Error message

The file could not be created.

Le festival Faits d’hiver mène la danse

En 2024 cela fera 26 fois que Faits d’hiver nous racontera l’actualité de la danse telle que nous la vivons et la partageons. Une performance en soi !

« Quoi de neuf sous le ciel implacable de la danse contemporaine » annonce Christophe Martin avant de dévoiler la programmation de cette 26édition de Faits d’Hiver. Voilà donc 26 ans que le festival rend compte d’une actualité chorégraphique dans toute sa diversité chorégraphique. Toute ? Non ! Depuis ses débuts Christophe Martin,directeur de Faits d’hiver et de Micadanses,qui vient d’être couronné « personnalité chorégraphique de la saison 2022-2023 » par le Syndicat de la critique théâtre-danse-musique en 2023, a toujours affirmé ses choix et ses fidélités, au point que l’on pourrait presque parler d’une « famille  Micadanses ». D’où l’idée que cet irréductible programmateur résiste encore et toujours aux sirènes de la mode – sans pour autant se priver de la nouveauté ! Affirmant qu’il ne ressent pas « de décrue en matière de danse contemporaine, sauf en termes de moyens accordés l’art chorégraphique »

Pour cette 26édition ce sont donc dix créations, vingt-huit spectacles dans dix-sept lieux pour quarante-huit représentations. De l’audace, à n’en pas douter, qualifiée de « le grand pari du Grand Paris » par Christophe Martin ! Une édition extrêmement touffue, donc, mais que l’on peut articuler en quatre temps forts. 

Mon premier s’intéresse de près aux danseuses et chorégraphes qui ont pour formation le hip-hop et pour horizon son évolution dans des directions audacieuses. On retrouve là Leïla Ka et sa création pour cinq danseuses, Maldonne, qui, bien sûr, se préoccupe de la condition féminine. Nach, qui, après sept ans de réflexion, revient sur sa toute première pièce, Cellule, un autoportrait à fleur de peau à partir du Krump ; Jann Gallois qui donne Situ, un petit bijou chorégraphique plein d’humour et enfin Mellina Boubetra, qui présente Nyst et Intro, deux courtes pièces qui ont assuré le succès de cette jeune artiste émergente (lire notre critique).

Mon second, met l’accent sur un groupe de chorégraphes émergents, plutôt tournés vers une écriture affirmée, des univers revendiqués comme tels et des interprètes de pointe. C’est la cas de Laura Bachman, ancienne danseuse de l’Opéra de Paris puis de Benjamin Millepied et Anne Teresa De Keersmaeker qui a imaginé avec Marion Barbeau, Première danseuse du même Opéra et actrice principale dans En corps de Cédric Klapisch, Ne me touchez pas une pièce typiquement post-covid, qui s’attache à nos ressentis. Tout comme d’Anne-Sophie Lancelin dont la création, Le Quatrième pas se fait dans la nuit, un trio dont le titre nous rappelle la course du soleil, mais aussi trace un parcours mystérieux et non sans péril.

Sarah Baltzinger se saisit quant à elle du thème de la Vénus anatomique, chère aux écrivains du XIXe siècle, pour questionner nos représentations du corps féminin dans un univers horrifique et absurde signé Isaiah Wilson. Avec La Pieuvre, Rebecca Journo évoque cet animal et son imaginaire particulièrement érotique (lire aussi) conçu aussi bien comme une création chorégraphique qu’une performance immersive où interprètes et spectateurs évoluent dans le même espace. Enfin, Harris Gkekas, dans Blackout Dialogs convoque huit interprètes pour tester les modes de composition tel un organisme en perpétuelle métamorphose. 

Mon troisième est un focus consacré au danseur et chorégraphe Sylvain Prunenec qui se voit offrir trois rendez-vous dans un même festival, avec notamment, Le fil, une conférence dansée qui raconte la mémoire du corps et les consciences en jeu dans le métier d’interprète ; et 48parallèle, le récit d’un périple tout au long du continent Eurasien, de la pointe du Finistère à Tychaya (la Baie tranquille) dernière terre avant le Pacifique en Russie. Mais on pourra également le voir dans Pouf aux sentiments de Clédat & Petitpierre (lire notre critique).

