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François Alu : Ce spectacle est un challenge artistique et physique !

En congé pour six mois du Ballet de l’Opéra, le danseur de bientôt 28 ans brûle les planches du Trianon à Paris, avant une tournée dans toute la France. Entretien.

Danser Canal Historique : Complètement Jetés est-il un portrait de vous-même, comme l’annonce le programme de salle ? 

François Alu : Oui et non puisque précisément, comme dans tout portrait, il comporte autant de réalité et de fiction. C’est précisément cet espace-là qui m’intéresse : je me situe sur cette frontière poreuse qui laisse place au rêve ou aux névroses. Nos identités sont multiples, complexes et il ne faut pas avoir peur de se montrer ni de s’assumer tel que nous sommes, avec nos joies, nos peurs, nos hantises et nos fantasmes. Si dans ce spectacle co-écrit avec Samuel Murez, j’utilise beaucoup l’humour et l’autodérision, c’est parce que je peux ainsi jouer avec certains aspects de ma personnalité qui ne correspondent pas forcément aux règles sociales en vigueur, mais qui nourrissent mon imaginaire. Lorsque par exemple, je laisse s’exprimer mon côté enfantin, je sais que je suis sur la bonne voie ! 

DCH : Durant ce seul en scène d’1h20, vous parlez presque autant que vous dansez. Alors, stand-up théâtral ou performance chorégraphique ? 

François Alu : Sur la répartition respective de l’un et de l’autre, il faut tout d’abord savoir que le décompte ne se fait pas sur un total de 100, mais au moins de 150, avec 80% de danse et 70% de théâtre. C’est un one man show hyper intense, dense, boulimique, dont j’espère que l’on sort pleinement rassasié. Durant la représentation, j’essaie de transmettre au public tout ce que je ressens en donnant toujours plus, en allant toujours plus vite et plus loin. J’interprète douze personnages (de Siegfried, prince du Lac des cygnes  qui fait des vagues, à Albertin Traquenard personnalité de la radio (sic !)) et je danse quinze solos et variations différentes. C’est un énorme challenge, le plus gros que j’aie affronté de ma vie. Non seulement au plan artistique - en particulier parce que je n’hésite pas à sortir du discours un peu trop lisse, quitte à mettre certains mal à l’aise - mais aussi au plan physique : je parle et je danse en même temps non-stop. Je me suis équipé d’un capteur de fréquence cardiaque qui a enregistré des pointes à 196-197  battements par minute durant les filages. Et le soir de la première à Paris, j’étais tellement à fond que j’ai cru à un moment que mon cœur allait lâcher ! 

DCH : Comment vous êtes-vous préparé physiquement à un tel défi ?

François Alu : En faisant du sport de façon intensive. Durant le confinement, j’ai renoué avec mon côté sportif, et sur les conseils de mon frère danseur de hip hop, j’ai suivi un programme de vidéos d’entraînement sur YouTube qui pousse à se dépasser sans cesse, à surmonter ses souffrances physiques par la puissance mentale, et devenir maître de son corps. Je me suis mis à la course à pied, alors qu’auparavant je détestais ça et je fais régulièrement dix à douze kilomètres le matin, sur les quais de Seine ou aux Tuileries. J’enchaîne avec une séance de renforcement musculaire qui fait travailler toutes les parties du corps. Il faut en finir avec l’idée qu’un danseur classique ne doit pas faire ce genre d’exercices sous prétexte que ça développerait trop les biceps ou les mollets. De toute façon, l’important, ce sont tous les muscles qu’on ne voit pas, ceux qui soutiennent les articulations et évitent de se blesser. 

DCH : Etes-vous également vigilant sur les conditions d’accueil des théâtres dans lesquelles vous vous produisez ?

François Alu : Oui, et sur ce point, il y a un équipement absolument indispensable : un plancher adapté. Aujourd’hui encore, trop de salles dédiées aux concerts accueillent occasionnellement des spectacles de danse sans disposer de sol adapté. C’était par exemple le cas du Trianon à Paris, c’est pourquoi j’ai fait appel à la société Harlequin Floors. Ils m’ont fourni un plancher mobile Liberty de 120 m2, une merveille qui une fois livré, se monte directement en très peu de temps sur la scène et procure un confort inégalé. Rebondir sur un plancher de ce type est un vrai luxe, surtout lorsqu’il est recouvert par un tapis de la même marque dont le taux d’adhérence est parfaitement calculé pour éviter de déraper et s’adapter à la semelle des chaussons de danse ! 


 

DCH : Pourquoi la qualité du sol est-elle si importante ?

François Alu : Lorsque je saute, j’ai besoin de savoir que je peux pousser sur le plancher de toutes mes forces et assurer une réception en pleine sécurité. Depuis le début de la préparation de ce spectacle, il y a environ huit mois, je suis très vigilant sur les questions de santé. J’ai doublé mes entrainements physiques et je fais attention à me protéger le bas du dos afin d’être capable de fournir un effort hyper intense pendant la représentation. Mais au final, pour livrer une performance de pointe (!), je dois avoir sous les pieds un plancher conçu pour. Comme ce n’est pas le cas partout, l’idée du plancher mobile est géniale. D’autant que je veux me produire aussi dans des lieux un peu atypiques, pour toucher un public plus large que celui de la seule balletomane family ! 

DCH : Vous ne cessez pas d’ajouter de nouvelles cordes à votre arc. Quels sont vos prochains projets ? 

François Alu : J’aime effectivement l’idée d’être un artiste complet et d’être capable d’offrir au public un divertissement total. Y compris en concevant, comme nous l’avons fait avec Samuel Murez pour Complètement Jetés, une plateforme de billetterie autonome qui non seulement annonce toutes les dates à venir, mais est aussi une plateforme d’échanges avec les spectateurs dont les commentaires enrichissent notre travail. Par ailleurs, au plan personnel, je prends des cours de chant, j’ai aussi l’intention de participer prochainement à des clips d’artistes que j’apprécie, j’aimerais également faire quelque chose avec mon frère, un vrai BBoy avec lequel j’ai une grande complicité. Plus le temps passe, plus j’aime surprendre, être surpris, me laisser guider par la curiosité et la passion, y compris sur les chemins de l’irrationnel plutôt que sur ceux de la raison. Le langage que je parle le mieux est celui de l’impalpable !

Propos recueillis par Isabelle Calabre. 

Prochaines dates : Le Trianon à Paris dimanche 14 novembre 2021 à 18h et le Théâtre Fémina à Bordeaux le dimanche 21 novembre 2021 à 18h.

Billetterie et tournée 

Image de preview © Julien Benhamou

 

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