« Swan Lake The next Generation » de Matthew Bourne
Après 20 ans d’absence, le mythique Swan Lake de Matthew Bourne et sa nuée de cygnes masculins envahissent La Seine Musicale.
Il y trente ans, Matthew Bourne et sa compagnie New Adventures créaient au Sadler’s Wells de Londres leur version du Lac des Cygnes. Ils remportaient un succès aussi immense qu’immédiat, public comme critique, qui les propulsait d’un coup d’un seul tout en haut de l’affiche chorégraphique. Ce succès ne s’est pas démenti depuis puisque ce ballet, qui leur a valu une trentaine de récompenses internationales, est le plus joué aussi bien à Londres qu’à Broadway. Son installation et son triomphe à la Seine Musicale, après deux décennies d’absence sur les scènes parisiennes, est l’occasion d’apprécier la recette de sa réussite et de constater qu’il n’a pas pris la moindre ride.

Une fable réaliste et contemporaine
Ce qui marque les esprits avant toute chose dans le Swan Lake de Matthew Bourne est son corps de ballet de cygnes masculins. Torses nus et musculeux, vêtus de bermudas de long duvet blanc, un triangle noir dessiné sur le front, ils nous offrent une danse puissante et brute bien que reprenant quelques motifs des versions russes originales. Point de créatures éthérées aux bras souples et délicats ici mais une horde d’oiseaux revêches voire violents, plus conformes à la personnalité réelle de l’élégant animal.
Point de Cour moyenâgeuse non plus, l’action se passe à une époque contemporaine, en témoigne les ravissantes tenues newlooks puis seventies de ces dames. Le chorégraphe britannique s’est inspiré de la couronne d’Angleterre et nous offre un The Crown avant l’heure avec starlette et paparazzis, ballet de servantes et serviteurs, Prince esseulé, incompris et mal dans sa peau, Reine peu maternelle et toute à ses inaugurations et obligations protocolaires.
Un arc-en-ciel d’émotions
Fidèle à la partition de Tchaïkovski et à au déroulement de l’intrigue en quatre actes, Swan Lake nous narre l’histoire d’un Prince très isolé auquel sa Reine de mère refuse la tendresse qu’il réclame. Tendresse qu’il croit trouver auprès d’une petite amie tout à fait sotte, avant de se rendre compte qu’elle est payée par le secrétaire privé de la cour. Décidé à se suicider en se noyant dans un lac, il en voit sortir une nuée de cygnes, fidèle à ses rêves et cauchemars d’enfants. Tombant sous le charme de leur meneur, il reprend goût à la vie. Mais lors d’un bal apparait un étranger vêtu de noir dont l’assurance et les mauvaises manières séduisent l’assistance féminine et particulièrement la Reine. Cet étranger qui se joue de lui a les traits de son Cygne, ce qui, quelques coups de feu plus tard, ne manque pas de le plonger plus profondément dans la dépression et la folie.
Mais aussi tragique que soit cette histoire, la scène finale est particulièrement poignante, elle n’empêche pas Matthew Bourne d’y distiller une fantaisie so british et beaucoup d’humour. Le premier acte surtout prête souvent à sourire. Les serviteurs accroupis tiennent lieu d’escalier au Prince pour qu’il s’extraie de son lit monumental, le fameux corgi (le chien préféré de la Reine Elisabeth) traverse la scène sur roulettes, la Petite Amie starlette enchaîne les bourdes (son téléphone retentit pendant un spectacle de ballet, elle fait tomber sa pochette sur la scène).
Galerie photo © Johan Persson
Pour tous les publics
Des interprètes aussi virtuoses dans leur danse qu’excellents comédiens, une chorégraphie au cordeau qui impressionne, une pantomime moderne et très aisément lisible, des décors monumentaux et somptueux qui se transforment en toute fluidité finissent d’expliquer le succès de cette version à nulle autre pareille et devenue référence du Lac des Cygnes. À la fois grand spectacle et exigeant chorégraphiquement, en partie fidèle à la version originale mais la révolutionnant pourtant, il est à même de séduire les balletomanes comme un grand public peu habitué à l’art de Terpsichore.
Delphine Baffour
Vu le 14 octobre à La Seine Musicale.
Jusqu’au 26 octobre à la Seine Musicale.
Chorégraphie : Matthew Bourne
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Costumes : Lez Brotherston
Éclairages : Paule Constable
Vidéos : Duncan McLean
Conception sonore : Ken Hampton.
Avec Jackson Fisch (Le Cygne/L’Étranger), Stephen Murray (Le Prince), Katrina Lyndon (La Reine), Bryony Wood (La Petite Amie), James Lovell (Le Secrétaire privé).
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