Entretien avec Amala Dianor
Amala Dianor: « Je mesure la chance que j’ai. »
Artiste associé à Pôle-Sud, Dianor participe aux festivals Extradanse et Extrapole et prépare de nouveaux projets.
Une création avec les habitants, une battle, et de grandes tournées. Mais dans notre interview, Amala Dianor dit surtout la nécessité pour tout chorégraphe de prendre du temps pour questionner sa propre démarche, parfois même à travers un travail de création. Comme dans le trio Quelque part au milieu de l’infini, qu’il reprend à Pôle-Sud du 16 au 17 mai.
Danser Canal Historique : Vous allez présenter à Pôle-Sud, dans le cadre du festival Extradanse, votre trio Quelque part au milieu de l’infini, [lire notre critique] que vous présentez comme une pièce pour « trois individualités dont les histoires puisent leurs origines au Burkina Faso, en Algérie, et au Sénégal. » Pourtant l’un des trois, à savoir Pansun Kim, que nous connaissons bien comme interprète chez Emanuel Gat, est Coréen.
Amala Dianor : En effet. Saïdo Lehlouh avec qui nous devions faire la création s’est blessé à deux semaines de la première et il m’a fallu trouver un danseur-chorégraphe qui vienne lui aussi d’une autre culture et qui ait sa propre personnalité, sans être une copie de Saïdo. Et Pansun Kim est un magnifique danseur. Par contre, à Pôle Sud, Saïdo reprend son rôle et à l’avenir, les deux vont alterner aux côtés de Souleyman Ladji Koné et moi-même.
Vous aurez donc deux versions de la pièce qui sont sensiblement différentes ?
Amala Dianor : Complètement. J’avais préparé la matière chorégraphique de manière à permettre à chaque interprète de se l’approprier à sa façon et les résultats sont bien différents. Saïdo aime beaucoup la parole alors que Pansun est totalement investi dans la force du mouvement. Il va foncer et puis questionner. Saïdo, c’est l’inverse. Il commence par s’interroger. Par ailleurs, j’ai sciemment invité des danseurs qui sont aussi chorégraphes. Je souhaitais, dans Quelque part au milieu de l’infini, me mettre en difficulté, à plein de niveaux, et j’avais besoin d’être questionné à travers eux. Allaient-ils accepter ou rejeter la matière chorégraphique ?
Vous êtes artiste associé à Pôle-Sud. Qu’est-ce que cela signifie pour vous, qu’est-ce que ça change?
Amala Dianor : C’est une énorme chance qui fait suite à l’accueil qui m’a été offert au Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France par sa directrice Emmanuelle Jouan et toute son équipe. C’est de là que tout est parti. Quand j’ai commencé à me lancer dans la chorégraphie, je n’ai pas arrêté à courir après les professionnels pour solliciter des studios etc. Et au final, je n’avais plus assez de temps pour travailler mon propos chorégraphique. J’ai donc pu me poser dans un théâtre pendant deux ans pour développer ma danse et j’ai pu le présenter à plein de professionnels dans le cadre de la Belle Seine Saint-Denis à Avignon. C’est dans ce cadre que j’ai pu rencontrer Joëlle Smadja qui m’a proposé de devenir artiste associé à Pôle-Sud où j’ai la chance d’être soutenu par une équipe extrêmement professionnelle et engagée.
Quels sont vos prochains projets à Pôle-Sud ?
Amala Dianor : Nous allons monter un projet participatif. C’est certes un peu commun, mais Pôle-Sud se trouve dans le quartier de la Meinau, un de ces quartiers qu’on qualifie comme « difficiles ». Les habitants ne fréquentent pas vraiment le CDC et c’est dommage. Je veux aider à construire une passerelle entre le CDC et les habitants du quartier. Notre projet doit réunir danseurs professionnels, danseurs amateurs, habitants du quartier de la Meinau et habitants d’autres quartiers. Nous allons intégrer une chorale de la Meinau et des étudiants en arts plastiques pour créer une scénographie. Nous allons commencer les ateliers à partir de septembre et la pièce sera présenté dans l’édition 2018 du festival Extrapole. Mais je participe bien sûr aussi à Extrapole 2017, avec une Battle tous styles confondus, les 10 et 11 juin.
Et vos créations avec votre compagnie professionnelle ?
Amala Dianor : Je vais prendre le temps de laisser mûrir ma réflexion sur ma façon de créer et de mener à bien une chorégraphie. Depuis la création de ma compagnie en 2012 j’ai toujours été en hyperactivité. Je mesure d’autant plus la chance que j’au aujourd’hui d’être artiste associé à Pôle-Sud, au Centquatre-Paris et aux Scènes de Pays dans les Mauges. Car la création de Quelque part au milieu de l’infini était en fait le projet de trop pour moi. Après la création de De(s)génération [lire notre critique] j’étais exsangue, et il m’a fallu redémarrer immédiatement pour la nouvelle création. Ca m’a amené à me questionner sur l’endroit où j’étais en tant que chorégraphe.
Propos recueillis par Thomas Hahn
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