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Festival Artdanthé 2022 : « InstantT22 » de Nathalie Broizat

Quand une inénarrable performance fleuve remue le présent, le passé et l’avenir. Avec l’amour dans le rétroviseur. 

Love Labo : Le nom de la compagnie de Nathalie Broizat pourrait bien être le titre de ce qui s’appelle en fait InstantT22. Titre versant dans une abstraction et une distance à l’opposé de l’ambiance libertine et libératoire de cette orgie visuelle et performative. Le T, enfin, serait a minima symbole de tournis ou de transe, pour un déferlement de couleurs et de danses performatives, de chansons et de pauses pour les changements de costumes et nettoyage régulier du plateau. Presque orchestré comme un match de boxe avec ses rounds, brouillant toutes les pistes, dans une aire de jeu au principe aussi simple qu’original, en quadri-frontal. Sauf que sur les quatre côtés, deux sont occupés par les costumes et d’innombrables objets, méticuleusement rangés. Dans la Panopée du Théâtre de Vanves, le public était placé en L, face au L inversé des accessoires – tutus, godemiché doré, bottes de ski, perruques, gant en forme de cœur… – qui ont ici autant d’importance que les danseurs. 

On peut lire InstantT22  comme une critique d’une mouvance qui visait l’épanouissement individuel comme ferment d’un monde plus juste et solidaire, face au changement climatique actuel qui nous apprend que cette vision a fait fleurir le capitalisme et l’industrialisation qu’elle voulait dépasser. Alors, une fois qu’on constate que Narcisse s’est emparé de l’ensemble des citoyens, que nous reste-t-il ? Comment reconstruire le rêve de la communauté, voire de la commune ? En poussant la folie jusqu’au bout ou en chantant encore Bob Dylan, dans le regret de la belle époque ? The answer, my friend, is blowin' in the wind… Sur le plateau, c’est Love Labo, où l’on chauffe l’amour et l’amitié sur le feu du doute et d’un baroque déguisé en flower power et dada, où l’on reprend des discours qui nous avertissent de l’urgence climatique et autres déboires de l’humanité, par des militants en écologie, décroissance et droits animaux. 

Galerie photo © Anaël Miantsoukina

Que ce délire joyeux de Love Labo approche l’amour par ses liens avec l’amitié, la sensualité ou la politique, qu’il le fasse en transformant une performeuse en Statue de la Liberté ou en se réunissant dans une accolade collective… On a forcément l’impression d’avoir partagé un peu de la drogue fétiche de l’époque avec les performers. Parmi lesquels on trouve Anna Gaïotti, chorégraphe chevalière des ambivalences et l’effeuilleuse burlesque Sattyna Tsé Tsé qui exacerbe sa féminité jusqu’à faire croire qu’elle est en vérité un homme exaltant la part douce de sa masculinité. InstantT22  met en scène sept clowns sans être un spectacle de clown, arbore l’exubérance d’une revue sans en être une et inclut un extrait d’un pièce de Doris Humphrey dans un arrangement de José Limon sans pour autant ressembler à un spectacle de danse. Puisque tout ici se fait au deuxième degré au carré… Au bout du compte, la vie ne dure qu’un instant et le T22  de Nathalie Broizat est une excellente proposition pour en tirer le meilleur. 

Thomas Hahn

Festival Artdanthé, Théâtre de Vanves, Salle Panopée, le 2 avril 2022

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