Et d’une certaine façon, il peut aussi se rattacher à mon quatrième, qui vise à célébrer la longévité en danse. Et bien sûr, la création phare de cette quatrième partie n’est autre que Ne lâchons rien ! Bêtes de scène #3 de Jean-Christophe Bletonqui réunit en une même pièce quatorze interprètes de 50 à plus de 70 ans. C’est le dernier volet du triptyque qui a présenté une version masculine en 2017, puis une version féminine en 2021 avant cette version mixte. Comme pour les deux premiers opus, elle est centrée sur la question du vieillissement et de l’obsolescence programmée des danseuses et danseurs (comme beaucoup d’autres séniors !) avec un humour décapant. C’est un antidote, à l’oubli de notre histoire de la danse, à l’effacement du féminin et à la disparition des vieux animaux que sont ces « bêtes de scène ».

Toujours dans le même thème, citons Daniel Larrieu avec Play 612 (lire notre interview) un trio en forme de parcours initiatique dans son œuvre ou la reprise de Cygn etc… de Pedro Pauwels, un solo qui réinterprète La Mort du cygne de Fokine (1905) chorégraphié par huit chorégraphes et non des moindres (Anne-Marie Raynaud, Odile Duboc, Carolyn Carlson, Françoise Dupuy, Elsa Wolliaston, Wilfride Piollet, Patricia Karagozian, Zaza Disdier) toujours sur la musique de Saint-Saens et nous offre un nouveau solo hommage à Buster Keaton avec la création de Mr. Splapstick. Sans oublier Mohamed Toukabri qui invite sa mère à danser The Power (of) The Fragile.

Mais mon dernier n’est ni mon tout ni mon reste ! Car dans cette catégorie inclassable se trouvent la création de Marco Berrettini, El Adaptador, qui s’inspire de l’image du Matadaor, le « tueur » de la Corrida dans une mise en perspective et une prise de conscience aussi violente que sanglante du massacre de millions d’animaux voués à être consommés. Dans ce dernier groupe, figure également SubRosa, « sous la rose », qui désigne le sous-jacent, le secret, une création d’Edmond Russo et Shlomi Tuizer, qui réunit un quintette féminin, dans une chorégraphie qui se réinvente sans cesse.

Presque le même titre pour la création R.osa de Silvia Gribaudi, qui présentera également Grand Jeté avec dix jeunes danseurs de la compagnie MM Contemporary Dance Company, les entraînant dans l’inconnu et la complexité du vocabulaire classique et de ses attendus.

On y trouve aussi Ophelia.s une pièce de Mossoux-Bonté en forme de rêverie autour de la célèbre noyée de Shakespeare, Forever, une pièce onirique sur l’éternité de Tabea Martin à ne pas rater en début de festival, et le projet hors norme de Bernardo Montet et la troupe de danse adaptée Catalyse qui reprennent dans Vignette(s) des extraits de trois pièces majeures : Soleil du nom de Bernardo Montet (2016), May B.de Maguy Marin (1981) et L’œil, la bouche et le reste de Volmir Cordeiro (2017). 

Sans oublier Julie Nioche dont le solo intime autour du lien, Spirales, rend hommage aux enfants concernés par le trouble autistique. Autour du lien et de la relation également, Frérocité de Fabrice Ramalingom (lire notre critique) réunit 25 danseurs, amateurs et professionnels, se livrant sur le plateau corps et âme. Et enfin, Tidiani N'diaye qui avec Fila Fila Manani nous interroge  et interpelle sur la terrifiante pollution plastique des océans. 

Christophe Martin en fin de conférence de presse a prétendu « n’avoir absolument rien compris à ce qu’il voulait faire ». Nous, nous le savons : un très bon et copieux festival !

Agnès Izrine

Festival Faits d’Hiver. Du 15 janvier au 9 févirer 2024. info@faitsdhiver.com

Teaser Faits d'hiver 2024 from micadanses / Faits d'hiver on Vimeo.

Image de preview : Frérocité - Fabrice Ramalingon © Laurent Philippe

Catégories: 

Add new comment