Festival de Marseille : Salma Salem et Taoufiq Izeddiou
Avec Anchoring (ancrage) Salma Salem célèbre la capacité de la femme à se réapproprier son corps. Quel lieu plus adéquat pour une telle pièce que le Mucem afin que la jeune chorégraphe égyptienne puisse exprimer ses émotions, son ressenti et ses ambitions quant à sa place au sein de la société.
Durant plus d’une demi-heure elle demeure en équilibre fessier tout en faisant osciller son bassin, ses bras et ses jambes. Ainsi, elle tourne sur elle-même suivie par un rectangle de lumière qui semble marquer le temps et accompagnée par une musique électro-pop assez angoissante.
Même s’il est évident qu’elle exécute parfaitement bien un exercice physique rigoureux et épuisant, ses mouvements son peu cohérents. Et malheureusement, une fois qu’elle se redresse petit à petit avec les mêmes gestes de bras qui ondulent, rien ne transpire dans son visage, ni dans son corps. Soit peu ou pas d’expression afin de transmettre sa détermination et c’est fort dommage.
Galerie photo © Pierre Gondard
En contradiction totale, la création de Hors du monde, signée par le chorégraphe marocain Taoufiq Izeddiou nous emporte dans un univers riche de sensations et d’histoires.
Sur un plateau jaune composé de quelques grands carreaux bleus et baigné de lumière apparaissent deux hommes vêtus de tee-shirts et pantalons oranges vifs. L’un, en fond de plateau est le guitariste Mathieu Gaborit aka aYaTo et plus au centre, le danseur Hassan Oumzili. En osmose avec la musique jouée en direct qui change souvent de rythme, l’homme est agité de tremblements, effectue aussi de très petits pas, puis ses bras se délient, enrobent son corps tout comme ses épaules et son bassin qui semblent découvrir une certaine forme de liberté. Sa danse est envoutante tel un début de transe en hommage à la liberté, à l’âme du passé et du futur.
La mémoire est parfaitement bien décrite lorsqu’il enroule sa tête et son visage d’un chèche de trois mètres de long faisant ainsi apparaitre les hommes du désert se protégeant du soleil et d’un vent de sable. Image stupéfiante d’un personnage qui parvient à vivre cette vie de nomade dans un lieu si hostile. Mais il n’en reste pas là, alors que son corps oscille toujours avec une grâce d’une rare élégance, il ôte cet attribut et le piétine comme les femmes faisaient pour laver leur linge dans un point d’eau.
Galerie photo © Pierre Gondard
Alors que les lumières changent les couleurs du sol et des costumes, l’excellent guitariste exécute un solo à la Jimi Hendrix et revient vers des styles parfois épurés parfois plus provocants en corrélation avec la chorégraphie superbement interprétée. Car il s’agit d’un duo dans lequel s’exacerbe la vérité brute et nue de l’homme. Chaque muscle dessine une histoire, chaque déplacement fait vibrer le temps. Avec Hors du monde, le chorégraphe démontre à quel point il est pointilleux car chaque pas de danse, chaque note de musique a une signification bien particulière.
Car même si Taoufiq Izeddiou entre en scène pour accompagner le musicien avec des karkabous à la fin de la pièce, sa construction de cet ouvrage exprime clairement sa volonté d’incarner la mosaïque d’un monde échiquier complet où la spirale et la spiritualité se conjuguent à 360°pour ralentir la marche du monde.
Un spectacle délicat avec d’extraordinaires interprètes qui doit absolument être vu par des jeunes et moins jeunes afin de réfléchir, de comprendre que l’Homme et la vie sont inséparables et qu’en commun, nous devons sauver notre planète.
Sophie Lesort
Spectacles vus les 3 et 4 juillet 2023 au Festival de Marseille
Festival de Marseille jusqu’au 9 juillet
Anchoring
Conception, chorégraphie, interprétation : Salma Salem
Composition musique live : Ahmed Saleh
Création lumières : Saber El Sayed
Hors du monde
Chorégraphie et scénographie : Taoufiq Izeddiou
Danseur : Hassan Oumzili
Musicien : Mathieu Gaborit aka aYaTo
Composition et création sonore : Mathieu Gaborit aka aYaTo
Création lumières : Ivan Mathis
Régie : Marine Pourquié
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