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« Agwuas » de Marcela Santander Corvalán : L’interview

Retour aux sources : Au festival Les Excentriques de La Briqueterie CDCN, puis au festival C’est comme ça ! de L’Echangeur CDCN, Marcela Santander Corvalán et la musicienne Gérald Kurdian invitent à une réflexion sur notre rapport aux mythes et à l’élément fondateur de la vie. Nous avons rencontré la chorégraphe chilienne…

DCH : Pour votre nouvelle création Agwuas, vous vous inspirez de l’eau en tant qu’élément ainsi que de légendes traditionnelles du Sud du Chili. De quoi s’agit-il ?
Marcela Santander Corvalán :
Cette pièce fait partie d’une trilogie commencée par Bocas de oro. Il s’agit d’interroger ce que sont les éléments aujourd'hui. Travailler à partir de l'eau, s’est imposé comme une évidence suite à Bocas de Oro et Agwuas apparaît comme une pièce intermédiaire, dans cette trilogie comme dans tout mon parcours. La question de départ est de savoir d’où je viens : C'est quoi cet océan, ce Pacifique ? C'est quoi ces légendes qui l’habitent ? Il y a cette histoire des deux serpents, une légende qui vient du sud du Chili, d'une île qui s'appelle Chiloé, qui est aussi un mythe des Mapuche et qu’on nous a enseigné à l’école. C’est aussi un mythe fondateur expliquant la forme si spéciale de cette terre située entre les immensités de la montagne et de l’océan. Cette situation géographique a une grande influence sur les habitants.

DCH : Il est vrai que l’eau est extrêmement propice à la création d’univers mythologiques, et ce dans toutes les cultures. Comment passez-vous de là à une création pour la scène ? 

Marcela Santander Corvalán :
Je pense que l'eau raconte beaucoup d’histoires, et que personne ne peut rester indifférent par rapport cet élément. Ces mythes, qui font partie des savoirs que je souhaite réactiver, m’amènent à la mémoire corporelle et au fait que nos corps sont à 70% composés d’eau. Dans Agwuas, je cherche donc un cheminement de ces mythes à travers nos corps et nos mémoires. Et j’évoque les danses des pêcheurs qui sont documentées depuis quatre siècles, des formes de prières dansées par les pères et leurs fils. Alors peut-on, à partir de ces traditions, inventer des rituels contemporains ? Quelle serait aujourd'hui notre danse des pêcheurs ? A la fin de la pièce on finit par une sorte d'invitation collective à avoir le courage de se lever pour danser, comme pour construire ensemble. Parce qu'on ne va pas s'en sortir si on reste assis. Et même si nous ne faisons pas une pièce à discours écologiste, l’idée est tout de même de suggérer des changements dans notre rapport à l’eau.

DCH : On a pu sentir, lors de vos créations précédentes, que vous êtes activement à la recherche de nouvelles formes. Où en êtes-vous aujourd’hui, avec Agwuas ?

Marcela Santander Corvalán :
Je ressens aujourd’hui le besoin de ne plus faire la distinction entre une pièce chorégraphique et une pièce musicale ou une autre forme. Je fais, en dehors de ma danse, beaucoup de musique et j'écris beaucoup. Et tout cela devient matière chorégraphique. Par exemple à la fin d’Agwuas il y a une sorte de pratique que j'appelle chorégraphie guidée, une chorégraphie dans l'imaginaire des spectateurs et spectatrices.

DCH : Vous donnez donc aux spectateurs un rôle plus actif que d’habitude ?

Marcela Santander Corvalán :
Ce n'est plus du tout une pièce frontale, tout le monde est rassemblé sur le plateau. Il y a une pratique que j'ai développée pendant le processus de création et que je propose au public. Je voudrais qu’en allant au spectacle, on en sorte un peu plus traversés. Et si on le tente ensemble, ça devient possible au cours de cette utopie d’une heure, entre autres parce que nous ne sommes pas dans la frontalité. Tout le monde est sur le plateau, dans un espace circulaire. C’est une pièce intimiste pour une petite jauge de cent-trente personnes.

DCH : Vous partagez cette création avec deux artistes aux univers fondés sur la musique : Vica Pacheco et Gerald Kurdian. Cette dernière sera sur le plateau avec vous. Que représente-t-elle dans votre recherche pour Agwuas ? 

Marcela Santander Corvalán :
J’avais envie d’un processus où les corps racontent en chantant, en dansant ou en racontant une histoire, comme dans cette danse du Chili déjà évoquée, où il y a toujours une chanteuse qui raconte des histoires. Comme je voulais ici que les histoires chorégraphiques se racontent également à travers la musique, j’ai invité l’artiste Gérald Kurdian qui écrit des chants et performe de la musique. En plus, dans son Arménie natale, le rapport à l’eau est également intense et particulier. Nous avons beaucoup voyagé et quand nous arrivons quelque part, nous commençons toujours par chercher la source d’eau la plus proche. Et nous questionnons : Quelle est cette source ? Qu'est-ce qu'il y avait ici à d’autres époques ? Comment s'appelaient les gens qui y vivaient ? Aussi notre pièce devient une sorte de remerciement à toutes les sources d’eau que nous avons visitées, et à leurs histoires qui sont souvent singulières.

DCH : Vous travaillez également avec la plasticienne mexicaine Vica Pacheco qui crée des instruments très particuliers. Pouvez-vous nous parler d’elle ?
Marcela Santander Corvalán :
Vica Pacheco crée des instruments à partir d’une technique pré-colombienne. Elle sculpte des sortes de figurines que chaque instrument a sa propre personnalité. Aussi se crée une relation très vivante à la matière céramique. Elle les cuit et après, on met de l'eau dedans. On fait bouger ces animaux en céramique et on siffle dedans. La quantité d’eau, la cuisson de la céramique et la forme déterminent le son individuel de chacune de ces sculptures musicales. Je lui ai demandé de créer pour nous deux de ces instruments. Le mien par exemple est une sorte de chien-serpent. Et du coup la chorégraphie se créé aussi par l'écoute de cet instrument, par son poids et des notes que j'arrive à jouer. Ces instruments deviennent comme des personnages qui bougent et qui parlent !

Propos recueillis par Thomas Hahn

Agwuas de Marcela Santander Corvalán
Les 25 et 26 septembre, festival Excentriques, La Briqueterie CDCN    
https://www.labriqueterie.org/agenda/agwuas

Le 9 octobre au festival C’est comme ça !, Château-Thierry
https://echangeur.org/agenda/agwuas

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