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Hivernales #40 : Moments historiques et histoires

Spectacles, conférences, expositions : Les Hivernales sur les belles traces de leurs quarante ans.

Antoine Le Menestrel sous le mistral et sur l’Eglise des Célestins, Daniel Larrieu contemplant son propre solo  créé il y a un quart de siècle, et le regard de Rosita Boisseau sur les chorégraphes ayant marqué l’histoire des Hivernales: Le weekend d’ouverture de la partie principale de cette 40e édition n’a pas été avare en moments historiques ni en histoires.

Par le titre Debout - Hommage à Trisha Brown, Le Menestrel annonce d’emblée la couleur de son apparition nocturne sur la toiture et la façade  de l’église des Célestins. Sous la lune et les étoiles, on se souvient alors de son escalade, en 2000, de la façade de l’Opéra d’Avignon où il créa Service à tous les étages, le spectacle qui l’a fait « décoller » en tant que figure emblématique de la danse verticale française.

Retrouvailles

C’était sur invitation d’Amélie Grand, et à l’époque, la vue d’un homme se baladant sur un bâtiment aussi symbolique avait encore de quoi bousculer les conventions. Aujourd’hui, Le Menestrel a complètement poétisé la dimension chorégraphique de ses escalades, il sait donner un rythme juste à ses apparitions et disparitions, ses envols et ses ascensions. Mais il laissa ici la première partie, celle sur les toits de l’église, à Anthony Denis, traceur-danseur d’exception.

Mais c’est la découverte de Trisha Brown dansant sur les toits de New York, en 1987, qui a planté une graine chorégraphique dans la tête de Le Menestrel, alors grimpeur de haut niveau. Il le rappelle, à nous et à lui-même, par des vidéos montrant Trisha en pleine escalade, créant ses premières danses verticales. C’est à l’intérieur de l’église, après être passé entre les jambes du danseur accroché au-dessus du portail d’entrée, qu’on le retrouva marchant sur les murs, sur un air de Laurie Anderson rappelant par-là que Trisha était elle-même venue célébrer les 40 ans de sa compagnie aux Hivernales, en 2011, sur invitation d’Emanuel Serafini, alors directeur artistique.

A la sortie, Le Menestrel salue encore les spectateurs un par un depuis une niche surélevée, même s’il ne ressemble pas trop à un curé. Et sa longue et chaleureuse poignée de mains avec Amélie Grand, de haut en bas, résuma une belle partie de l’histoire du festival.

Souvenirs de spectateurs

Les liens de Le Menestrel avec Avignon passent aussi par le festival In, si estival. En 2008, il se lança, dans le spectacle Inferno de Romeo Castellucci, à l’assaut des 40 mètres de la façade intérieure de la Cour d’Honneur, et il répéta l’exploit en 2013 pour le spectacle Cour d’Honneur de Jérôme Bel, en incarnant un souvenir de spectateurs. Un auto-reenactment des plus spectaculaires…

Les Hivernales aussi ont sollicité les souvenirs de leur fidèle public. Sa soirée anniversaire Isabelle Martin-Bridot, aujourd’hui directrice du festival, débuta par la conférence de Rosita Boisseau, un très joli cadeau fait au festival. La journaliste du Monde s’y montra sensible, vivace, pleine d’humour et illuminée par les souvenirs d’Amélie Grand, qui était absente car trop fatiguée pour venir jusque-là, car sortant d’une répétition de son spectacle de chant intitulé Il faudra bien arriver quelque part et programmé le 1er mars. Ce soir-là, son « quelque part » était donc chez elle, alors que le public l’entendit parler à travers Rosita Boisseau, et qu’il regarda des vidéos de quelques spectacles programmés par Grand, de Thomas Lebrun à Luc Petton. Et quelques spectateurs ont effectivement partagé leur regard sur le festival.

Souvenirs de chorégraphes

Pour la plupart, ils avaient commencé leur soirée en assistant à la conférence-spectacle de Daniel Larrieu autour de l’histoire de la danse et de sa propre compagnie, Astrakan. Larrieu, ancien « élève à réorienter » en lycée horticole, amena ses propres souvenirs et anecdotes [lire notre interview].

Il parla des costumes devenant transparents à l’insu des danseurs dans Waterproof, et des premiers achats pour la scène dans la boutique d’un jeune styliste japonais fraîchement débarqué à Paris: Un certain Yohji Yamamoto . Larrieu qui nomme aujourd’hui son œuvre Collection Daniel Larrieu, évoqua les costumes signés par lui-même sous le pseudonyme de Margaret Stretchout et le pantalon de Mickaël Phelippeau qui craqua pendant la première de Never Mind au Théâtre de la Ville.

Il y fut donc, d’une manière très rafraîchissante, question de textile. Mais pas que. On y croisa aussi le souvenir de la compagnie dansant sur le parking du Palais Royal, puisque le législateur n’avait nullement anticipé la venue de danseurs contemporains et qu’aucun texte n’avait donc été prévu pour interdire la danse à cet endroit. Aujourd’hui tout a changé. On y tombe sur les Colonnes de Buren et la danse est organisée par le Centre des Monuments Nationaux pour Monuments en Mouvement.

Larrieu para aussi de ses difficultés à trouver ses marques dans l’énorme appareil qu’est l’Opéra de Paris, quand il y créait Attentat poétique, en 1992. De cette aventure, il se dit « déstabilisé » et même « vampirisé ». « Il faut accepter le ratage », est sa conclusion. Mais il faut aussi se fier à ses réussites.

Souvenirs à venir

La transmission d’Emmy, solo créé en 1993, en est une. Enzo Pauchet interprète avec bonheur cette courte pièce que Larrieu lui a transmise, au Théâtre Golovine, au cours des Hivernales 2018. Et Pauchet l’incarne avec une fragilité, une fébrilité et une luminosité intérieure qui font de lui, dans la sobriété et la clarté de l’écriture, toujours incarnée et animée, un personnage romantique. 

Galerie photo © Thomas hahn

Et on avait vu, la veille, Larrieu et Pauchet faire salle comble lors de leur séance finale de transmission, les deux dansant l’un derrière l’autre (et pas toujours Pauchet derrière le maître), dans un quasi-unisson. De ce jeu de miroir se dégagea alors une profondeur rare, par deux interprétations, deux vérités personnelles, et dans l’espace entre les deux, se déploya le temps d’une vie. Et donc une formidable matière pour un duo où le spectateur verrait autant Larrieu se souvenir de sa jeunesse que le personnage du jeune, peut-être, se souvenir de son propre père.

Pendant ce temps et pendant tout le festival, place Saint-Didier, de grandes photographies de pièces marquantes, exposées en panneaux publicitaires, invitent Avignonnais et festivaliers à imiter un geste chorégraphique. Un bel endroit pour un flash-mob !

Thomas Hahn

https://www.hivernales-avignon.com

 

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