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Création de « Silver Rosa » de Yuval Pick

Silver Rosa de Yuval Pick s’annonce être une grande création à voir à Château Rouge Scène Nationale d'Annemasse, puis à la Biennale de la Danse de Lyon.

Dix au plateau ! Jamais Yuval Pick, le directeur du CCN de Rillieux la Pape n'avait appelé un tel effectif au plateau que celui qu'il convoque pour la création de ce Silver Rosa. Lui qui témoigne d'une fidélité certaine à un groupe d'interprètes (Ah la danse de Madoka Kobayashi !), formés à sa technique exigeante (Practice), a été, pour cette pièce, contraint à étoffer l'équipe. Mais plutôt que rajeunir les cadres, il a fait appel à quelques madrés, possédant leurs techniques sur le bout des doigts et pas que ! Gilles Baron, Céline Gayon, Francesca Mattavelli ou Ernest Sarino Mandap, des plus que quarantenaires qui ont écumé les plateaux et possèdent ce que l'on appelle « le métier ». Avec Madoka Kobayashi (cf. ci-dessus) voici une solide phalange. En face, de jeunes danseurs moins connus, tels Julie Charbonnier, Axel Escot, Simon Hervé, Adrien Martins, Jade Sarette, et aux parcours très différents les uns des autres. Trente ans d'écart entre le plus âgé et le plus jeune. Une manière de précipité d'humanité dansante.

« Jusqu'à cinq interprètes, c'est de la musique de chambre, j'avais besoin de plus. Dix c'est un orchestre. C'est important aujourd'hui, à tous les niveaux, de pouvoir donner une image du groupe comme collectif. Répondre à la question de créer le commun. Pas être un mais faire un »explique le chorégraphe qui précise cependant que,« pour faire diversité, on ne peut pas répondre à des quotas, avec tant de gens comme ça, tant autrement. J'ai choisi des personnes différentes de par leur parcours. »

Avec ce groupe, le chorégraphe a choisi une composition qui retourne aux principes archaïques de l'espace saltatoire – le cercle et la ligne – pour explorer la nature du lien entre les êtres que constitue la danse. Une forme de plongée vers la matrice primordiale de la chorégraphie dans son rapport des danseurs entre eux et avec le public. Cette question préoccupe Yuval Pick depuis longtemps. Depuis Folk (2012), pièce qui n'a pas eu le destin qu'elle méritait, il approfondit la relation des formes contemporaines avec les danses sociales. Acta est Fabula (2018) traversait la part de survivance des danses anciennes avec un ton très décalé et amusé. Pour le programme de soli qu'avait initié Julie Guibert durant son mandat à l'opéra de Lyon en 2020, il a ainsi créé Terrone, (du nom assez péjoratif donné au paysan du Sud de l'Italie) solo pour Marco Merenda. La pièce est élaborée à partir de la Pizzica, danse traditionnelle originaire de la péninsule du Salento à l'extrême Sud de l'Italie. « Marco l'avait toujours vue mais jamais dansée. Il s'était même un peu interdit de le faire. J'ai donc plongé dans les traditions de l'Italie et c'est là que j'ai entendu parler des Mamuthones et Issohadores, une tradition perpétrée chaque année lors du Carnaval de Momoiada en Sardaigne. Ces personnages qui s'habillent d'un véritable costume de cloches pour faire le plus de « son » tous ensemble. En travaillant sur Silver Rosa, nous avons voulu le transposer sur scène, mais cela faisait vraiment trop de bruit. Ça a servi de base pour le travail musical [Max Bruckert] ainsi que le chant de gorge Inuit. »

Galerie photo © Sébastien Erôme

Cette plongée vers les profondeurs de la danse n'est en rien une « Nostalgie de l'archaïque » pour reprendre le titre du livre d'André Siganos publié en 1999. Yuval Pick piste les racines profondes sans oublier que lui-même, par la danse, se situe dans un toujours présent-actuel. Il ne mime ni n'aspire à une sorte de folklore anachronique. Ainsi le décor de Bénédicte Jolys lui a été suggéré par le chorégraphe à partir de l'émotion produite par l'installation du sculpteur Thomas Hirschhorn pour la Biennale de Venise 2011. Une grotte argentée mais avec des matières recyclées, « un ventre aquatique mais froid et fluide, une sorte d'utérus brillant » décrit Yuval Pick.

Chorégraphe précurseur des pièces de groupe portée par des danseurs de tous âges et s'inspirant des pratiques sociales, le goût de l'exploration de Yuval Pick pousse Silver Rosa sur des pistes alléchantes : un carnaval traditionnel sarde dans la grotte d'un plasticien contemporain suisse, cela interpelle quelque peu !

Philippe Verrièle

8 septembre Première à Château Rouge (Annemasse), dans le cadre de La Bâtie-Festival de Genève
19 + 20 septembre Le Toboggan (Décines-Charpieu), dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon 2023

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