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« Komunikazio Inkomunikazio » de Mizel Théret

A Biarritz, au Temps d’Aimer,  un étrange rite chorégraphique se produit tous les jours, face à un fronton basque. 

Que le soleil cogne, que la grisaille enveloppe la scène, qu’il vente ou que la pluie lui fausse les appuis et mouille son costume… : Mizel Théret danse, jour après jour, face au fronton basque. Les roulades sur le bitume laissent des traces, même sur son visage. Et soudain, après les saluts, il échange en basque avec des spectateurs venus de Bilbao pour voir son solo. Tous les jours du festival, on peut le trouver à la même heure, réinterpréter le même solo, mais de manière transformée par la météo – aussi changeante que la mer – et les rencontres avec le public, dont les habitants du quartier et parfois leurs chiens.

« Au début il y a un petit clin d’œil à Raimund Hoghe », glisse-t-il avant de se lancer dans Komunikazio Inkomunikazio. Il se couche au sol, comme mort. C’est le petit Aylan, enfant syrien trouvé sans vie sur une plage en Turquie, en 2015. Hoghe avait restitué la célèbre photo dans sa pièce La Valse, en 2016.

Il pleut, ce jour-là à 18h à Biarritz, produisant des ambiances qui répondent parfaitement aux échos de Fado et aux voix apparemment anglaises, comme sorties d’une comédie au charme d’antan. Théret se plie, écarte ses bras, marche en rond, affronte le mur, fait de son corps un jeu de meccano à la Bauhaus, se charge de toutes les solitudes du monde, de ses mélancolies et de sa volonté d’aller de l’avant. Il est un antihéros existentialiste tendance Don Quixote, qui a échoué sur ce carré de terre. Le bitume pourrait être celui d’un parking, mais il sert à jouer à la cesta punta, la pelote basque, en se servant du fronton.

Galerie photo © Thomas Hahn

Chaque jour, une autre ambiance enveloppe ce corps, inondé de voix humaines diverses et mystérieuses. Et Théret insiste : « Non, ce n’est pas de l’anglais. Non, ce n’est pas du portugais. » Il travaille ici sur un des collages sonores publiés par Mikel Laboa (1934-2008), emblématique chanteur-compositeur du Pays Basque. Ces chants expérimentaux (Lekeiotioak) sont le fruit assez dadaïste d’une recherche d’’envergure sur la relation entre phonèmes, onomatopées et le sens que nous projetons vers une surface sonore qui nous semble familière mais finalement s’amuse de nous.

Et Théret de recomposer son corps comme Laboa recompose les sonorités, créant des formes abstraites qui peuvent évoquer animalité ou constructivisme, liberté ou désespoir, tendresse ou volonté. Il se peut même que la lecture qu’on fait des gestes et des expressions du visage, voire des émotions qui se dégagent de ce jeu avec les formes, dépendent non seulement de ce qu’on a soi-même vécu au cours de la journée (voire au cours de sa vie), mais aussi de la météo. Tout communique dans Komunikazio Inkomunikazio où l’art est particulièrement vivant.

Thomas Hahn

Le Temps  d’aimer la danse , le 15 septembre 2023

Biarritz, Fronton du quartier Pétricot

Jusqu’au 17/09, tous les jours à 18h, gratuit

Komunikazio Inkomunikazio 

Chorégraphie et danse Mizel Théret
Musique Mikel Laboa (komunikazio /Inkomunikazio / lekeitio n°5)

 
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