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Le Temps d'Aimer : Hassid, Koubi, Inger et Bernal

L’énergie fut le fil conducteur des quatre pièces présentées en fin de la 27ème édition du Festival.

Biarritz Culture et Thierry Malandain sont heureux car le taux de remplissage des salles a dépassé une fois de plus leurs espérances. Il faut avouer que le temps peu clément sur Biarritz n’était vraiment pas propice à la baignade et au farniente, et malheureusement la plupart des spectacles prévus à l’extérieur furent annulés. Mais c’est surtout grâce à la programmation de Thierry, directeur artistique du Temps d’Aimer, que le public est venu très nombreux assister à des œuvres fort différentes.

Découverte au théâtre du Casino tout enfumé avec la Compania de Danza de Bogota (Colombie) dont la dernière création Columbario chorégraphiée par Jorge Bernal se déroule sur une partition de sons très inquiétants signée par Carlos Romero.

Treize danseurs couchés qui semblent enroulés dans des bandages commencent à évoluer très lentement pour atteindre des positions de toute beauté. Equilibres fessiers, jambes élevées, bras qui se déplient… évoquent de bien belles images. Une fois levés, il s’avère que ce qui enroulait leurs corps sont tout simplement de superbes colliers d’où pendent de longs fils blancs. S’ensuivent des passages d’une danse très puissante qui entremêle tradition colombienne et style plus contemporain.

Bien que les interprètes possèdent une indéniable maitrise de leur art, on se perd dans une histoire qui ressemble plus à un labyrinthe qu’à une véritable intrigue. Impossible de comprendre ce que signifie ce tas de terre encadré par une lumière qui dessine une pyramide…. Il s’agit sans doute d’un défaut de jeunesse à vouloir trop en dire et perdre ainsi toute la dramaturgie d’un ouvrage. Toujours est-il que l’on ressent une réelle énergie qui demanderait à être plus développée afin d’engendrer des pièces plus lisibles.

A la Gare du Midi, le chorégraphe suédois Johan Inger proposait Golden Days, soit deux œuvres existantes, Rain Dogs et Bliss interprétées par  la compagnie italienne Aterballetto. La première sur les magnifiques voix de Tom Waits et Patti Smith présente peu d’intérêt sur le plan chorégraphique. Une danse peu originale et si peu d’intériorité des danseurs, bien qu’ils soient performants, n’apportent rien aux sons si envoutants.

Alors que les techniciens entrent en scène pour ôter le tapis de sol noir, une danseuse vêtue d’un justaucorps en paillettes noires évolue entre eux. Une petite création gracieuse prévue uniquement pour le festival.

Enfin, Bliss sur l’extraordinaire improvisation au piano de Keith Jarrett, The Köln  Concert de 1975. Porté par cette musique qui tressaille entre rythmes de haut vol et les quatre notes de base comme fil conducteur, Johan Inger est nettement plus inspiré. Les seize interprètes dessinent à merveille les intentions du compositeur. Une danse dynamique, cadencée et puissante, des regards, donc de la connivence et même de l’humour sont en étroite corrélation avec les envolées du piano même si, par instants, on a envie de fermer les yeux pour mieux déguster cet admirable et unique concert.

Standing ovation au théâtre du Casino à l’issue de la représentation de Les nuits barbares ou les premiers matins du monde  d’Hervé Koubi. Le chorégraphe a tenu à présenter tout d’abord sa pièce : « J’ai ignoré mes origines algériennes jusqu’à l’âge de 25 ans et compris qu’il importait peu que l’on soit d’Algérie ou d’ailleurs, parce que nous avons une appartenance plus ancienne que les nations ». Il  dit ainsi vouloir raconter l’histoire de notre bassin méditerranéen et chercher qui étaient ces Barbares venus du nord, mystérieux peuples de la mer afin de mettre en scène cette peur ancestrale de l’étranger. « Je choisis de porter mon regard sur ce qui me parait le plus beau, les mélanges des cultures, du sacré à travers l’Histoire… ».

Galerie photo © Caroline de Otero

Deux pages aussi de notes d’intention qui laissent entrevoir une œuvre qui parlera de métissage, d’un monde universel, de la quête des origines, de l’amitié entre les peuples…

Treize hommes torse nus fort bien bâtis entrent en scène coiffés de casques en paillettes sur lesquels sont posés deux poignards. S’ensuivent des mouvements nettement plus proches du hip hop et surtout du cirque que de la danse. Sauts périlleux en arrière, formidables et rapides tours sur la tête, équilibres improbables, jetés de cannes, acrobaties magnifiquement bien réglées…

Ils sont excellents, mais que racontent-ils ? Rien. Que viennent faire Wagner, Fauré et le Requiem de Mozart dans cette soi-disant histoire ? Pour autant, tout est savamment dosé sur le plan des images et des exploits des circassiens. Le public en prend plein les yeux séduit aussi par les quelques moments très pompeux.  

Très belle surprise au Colisée avec le projet de Christine Hassid qui décline Spectre(s) en trois parties. Au sein de son projet de médiation et de sensibilisation : Grandir avec la danse, elle ouvre la soirée avec de jeunes hommes amateurs du collectif de danse basque Dantza Sarean. Josu Corbineau, Iban Garat, Aurélien Labenne et Jon Vernier qui pratiquent la danse traditionnelle basque depuis des années, ont travaillé seulement cinq jours avec Christine Hassid, leur permettant ainsi de rencontrer et d’explorer la danse avec plus de précision. Entrant en scène avec un ballon de baudruche entre les dents et coiffés de bonnets roses, ils proposent un charmant trio qui n’a rien d’amateur. Très concentrés et exécutant parfaitement bien la chorégraphie ils font ressentir tout le délice de ce petit opus.

Le Spectre 2 inverse les rôles. Le spectre est interprété par Andrea Loyola et l’homme endormi par Agustin Martinez. Lui torse nu avec un tutu rose n’est en rien ridicule. Elle le cherche, le séduit, le provoque. Un peu plus de chaleur, de chair et de sensualité auraient apporté un bonus à une danse toute en douceur qui laisse comprendre qu’ils sont tous les deux de bons interprètes.

Aussi sur les musiques de Carl Maria Von Weber (L’invitation à la danse), sur les arrangements de Clément Doumic sur Le songe d’une nuit d’été de Berlioz et sur le texte de Théophile Gautier chanté par Georgia Ives, la troisième version du Spectre est extraordinaire.

Le Spectre, Mohamed Toukabri (de la cie Sidi Larbi Cherkaoui,  Need Company et Jan Lauwers) et l’homme endormi, Aurélien Houette (sujet du Ballet de l’Opéra de Paris), forment un duo comme on en a rarement vu. L’écriture chorégraphique de Christine Hassid leur impose une gestuelle très compliquée et extrêmement rapide où tout le corps est mis à rude épreuve. Formidables danseurs, ils possèdent une incroyable présence et ne font jamais ressentir les multiples difficultés. C’est velouté, chatoyant comme un rêve, intense comme le désir. Magnifiquement troublant, explicite, sensuel et charnel !

Ces trois brillantes relectures du Spectre de la rose aux vocabulaires différents, revisitées pour la première fois par une femme, Christine Hassid, évoquent en toute beauté la tendresse, l’amour et la joie de vivre.

Sophie Lesort

Spectacles vus au Temps d’Aimer de Biarritz les 15 et 16 septembre

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