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« Tap & Pat » de Sonja Jokiniemi aux Rencontres chorégraphiques

Un duo surréel et expressionniste, placé sous le regard incrédule de portraits tissés en fil de laine.  

Quand une danseuse et chorégraphe pratique l’art textile, elle a tout en main pour poser sur le corps un regard déformant. Aussi toute image de corps est hors normes quand Sonja Jokiniemi montre l’ordinaire à travers gestes, corps et dessins textiles. Et comme elle est aussi dessinatrice, la Finlandaise soigne les traits - ceux des visages chez le duo de Tap & Pat  comme ceux qui émanent des fils tissés sur les deux tapis de sa production, accrochés en fond de scène. 

A priori, les deux univers se distinguent fortement. Les interprètes – Leila Kourika et Marlon Moilanen – n’ont rien de la transparence et de la légèreté affichée par les croquis textiles qui veillent sur les lieux. Leurs traits réalisés en fils noirs (très majoritairement) mais aussi bleus et rouges rappellent certains croquis de Rodin saisissant ses modèles féminins : la même indétermination apparente, le même envol d’une chair évoquée par ses contours multiples. Quand ceux-ci sont réalisés en fil, le regardeur n’en est que plus libre encore. 

Tout le contraire chez le duo humain qui évolue au sol, les corps contraints dans des positions disloquées et improbables, parfois immobiles comme dessinés à traits grossis. Comme dans un manga vivant, s’y croisent d’éventuelles réminiscences au film muet, aux clowns métaphysiques façon May B de Maguy Marin, aux automates balletiques à la Pétrouchka mais aussi à l’humour gore et à la comédie musicale hollywoodienne et à la tap dance, façon Nicholas Brothers comme en mode Chaplin. Bref, il y en a pour tous les yeux, toutes les mémoires et tous les imaginaires. 

Galerie photo © Thomas Hahn

De grosses ficelles ? En tout cas, Pat et Tap, pour les nommer ainsi, sortent des spaghettis d’une poubelle, manipulent un tuyau d’extraction ou se frottent le dos avec un torchon de cuisine. Et quelque chose nous suggère alors qu’ils pourraient bien faire partie du personnel de cuisine d’un restaurant, d’autant plus que, selon Jokiniemi, Tap & Pat  est « une série d’œuvres textiles tissées artisanalement, faisant référence à ce qui est domestique et familier. » Dans l’idée, bien sûr, de nous en défamiliariser aussitôt. En l’occurrence, les croquis textiles sont complétés sur scène par un travail expressionniste sur le visage. Les traits de l’employée et l’énorme tache rouge sous la bouche de son collègue masculin à la carrure impressionnante font d’eux un duo comme sorti de quelque conte nordique aussi bien qu’un binôme à la manière des grands duos de mimes burlesques. 

Thomas Hahn

Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, le 2 juin 2023
Pantin, La Dynamo des Banlieues Bleues

Concept, chorégraphie et œuvres textiles : Sonja Jokiniemi
Interprétation : Leila Kourkia et Marlon Moilanen

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