Error message

The file could not be created.

« Iolanta / Casse-Noisette » à l’Opéra de Paris

La création de Iolanta et Casse-Noisette en 1892, est le fuit d’une commande du directeur des Théâtres Impériaux de Russie, Ivan Alexandrovitch Vsevolojski à Piotr Illitch Tchaïkovski. Elle était destinée à surpasser les productions de l’Opéra de Paris. Il est donc assez amusant que ce soit ce dernier qui ait repris pour la première fois de son histoire ce diptyque, de surcroît en confiant la mise en scène de l’ensemble du projet à un metteur en scène russe et non des moindres en la personne de Dimitri Tcherniakov.

Iolanta © Agathe Poupeney / OnP

Dès le départ, Tchaïkovski est plus excité par l’opéra à composer que par le ballet. « Le Casse-Noisette ne me plaît guère. Comment voulez-vous que je représente un Confiturenburg en musique ? » écrit-il.

Ce Iolanta / Casse-Noisette est, d’une certaine façon, à l’image de ce que l’on vient d’écrire. La mise en scène de Tcherniakov est époustouflante d’inventivité, d’intelligence dans la dramaturgie, d’acuité dans la scénographie.

Iolanta © Agathe Poupeney / OnP

Iolanta raconte l’histoire d’une jeune princesse aveugle à laquelle on cache sa cécité et qui ne recouvre la vue qu’en découvrant la vérité et l’amour. Quant à Casse-Noisette, revu et corrigé par le metteur en scène, ça devient un conte sombre et compliqué (plutôt difficile à suivre), où la maison de la jeune Marie s’écroule, avant qu’elle ne doive traverser une forêt aux ombres effrayantes, où la valse des flocons ressemble à la Cour des miracles pour chercher l’amour avant qu’une planète ne heurte la Terre.

Tcherniakov (dont le patronyme signifie « noir ») nous fait bien passer de l’ombre à la lumière et du jour à la nuit noire et infinie…

L’histoire se plie et se déplie en interprétations multiples. Notamment freudiennes, mais pas seulement.

Casse-Noisette © Agathe Poupeney / OnP

Tcherniakov a un génie de la mise en scène à la russe, avec mise en abîme permanente, à l’image des poupées russes. À la fin de l’opéra, le décor qui représente un salon bourgeois tchékhovien remonte en fond de scène avec une vitesse vertigineuse, grandissant (comme Iolanta elle-même) découvrant un nouvel espace, celui du salon de Casse-Noisette. Clin d’œil : ce n’est plus Noël. Un sapin, présent durant tout Iolanta passe à la trappe.

Casse-Noisette © Agathe Poupeney / OnP

Les danseurs remplacent subrepticement les chanteurs, prenant leur apparence. C’est si bien fait que l’on a quelques minutes d’hésitation qui suffisent à assurer la continuité entre les deux pièces – ce qui tient du miracle.

Il faut dire que les interprètes sont excellents. Iolanta (Sonya Yoncheva) campe une Iolanta à la fois simple mais somptueuse quant à son timbre velouté et éclatant. Son père le Roi René (Alexander Tsymbalyuk) a une voix de basse magnifique, et Vaudémont (Arnold Vutkowski) ne démérite pas.

Iolanta / Casse-Noisette de Tchaikovski au Palais Garnier

Si l’on entre dans le vif du sujet, à savoir l’opéra et la chorégraphie, les choses se gâtent. Autant l’opéra est parfaitement réussi, autant la danse est affligeante. Alors que la partition est vraiment bien dirigée par Alain Altinoglu.

Arthur Pita, dont on n’avait jamais entendu parler (et pour cause, sans doute), nous offre un festival de plagiats ou de parodies, dans lequel on retrouve même du Pina Bausch ou de la comédie musicale américaine. Edouard Lock n’est plus lui-même, se cantonnant à une gestuelle anguleuse et mécanique. Idem pour Sidi Larbi Cherkaoui, en panne d’inspiration, mis à part un beau duo final.

Ce qui sauve le tout est l’engagement et le génie scénique des danseurs, tous plus excellents les uns que les autres. Marion Barbeau campe une Marie ingénue et émouvante, Alice Renavand sublime les angles d’Edouard Lock, transformant la mère en mégère menaçante, Stéphane Bullion un Vaudémont bien romantique. Les autres solistes (Nicolas Paul Aurélien Houette, Takeru Coste et Caroline Bance) sont tout aussi convaincants, et le Corps de ballet mérite une mention spéciale pour avoir su transcender une chorégraphie inexistante.

Agnès Izrine

Le 21 mars 2016, Opéra Garnier

 

Catégories: 

Add new comment