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« Le Madisoning » de Justine Pluvinage, Amélie Poirier et Léonore Mercier

Rendez-vous sur notre nouvelle plateforme de films de danse. Une autre manière de découvrir la danse ! 

Notre plateforme s’emploiera à mettre en valeur des films et vidéos consacrés à la danse, des captations de pièces chorégraphiques, mais aussi et surtout des œuvres par elles-mêmes, tous genres confondus – documentaire, expérimental, film d’art, etc. – présentant un intérêt particulier et ayant une incontestable valeur artistique.

Du lundi 17 à midi jusqu'au lundi 24 janvier à midi, vous pourrez visionner Le Madisoning .

Cette installation vidéo cosignée Léonore Mercier (au son), Justine Pluvinage (à l’image et au montage) et Amélie Poirier (à la mise en scène) fait suite au spectacle éponyme chorégraphié par Amélie Poirier en 2018, créé à la salle des fêtes Raymond Nowacki de Salomé, une commune de la métropole lilloise, par la Compagnie de l’Oiseau-Mouche.

Rituel

Avant de traiter de sa forme large, celle d’un triptyque de courte durée destiné à être montré en boucle, ad lib., accompagné d’une bande sonore « spatialisée », disons un mot sur le contenu même de Madisoning. L’opus a l’apparence d’un film « ethnographique, avant tout descriptif » qui, selon la définition d’un Marc Piault, circonscrit objets, techniques mais aussi « tous les rituels, toutes les cérémonies possibles qui restent les thèmes privilégiés de l’observation cinématographique ». Le madison, danse dérivée du Rhythm and Blues, exécutée sur un tempo modéré, lancée aux États-Unis en 1960 par les chanteurs Al Brown et Ray Bryant et en France en 1961 par le cadet des Nicholas Brothers, Harold Nicholas, qui la chanta sur un 45 tours édité par Barclay et en fit une démo l’année suivante dans l’émission de télévision d’Albert Raisner destinée aux amateurs de yéyé, « Âge tendre et têtes de bois ». La suite gestuelle pure, sans dialogue aucun, devient obsessive, transposée soixante ans plus tard dans la région carnavalesque et festive du nord de la France. Au même titre que la chorée, la danse de Saint-Guy ou la tarentelle en Italie.

Avant son film-performance Ritual in Transfigured Time (1946), Maya Deren avait réalisé un modèle de film de danse, Study in Choreography for Camera (1945), dans lequel l’un des meilleurs danseurs de Katherine Dunham, Talley Beatty, passait d’un espace à l’autre, parfois dans le même mouvement, faux-raccord de montage aidant. Nos quatre danseurs de madison, hommes et femmes à parité, Caroline Leman, Marie-Claire Alpérine, Frédéric Foulon, Florian Spiry, sortent de la salle de bal ou des fêtes et du confort théâtral pour déambuler en divers espaces extérieurs. La routine interprétée en silence rappelle celle du film super 8 Millibar (1998-2016) de Pierre Cottreau et Geisha Fontaine où cette dernière interprète une variation ou « ritournelle dansée » d’une très brève durée (de 40 secondes) à des époques et dans des lieux distants – dans les rues de Madras et du Caire, à Beyrouth, dans un jardin public de Figueres, au carrefour de Vanves, à Kyoto et Tokyo.

Triptyque

Le cinéma, comme la photo, comme la peinture, étant réduit à deux dimensions, la tentation a été grande, dès ses débuts, d’en élargir la base, d’envelopper le spectateur d’images – et, par la suite, aussi de sons. L’opérateur Lumière, Raoul Grimoin-Sanson, eut le projet d’un Cinéorama pour l’Exposition universelle de 1900 qui, pour des raisons techniques, ne vit pas le jour. En revanche, nombre de réussites en matière de cinéma « élargi » (ou d’expanded cinema) furent couronnées de succès dès les années vingt, qui vont des séquences en « polyvision » du Napoléon (1927) d’Abel Gance au film de David Hinton et de la chorégraphe Siobhan Davies All This Can Happen (2020), en passant par Chelsea Girls (1966) d’Andy Warhol et Torse (1977), œuvre à deux écrans synchrones au photogramme près de Merce Cunningham et Charles Atlas qui, au départ, était prévue pour trois images. Léonore Mercier, Justine Pluvinage et Amélie Poirier recourent aussi au « split screen » qui remit au goût du jour la formule polyptyque de la peinture ancienne en 1958, lors de l’Expo universelle de Bruxelles.

Il ne semble pas que le montage obéisse ici aux règles particulièrement strictes du film dit « structurel ». Le parti pris divertissant,  débonnaire, facétieux de la pièce originelle se retrouve dans le côté « sans façon » (quoique très appliqué) de son avatar filmique. Le court métrage condense l’objet théâtral tout en le situant dans des contextes extra-scéniques. La durée de la pièce est abrégée au tiers mais son plateau gagne en étendue. Le principe même de la boucle filmique renforce l’effet compulsif visé. De sorte que le projet initial gagne selon nous en efficacité. Le madison, dès lors, devient contagieux comme le phénomène de mode qu’il fut dans les sixties. La dansomanie est elle aussi à prendre au sens large de tocade, de dada, de passion. Les gros plans soulignent l’impassibilité des danseurs et permettent d’apprécier les « grosses têtes » imaginées par Audrey Robin les masquant au faîte de la bacchanale. Sans cabotiner ni s’encanailler, les auteures de l’installation et de la pièce combinent habilement arts populaire et savant.

Nicolas Villodre

"Le Madisoning" de Justine Pluvinage, Amélie Poirier et Eléonore Mercier
Production : Les Nouveaux Ballets du Nord-Pas de Calais
Avec : Caroline Leman, Marie-Claire Alpérine, Frédéric Foulon, Florian Spiry - Compagnie L'Oiseau Mouche

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