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Biarritz baroque

Au festival Le Temps d’aimer avec Vivaldi, Bach, Purcell et le quadrille : Un bouquet de voyages dans le temps. 

A toute occasion, Thierry Malandain brille comme historien du ballet de toute l’Europe, avec un focus particulier sur le moindre détail de la présence de danseurs et maîtres de ballet à Biarritz. A lire ses articles dans la gazette du Centre Chorégraphique National qu’il dirige, on se dit qu’il doit passer autant de temps à écrire sur la danse qu’à en produire. Aussi a-t-il naturellement accueilli un événement consacré à un précurseur du ballet : le quadrille, cette façon de pratiquer la contredanse qui a essaimé du Pays Basque jusqu’aux Antilles en passant par Versailles, la Bretagne et bien ailleurs. 

Le quadrille, on l’a donc dansé à Biarritz, en atelier pour la version gwoka et en costume traditionnel basque sur la place publique. Au rythme des tables rondes, on a essayé d’en décoloniser le présent, en faisant se rencontrer les deux traditions, qui avaient beaucoup à se dire, au cours d’un Focus Caraïbes – Pays Basque, quant à leur rapport aux institutions de l’Etat et aux paysages culturels dans lesquels elles évoluent. 

Quadrilles des quatre vents

Quadrille basque, quadrille créole, quadrille français… Le terme semble avoir plusieurs origines possibles, dont le terme espagnol de quadrilla, datant du XVI siècle et désignant la pratique de diviser les soldats de l’armée victorieuse en quatre unités – pour se partager le butin. Aussi le quadrille amène directement à l’époque où la danse faisait partie des pratiques de l’armée, où Louis XIV s’intéressait à la danse basque et la danse à la cour était si structurée qu’elle évoque immanquablement le jardin à la française. En « métropole », le quadrille se pratique aujourd’hui comme une curiosité muséale – sauf au Pays Basque où il avait quasiment disparu il y a quelques décennies, avant de redorer son blason. Seulement le Pays Basque fait-il vraiment, pleinement, culturellement partie de ce territoire centraliste ? En tout cas, il sait préserver sa spécificité. 

Selon le chorégraphe Claude Iruretagoyena, fondateur de la Cie Maritzuli qui incarne le vivant de la tradition basque, le retour du quadrille dans la pratique populaire serait dû à certains spectacles créés pour la scène qui en ont ravivé le goût. Aux Caraïbes, ses versions locales, hautes en couleurs, restent ancrées dans la vie sociale, mais souffriraient de pénuries en production des instruments de musique qui portent les élans des bals. 

Galerie photo © Stéphane Bellocq

Selon Iruretagoyena le quadrille serait l’une des traditions les plus virtuoses de la danse traditionnelle du coin, si bien que les danseurs du Malandain Ballet Biarritz doivent déclarer forfait. Mais la troupe pratique une danse internationale. Le CCN vient d’accueillir Jon Maya, le chorégraphe de la compagnie Kukai Dantza, comme nouvel artiste associé. Les deux ensembles créeront-ils un jour une pièce ensemble ? 

Quant à la virtuosité, elle peut anoblir une tradition populaire, mais aussi lui nuire en la faisant paraître comme une danse venant d’ailleurs. Mais en fait, que ce soit en Bretagne ou aux Antilles, le quadrille est toujours venu d’ailleurs. C’est vrai même pour la cour à Versailles, puisque ses origines sont bel et bien basques… Il faut espérer qu’il sera bientôt possible de retracer les cheminements du quadrille par les actes du colloque biarrot. L’étude comparée du quadrille de toutes les cultures ne fait que commencer…

La Belle danse (contemporaine)

Les spectacles de chorégraphes d’origine antillaise ou basque ont prolongé les échanges et le baroque en tant que tel leur offrit du répondant. Pas toujours avec un bonheur pur, certes. En particulier Les Quatre Saisons de la Cie L’Eventail. Voilà qui n’arrive pas à la cheville du moindre Basque bondissant. Marie-Geneviève Massé fait se rencontrer deux compositeurs emblématiques, à savoir Bach et Vivaldi pour son quadrille du cycle des saisons, bien sûr. 

Galerie photo © Stéphane Bellocq

Un mariage moins forcé que celui entre la Belle danse et le pastiche de contemporanéité, mariage en plus perturbé par des acrobaties aériennes comme concession au Zeitgeist actuel. Loin de la moindre osmose, on en reste à la démonstration plate, sans inspiration. Que le baroque et l’aérien puissent s’inspirer et se propulser mutuellement n’est pourtant pas un secret depuis que Trisha Brown s’est penchée sur Rameau et Monteverdi, dans ses approches de Pygmalion et d’Orfeo.

Purcell aussi avait ses entrées au Temps d’aimer. Et fut bien accueilli par Samir Calixto (conception, chorégraphie, costumes, interprétation) et sa partenaire de scène Erika Poletto qui donnait à Dido autant de flamboyance subversive que Calixto à Enée. 

Galerie photo © Stéphane Bellocq et Caroline de Otero

Chez eux, aucun flirt avec la Belle danse, mais une belle radicalité contemporaine, à fleur de peau. Et pourtant, on les sentait faire corps avec Purcell. Ce qui prouve que le baroque est en fait un état d’esprit, plus qu’un vocabulaire : une part de nous en tout temps. D’où le titre, Dido  Æneas Us & All. Misant sur la nudité plutôt que sur l’opulence textile et chromatique, ce duo faisait le lien avec les astres et leur éternité relative. 

Thomas Hahn

Festival Le Temps d’aimer la danse, Biarritz, 12 et 14 septembre 2022

 
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