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« Somnole » de Boris Charmatz

Un saisissant chef-d’œuvre sur l’intime. Entre rêves, cauchemars et délires, cet éblouissant solo touche l’âme et le cœur. A l'affiche du Festival de Marseille les 6,7 et 8 juillet. 

Seul sur l’immense plateau totalement nu de l’Opéra de Lille, Boris Charmatz s’embarque et nous entraine dans un univers que nous connaissons tous, celui du moment de somnolence entre la difficulté de se réveiller, les quelques instants où l’on replonge dans le sommeil et surtout ces minutes de latence entre rêves, cauchemars et réalités encore floues. 

Le torse nu et simplement vêtu d’une large jupe, il danse et siffle sans discontinuer pour dessiner l’intime d’un être quelque peu perdu dans sa solitude qui tente de s’extraire d’une nuit difficile.

Seul avec sa musicalité, son corps s’anime en douceur avec le lever du jour. Subrepticement ses mouvements évoquent la notion de cloisonnement, ou de confinement d’où est née l’idée de Somnole. Boris est donc enfermé chez lui, mais pour autant tellement riche de sons et du besoin de faire mouvoir ce corps afin de mordre la vie à pleines dents. 

De Bach à Vivaldi et Mozart, son sifflement devenant de plus en plus mélodieux, l’homme éveillé s’énerve et s’émerveille. De façon effrénée, il danse, court, occupe tout l’espace scénique sans jamais arrêter de siffler. Et c’est un véritable exploit, car jamais son souffle n’est coupé par l’effort physique. Durant une heure, il siffle entre inspiration et expiration. 

Une fois parfaitement conscient il change de registre avec une candeur enfantine en sifflant des airs très connus d’Ennio Morricone. Eclats de rire dans la salle avec Le bon la brute et le truandIl était une fois dans l’Ouest… Et comme rien ne l’arrête, il poursuit son parcours intérieur avec Comme d’habitude dans une gestuelle complexe qu’il pousse jusqu’à l’épuisement. 

Tout d’un coup, une nouvelle idée germe en lui. Pourquoi ne pas évoquer les comédies musicales ? Et là, le sourire aux lèvres tout en sifflant, il se lance pieds nus dans un irrésistible numéro de claquettes.  

Entre poésie, humour et dérision, cet homme tellement attachant, si heureux de vivre, poursuit son délire en levant les bras tel un rocker afin d’haranguer le public pour qu’il siffle avec lui. Et ça marche ! 

Etait-ce un rêve puisque finalement il se love dans la position fœtale pour retrouver le sommeil ? Dans un sursaut, il reprend vie, s’éloigne doucement en faisant ressentir une extrême solitude. Le projecteur le suit. Mais cette lumière vire progressivement vers la salle. Oui, une salle pleine, enfin du public après tant de mois d’abstinence ! 

Galerie photo © Simon Gosselin

Dans cette œuvre si intime, Boris Charmatz se livre avec une sincérité déroutante. Entre sa passion pour le sifflement qu’il pratique depuis sa jeunesse, son amour de la musique, sa chorégraphie ébouriffante et ses nuits difficiles scandées par des éclairs d’inspiration, il rompt le 4mur et engendre une rare communion avec les spectateurs. 

Standing ovation face à une pièce suspendue à ses lèvres, émouvante, drôle, intelligente, sensible, délicate et un virtuose exceptionnel dont la danse et le sifflement continus ont dessiné une pléiade de situations à la fois réelles et fantasmagoriques. 

Chapeau bas l’artiste ! 

Sophie Lesort

Spectacle vu le 10 novembre 2021 à l’Opéra de Lille

Festival de Marseille
Somnole 
Mercredi 6 et  jeudi 7 juillet à 20h30
Vendredi 8 juillet à 19h 
Théâtre Joliette - 2 place Henri Verneuil, 2e - Marseille - 04 91 90 74 28

Chorégraphie et interprétation : Boris Charmatz
Assistante chorégraphique : Magali Caillet Gajan
Lumières : Yves Godin
Ingénieur son : Alban Moraud
Costumes : Marion Regnier
Travail vocal : Dalila Khatir
Avec les conseils de Médéric Collignon et Bertrand Causse

 

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