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Kaori Ito : « Je danse parce que je me méfie des mots »

La pièce de Kaori Ito, créée en 2015, sera à l' affiche du festival Tours d'horizons le 9 juin prochain. L'occasion de voir ou revoir ce duo plein d'humanité !

Cela pourrait s’intituler Le sculpteur et la danseuse. Mais la rencontre dépasse l’artistique. Hiroshi Ito et Kaori Ito sont père et fille, à la scène comme à la ville, et ce d’autant plus que le sujet de Je danse parce que je me méfie des mots est leur relation dans la vie.

Kaori Ito a décidé d’écrire à son père, par la plume et sur le plateau: « Aujourd’hui en dansant avec toi sur scène, on se dit au revoir, lentement et sûrement. » Pour que, quand au revoir il y aura, ce soit en connaissance de l’autre.

Grâce à ce duo dont la tournée s’annonce abondante, c’est d’abord une rencontre qui se construit, à partir d’un flot de questions. Mais le père ne répond pas toujours, même quand Kaori l’interroge sur ses habitues et son rapport à lui-même ou à l’autre, dévoilant au passage quelques facettes de son quotidien japonais du temps de son enfance. Mais Ito énonce aussi des doutes d’un autre ordre, doutes auxquels chacun doit de toute façon trouver sa propre réponse : « Pourquoi les gens ne se disent pas la vérité? A quoi ça sert de vivre? »

Et mêmes si nous autres ne sommes en rien japonais, force est de constater que nous nous posons les mêmes questions, et que nous connaissons les mêmes stéréotypes du père et de la jeunesse qui aimerait comprendre le monde des adultes. Le fait que le père est ici un homme de théâtre devenu artiste plasticien, friand de fête et de jazz, le rend sans doute un peu plus universel.           

Retour aux sources

Le déferlement des questions signale une crise dont Ito (Kaori) s’extirpe par ce spectacle presque ritualisé. Pour prendre de la hauteur, elle commence par danser au sol. Sous un masque (œuvre du grand spécialiste Erhard Stiefel), elle rejoue sa naissance en incarnant le nouveau-né autant que la mère, dans une fusion magistrale.

En quelques minutes, elle revit, dans des douleurs métaphysiques, l’apprentissage de la station debout et de la marche, jusqu’au premiers pas de ballet: « Mon corps a été formé comme celui d’une danseuse occidentale, le centre est plus haut que chez les Japonaises. Je me sens étrangère à mon pays et à mon corps. » Aussi cette pièce commence par un retour aux origines du corps et de la culture, avec des notes de nô et de butô, sur fond de musique de chambre. Pendant ce furioso entre ballet, butô, film de karaté, transe et animalité sauvage, le père reste assis sur sa chaise comme à la maternité, en attendant l’accouchement.

« C’est quoi pour toi, vivre ? » 

Mais ce père, avec ses cheveux blancs et son corps si léger et aérien, va montrer tout le swing qui l’habite, toute son énergie d’artiste. « Es-tu fier de ta fille », demande-t-elle. Et le père est de nouveau mitraillé de questions. « Tu as des questions à moi? » propose-t-elle. « Pas du tout. » Le besoin de communiquer n’est pas le même selon le genre, que ce soit au Japon ou en Europe, sur une île ou sur le continent.

« Pourquoi la danse? » avait demandé la revue Danser dans son n° 300 aux artistes chorégraphiques du monde entier.  « Je danse parce que je me méfie des mots » est une belle réponse, mais pour cette pièce, l’inverse serait également valable. Il faut aussi se méfier de la danse! Que ce soit dans les solos de Kaori ou dans les duos improvisés, elle peut, sur le moment, déborder et s’égarer. Dans l’ensemble pourtant, elle demanderait qu’on lui fasse plus confiance, et moins aux mots dont il y a beaucoup dans cette pièce. 

Si ce duo nous touche,  ce n’est pas par une dramaturgie concluante. Trop dans l’exposition, pas assez dans la transposition artistique, il nous charme grâce à sa véracité, son humanité et son universalité. Et c’est ce qui en reste, ce que nous en emportons dans nos propres vies : un recentrage sur l’essentiel. 

Thomas Hahn

12 décembre 2015  - Festival Les Inaccoutumés à La Ménagerie de Verre,

Le 9 juin au Festival Tours d'horizons à 20h
En partenariat avec La Pléiade

Réservations uniquement au CCN de Tours
 

Je danse parce que je me méfie des mots

Texte, mise en scène et chorégraphie : Kaori Ito
Dansé et créé par :  Kaori Ito (fille), Hiroshi Ito (père)
Assistant à la chorégraphie :  Gabriel Wong
Dramaturgie et Soutien à l'écriture : Julien Mages
Scénographie : Hiroshi Ito
Lumière : Arno Veyrat
Musique : Joan Cambon/ Alexis Gfeller
Regard extérieur : Erhard Stiefel
Coaching acteur : Jean-Yves Ruf
Costumes : Duc Siegenthlaler (école de haute couture de Genève)

 

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