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Maud Le Pladec, Jan Martens et Twyla Tharp par le CCN-Ballet de Lorraine.
Quatre pièces, trois chorégraphes ouvrent la première saison du CCN-Ballet de Lorraine sous la direction de Maud Le Pladec à l’Opéra national de Nancy.
Diriger une compagnie, c’est évidemment solliciter des créateurs mais aussi savoir piocher dans un répertoire pour donner un nouveau souffle ou un autre regard sur des pièces. Le dialogue qui se bâtit les fait ainsi résonner différemment et c’est tout l’enjeu de ce premier programme concocté par Maud Le Pladec. Elle reprend deux de ses œuvres Works (2016) et Synchronicité (2024) qui encadreront TURNING BURNING (2016) de Jan Martens et The Fugue de Twyla Tharp (1970). Voilà une proposition plus qu’alléchante.

L’un des derniers nés de la riche galaxie chorégraphique flamande, Jan Martens, avait imaginé TURNING BURNING dans un contexte singulier. Les facétieux Petter Jacobson et Thomas Caley, les prédécesseurs de Maud Le Pladec à la tête de cette institution, avaient conçu en 2016 un programme en aveugle baptisé Plaisirs inconnus où cinq chorégraphes étaient invités à créer une pièce dans le plus total anonymat. Expérience passionnante car elle offrait une liberté infinie aussi bien aux chorégraphes qu’aux spectateurs dont certains tentèrent – parfois en vain ! - de deviner le nom qui se cachait derrière chaque proposition. TURNING BURNING décline en quatorze minutes pour quatorze danseuses et danseurs la figure du cercle et de la rotation que Jan Martens a pu explorer auprès d’Anne Teresa De Keersmaeker.

Revoir The Fugue de Twyla Tharp est un vrai cadeau. La chorégraphe américaine aussi à l’aise dans l’univers néo-classique que dans la danse contemporaine conçoit en 1970 un ballet en vingt brèves variations construites sur L’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach dont elle ne conserve que la rythmique. Ce sont les pas des danseuses et des danseurs amplifiés par un système sonore du plateau qui dessinent les phrases musicales et chorégraphiques. Avec The Fugue, Twyla Tharp bousculait les paramètres esthétiques de l’époque et s’ouvrit les portes de compagnies dans le monde entier. De nombreux chorégraphes ont ensuite exploré cette manière d’utiliser la musique de façon muette, par exemple Anne Teresa De Keersmaeker, dans Il Cimento dell’armonia e dell’invenzione (2024). Le Ballet de Lorraine l’a ajoutée à son répertoire en 2016 et c’est une pièce à découvrir ou à redécouvrir impérativement.

Maud Le Pladec ouvrira et refermera cette soirée mixte avec Works qui faisait initialement partie de cette même soirée Plaisirs inconnus. Pour cette reprise, la chorégraphe s’est replongée dans la réécriture de la 7e symphonie de Beethoven par Michel Gordon pour donner une nouvelle vie à cette pièce joyeuse qui joue avec les codes de la danse académique dans un va-et-vient constant entre les exigences techniques du ballet classique et la liberté explosive qu’autorise la danse contemporaine.

Dix danseuses et danseurs vont ainsi faire revivre une pièce essentielle de Maud Le Pladec. La soirée se refermera sur une touche glamour et déjà nostalgique avec le ballet Synchonicité que Maud Le Pladec avait écrit pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris le 26 juillet 2024 sous la direction artistique de Thomas Jolly. Plus de 200 amateurs avaient rejoint la compagnie avec la mission de montrer l’excellence de l‘artisanat et des savoir-faire français. Les vingt-quatre danseuses et danseurs vont revêtir de nouveau les costumes dessinés par Daphné Burki mais passent des berges trempées par la pluie des quais de Seine à la scène de l’Opéra de Nancy. Ce sera donc un tout autre environnement pour Synchronicité qui, dans sa version scénique, devient Synchronic et aura sans aucun doute un autre écho.
Jean-Frédéric Saumont
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