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« We came to live in this world » d’Ashley Chen

Surprenante et indéfinissable, cette pièce clôture le festival C’est déjà de la danse !

Munis d’un billet dont la place est numérotée, les spectateurs entrent dans la salle du théâtre Rive Gauche de Saint Etienne du Rouvray mais sont finalement dirigés vers le plateau. Tous debout, il est peu aisé de déceler qui sont les interprètes de We came to live in this world. 

Le danseur et chorégraphe Ashley Chen prend la parole pour annoncer que nous allons nous scinder en plusieurs groupes afin de partir dans des déambulations dirigées par un ou une danseuse. Et là, on se retrouve en coulisses, on visite les bureaux, les loges… alors que le discours de notre guide ne correspond en rien à ce que l’on voit. Étrange, bizarre !

Les groupes se croisent pour finalement se retrouver tous sur scène. Et là, les cinq artistes, deux hommes (dont Ashley) et trois femmes, se lancent avec autorité dans des actions étonnantes comme nettoyer assidûment le sol, conduire un train… soit des scènes de vie quotidiennes mises côte à côte sans aucune corrélation qu’ils décrivent dans un langage incohérent, puisque totalement inventé. 

En se déployant partout autour du public assis sur le tapis de sol chacun poursuit sa tâche qui semble répétitive et ardue. Des enchainements de phrases absurdes à la Monty Python Flying Circus peuvent s’entendre comme un récit surréaliste recherchant l’union entre le réel et l’imaginaire.

Témoins malgré nous de ces actes car nous devons souvent glisser, lever un bras ou nous déplacer afin que les différentes besognes puissent s’accomplir méthodiquement, cette scénographie mouvante efface les frontières entre spectateurs et interprètes. D’où des notes d’humour, des regards de connivence prolongés sur l’un ou l’une d’entre nous. Parfois, l’un des artistes se met à danser, à sauter, presque comme s’il « pétait les plombs. » 

Mais on a envie de se lever pour bouger afin d’avoir un autre point de vue sur ces intentions délirantes. Le plateau noir de monde est devenu le centre d’un univers qui oscille entre réel et invraisemblance où transpire une immense solitude. Solitude similaire à En attendant Godot de Beckett. C'est-à-dire que la solitude est encore plus pesante au sein d’une foule qui ignore la présence d’un personnage. 

Soudain un chant s’élève. Restée assise, donc presque introuvable, Mélodie Orru brise la glace en interprétant a cappella,The Letter des Box Trop. Et là, si absorbés par les multiples déroulements scéniques, on réalise que nous avons été immergés musicalement dès le départ dans l’ambiance des années 70 si joyeuse, si fêtarde et si libre avec The Animals, The Spencer David Group, Jefferson Airplane …. Et là, durant à peine une minute, les cinq interprètes se mettent à danser ensemble. Un ravissement ! Mais se met à résonner Aquarius de Ronnie Dyson. Comment résister ? Public et interprètes envahissent le plateau pour danser. 

Galerie photo  © Timothée Lejolivet - Collectif Overjoyed 

Et justement où est la danse dans cette formidable pièce qui brouille les cartes ? Elle est continuellement présente dans des déplacements, des glissements, des mouvements de bras, des pas rapides, des sauts… On retrouve toutes les origines d’Ashley dans sa chorégraphie. De Cunningham à Pina Bausch (il rejoint dans quelques jours Boris Charmatz en tant qu’interprète à Wuppertal) il distille les différents styles tout en ajoutant sa propre personnalité, réalisant ainsi une œuvre drôle et émouvante proche de l’actualité, surprenante, et indéfinissable. Du grand art ! 

We came to live in this world clôture le festival C’est déjà de la danse et prouve que Raphaëlle Girard, la directrice du théâtre Rive Gauche, sait susciter la curiosité d’un large public avide de nouveautés. 

Sophie Lesort

Vu le 1février 2023 dans le cadre du Festival C’est déjà de la danse ! au théâtre Le Rive Gauche de Saint-Etienne du Rouvray. 

We came to live in this world

Conception : Chorégraphie : Ashley Chen
Interprétation : Ashley Chen, Pauline Colemard, Alexandra Damasse, Mai Ishiwata et Théo Le Bruman
Chant : Mélodie Orru
Composition musicale : La Source/Pierre Le Bourgeois
Création lumières : Eric Wurtz
Création costumes : Marion Regnier
Collaborations artistiques : Peggy Grelat-Dupont et Marlène Saldana

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