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« L’Âge d’or » : Un nouveau regard sur le corps

Rencontre avec Eric Minh Cuong Castaing autour de son projet L’Âge d’or, présenté à Paris, au Carreau du Temple le 20 octobre. 

Danser Canal Historique : Quelle est l’histoire de votre projet L’Âge d’or ?
Eric Minh Cuong Castaing :
J’ai créé L’Âge d’or en juin 2018 au Palais de Tokyo. Il s’agit d’un diptyque fait d’un film et d’une performance, une rencontre entre danseurs et enfants en situation de handicap en raison de troubles moteurs. Il y a trois ans, le Festival de Marseille m’a proposé de mener des ateliers au centre Saint-Thys à Marseille. Je n’avais encore jamais travaillé sur la question du handicap. Le premier jour, le contact avec eux était difficile. Le deuxième jour, nous avons commencé les ateliers par la danse contact, et ce fut incroyable. Les enfants souriaient au moindre toucher. Ils étaient lumineux et leur gestuelle désinhibée.

DCH : Comment avez-vous établi la forme de L’Âge d’or qui se décline en un film et une performance ?
E.M.C.C. :
Le soir, je me suis posé une question d’artiste mais aussi de vie: Qu’est-ce que la beauté? Le lendemain, j’ai décidé de mener ce projet, d’abord sous la forme d’un film. Le cinéma est au plus juste pour montrer au plus près les relations entre les corps. Petit à petit, la confiance s’est installée entre nous et les enfants et nous avons décidé de créer la performance. Nous travaillons selon un processus qui est aujourd’hui au cœur de mon travail et qu’on appelle introsus, où la danse sort du studio pour chambouler les habitudes à l’intérieur de diverses institutions et créer des ponts et des espaces relationnels entre elles. Dans une école, un hôpital ou un centre médical, les modes de fonctionnement sont assez différents. Mais petit à petit va se produire une co-construction, une chaîne de confiance. Tout le monde y met de l’énergie pour créer de nouvelles perspectives.

DCH : La performance est donc à l’image de ce qui s’est déroulé entre les danseurs et les enfants ?
E.M.C.C. :
C’est assez juste. Nous nous sommes rendus compte que le plus important était de transmettre au public les dimensions dans le rapport social, le rapport au toucher et la façon de regarder les corps qui lui sont inconnues. Il faut pour cela créer un espace de confiance où le spectateur peut se relâcher. Nous présentons donc L’Âge d’or dans un espace épuré, avec des tapis posés au sol, en rassemblant le public autour des performers. Pour chaque enfant, nous créons des danses à la fois spécifiques et relationnelles qui le stimulent. Il rit et ça fait réagir les autres enfants et les danseurs. Un enfant dystonique a une souplesse énorme dans les doigts et créé des symétries corporelles. Tel autre est apathique et donc très fragile, mais très sensible au toucher. Toute la dramaturgie est écrite autour de ces portraits.

DCH : Dans le paysage chorégraphique, vous êtes identifié comme un acteur majeur de la recherche sur la rencontre entre la danse et les technologies numériques. Existe-t-il un lien entre ces créations et L’Âge d’or ? Quel rôle jouent les casques de réalité virtuelle utilisés dans le film ?
E.M.C.C. :
Pour le premier volet, le film, nous avons fixé une caméra sur la tête d’une danseuse. Les enfants voient dans leurs casques l’image filmée en direct. Nous déplaçons les enfants en fonction des mouvements de la danseuse. Par exemple, quand celle-ci met sa main devant son visage, l’enfant voit l’image de cette main. Nous allons en même temps saisir le bras de l’enfant et lui faire exécuter le même mouvement. L’enfant va donc se sentir connecté, incorporé à ce mouvement. On crée ainsi un rapport à l’onirisme, où les enfants ressemblent à des héros mythologiques. Dans la performance aussi, il y a un aspect qui reflète mon travail sur la rencontre entre le corps et la technologie. Un danseur va par exemple entrer en contact avec le corps d’un enfant couché au sol, être à l’écoute du moindre micro-mouvement et devenir une extension du corps de l’enfant, comme s’il était son corps augmenté, un corps-prothèse.

DCH : Comment s’est fait le lien avec le Carreau du Temple, pour y présenter L’Âge d’or ?
E.M.C.C. :
L’équipe du Carreau du Temple y a assisté dans le cadre des expositions intitulées Chroniques parallèles, d’abord en juin/juillet 2018 au Palais de Tokyo et ensuite en octobre, à Marseille, à la Friche Belle de Mai. Suite à quoi la directrice générale Sandrina Martins a souhaité nous programmer. Par la suite, nous allons aussi présenter L’Âge d’or au Tanzhaus de Düsseldorf et au Voruit à Gand et à ICK Amsterdam, le lieu de Greco/Scholten. Ce seront des recréations avec des enfants dans les villes d’accueil. Nous avons établi un protocole qui nous permet à chaque fois de relancer le travail avec de nouveaux participants.

Propos recueillis par Thomas Hahn

L’Âge d’or d’Eric Minh Cuong Castaing
Le 20 octobre 2019 au Carreau du Temple , 4 rue Eugène Spuller, 75003 Paris
http://www.carreaudutemple.eu/lage-dor-eric-minh-cuong-castaing

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