont été prises. Comme si les faisceaux lumineux qui traversent l’espace voulaient en prendre possession et jouer avec les divisions. Whitley s’en sert autant pour cacher les danseurs que pour les éclairer. C’est beau, y’a de la fumée, et puis cinq corps en mouvement perpétuel. Mais est-ce passionnant ?
Whitley, artiste associé du Sadler’s Wells de Londres, est présenté comme l’espoir nouveau de la danse britannique. Il a en tout cas fait preuve d’une grande originalité dans 75 Watt, un projet singulier qui l’a amené en Chine, où il a chorégraphié les ouvriers sur leurs chaînes de montage, en assemblant un objet conçu exprès pour générer des gestes chorégraphiques. Un projet fou, plus qu’original, au sens fort. L’idée d’un système de mouvements dans une dimension machinale et répétitive, comme octroyée par une puissance supérieure y prend tout son sens. Mais pour cette création mondiale au festival Exit, les danseurs n’étaient pas censés jouer des ouvriers.
Si Whitley veut apporter un souffle nouveau à la scène anglaise, ce n’est pas dans The Measures Taken qu’il prend les mesures appropriées, quelle que soit l’indéniable esthétisme des projections qui font office de scénographie. L’effet d’annonce passé, le système chorégraphique repose révèle qu’il repose sur la même régularité et la même uniformité gestuelle, les mêmes réminiscences balanchiniennes et forsythiennes que les créations de Wayne McGregor, autre invité régulier du festival Exit.
Une captation du spectacle a été réalisée par Arte Concert à la MAC de Créteil :
The Measures Taken, classé « danse et nouvelles technologies », fonctionne de fait tel un moteur diesel, imperturbable et apparemment impossible à arrêter. Ce genre de machinerie ne transpire pas l’envie de casser l’ambiance. La danse britannique donne à voir au public ce qu’il connaît déjà et ce qu’il attend. Ca fait penser à Jérôme Bel, dans Pichet Klunchun et moi, ou le Thaïlandais demande à Bel : « Tu veux dire que chez vous les gens achètent des places pour le spectacle sans savoir ce qu’ils vont voir? » Dans un système lié aux codes et à la tradition, la chose est difficile à imaginer. Les jeunes chorégraphes britanniques reproduisent les mêmes schémas sans les interroger.
La danse contemporaine anglaise, dans un contexte sans véritable politique d’aide à la création, évolue-t-elle définitivement dans le même sens, sous l’obligation de faire recette? Suivra-t-elle le modèle de la danse américaine où l’impératif économique engendre la stagnation artistique et interdit de défier le mainstream? Si un artiste capable d’une imagination aussi pointue que Whitley produit finalement une chorégraphie aussi standardisée qui n’ose plus remettre en question, ne serait-ce que symboliquement, le modèle de référence, le benchmark, comme ils disent, alors qui prendra les mesures nécessaires pour un redémarrage libératoire?
Thomas Hahn
The Measures Taken
Création mondiale : 1er avril 2014, MAC Créteil, festival Exit
Chorégraphie et mise en scène : Alexander Whitley
Interprètes : Jessica Andrenacci, Marina Rodríguez Hernández, Marc Fernández Mercadé, Wayne Parsons, Aaron Vickers
Costumes: Oliver Townsend
Créé en collaboration avec les développeurs de Marshmallow Laser Feast, l'éclairage de Lee Curran et la musique de Rutger Zuydervelt
Tournée anglaise 2014 :
Linbury theatre (UK premiere), May 15th - May 17th, Royal Opera House
Brighton Digital Festival, Sep 26th, 2014, Old Market Theatre Brighton
DanceXchage Birmingham, Oct 23rd - Oct 25th, Birmingham Hippodrome
Dance East, Nov 7th - Nov 8th, Jerwood Dance House, Ipswich
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