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Entretien avec Paul-André Fortier

Six ans après le Solo 30x30, joué durant 30 jours sur le parvis du Trocadéro, quatre ans après Vertiges, Paul André Fortier, figure majeure de la danse au Québec, revient à Chaillot les 23,24 et 25 mai avec une nouvelle création écrite en collaboration avec Etienne Lepage. Fort de ses 70 années qu’il vient de fêter, cet « homme qui danse » pourrait bien nous surprendre …

DCH :  Parlez nous de votre nouvelle création Solo 70, qui semble ne pas être exactement un solo.

Paul-André Fortier : C’est un faux solo par ce que nous sommes trois sur scène, avec une guitariste rock, Jackie Gallant et un comédien, Etienne Pilon. Ce sont trois personnages qui ont chacun une trajectoire mais ne sont pas forcément dans une interaction directe. Ils partagent l’espace, se croisent, c’est assez en phase avec les codes de communication actuelle.

Jackie et Etienne n’ont pas non plus le même âge que moi. Il y a une tension générationnelle intéressante. J’ai fêté mes 70 ans le mois dernier et je me suis dit que ce serait bien de créer et danser un ultime solo. J’ai toujours aimé la poésie du corps vieillissant, le corps vieillissant qui danse. Il y a quelque chose de déstabilisant de voir un homme marqué par son âge qui se met en scène. C’est néanmoins un spectacle assez exigeant pour moi qui suis en mouvement pendant 65 minutes. Je n’ai pas fait de concessions par rapport à mon âge mais j’arrive à la fin, assez épuisé. Le spectacle a créé ses propres exigences et comme interprète je m’y suis plié.

DCH : Vous vous êtes entouré d’Etienne Lepage, auteur que l'on a pu apprécier en France à plusieurs reprises (La logique du pire, Ainsi parlait ... lire notre critique) et Marc Seguin, scénographe. Étais-ce une première collaboration ?

Paul-André Fortier : Oui. Je suivais Etienne Lepage depuis plusieurs années. Il avait participé à des productions de Frédéric Gravel, et j’avais également vu son travail, en particulier La Logique du pire (présenté l’automne dernier au Théâtre de la Bastille à Paris ndlr). J’étais intrigué depuis longtemps par ce jeune auteur très prolixe et « de son époque ». J’ai donc fait appel à lui pour écrire les textes pour le comédien. Au cours des premières semaines d’impros, Etienne s’est énormément investi, il a fait beaucoup de commentaires, de remarques. Je lui ai alors demandé d’être co-auteur du spectacle. Etienne a mené le bateau avec moi. C’était très stimulant de travailler avec quelqu’un qui a presque la moitié de mon âge. On n’a pas les mêmes acquis, la même expérience, on ne lit pas le monde de la même manière, donc je pense que l’échange a été assez riche entre lui et moi.

J’ai approché également pour ce projet Marc Seguin, romancier, cinéaste, auteur et plasticien. Avec Marc, on a des parentés artistiques, des intuitions communes, quelque chose de mystérieux qui passe … Il a construit une scénographie minimale mais c’est là. Au-delà de ce qui se voit. Sa présence durant le projet a énormément compté pour moi. C’est toute la richesse des rencontres, on ne sait jamais ce qu’elles vont générer dans le futur pour chacun d’entre nous. Quels seront les échos du projet dans les parcours de chacun. Ce que mes collaborateurs m’apportent va changer la nature de mes projets à venir.

 

DCH : Comment a commencé l’aventure du Solo 70 ?

Paul-André Fortier : Notre première rencontre remonte à deux ans et demi avec Jackie et les deux Etienne qui étaient peu familiers avec mon travail. Je ne savais pas si les affinités seraient assez fortes pour constituer une équipe et je souhaitais vraiment qu’on soit compatibles.

J’avais d’abord écrit un premier solo et je leur ai montré. C’était assez éprouvant de danser devant eux qui ne connaissaient pas bien mon travail. Ils ont commencé à intervenir, on a commencé à déconstruire et à improviser. Nous avons fait plusieurs séances de travail. J’arrivais avec du matériel qui permettait de relancer le projet, je prenais les devants avec une proposition chorégraphique. Quand Etienne Lepage est devenu co-auteur, il a eu plus de liberté pour diriger les choses, il m’a réellement mis en scène.  Et deux ans plus tard, c’est devenu le Solo 70.

DCH : Vous aviez travaillé en complicité et osmose avec le violoniste Malcolm Goldstein, pour Vertiges (lire notre critique). Comment se tisse cette nouvelle complicité entre comédien, danseur et musicienne ?

Paul-André Fortier : Travailler et créer avec la musique « live » reste assez nouveau pour moi, et avec un comédien ça l’est totalement. J’avais envie de textes, mais n’étant pas moi-même acteur, travailler avec un comédien s’est imposé naturellement. Etienne Lepage a écrit les textes et Jackie Gallant a écrit la musique. Cela donne un univers assez hybride et on a très hâte de voir comment le public réagira mais on voit déjà que la réception est très différente selon les générations.

Il y a aussi dans cette pièce une certaine étanchéité entre ces mondes, ces univers différents et le résultat est donc assez surprenant…enfin je l’espère. La musicienne et le comédien communiquent assez facilement. Dans Vertiges, le musicien et moi étions vraiment proches. La pièce s’appuyait sur cette complicité. Avec Jackie nous sommes complices à travers la danse et la musique mais nous ne sommes pas en « relation ». Il n’y a pas de physicalité entre nous, un peu plus avec le comédien peut être.

DCH : Cette étanchéité, c’était voulu ?

Paul-André Fortier : Non, ça s’est fait comme ça dès le début. Les mondes parallèles se sont imposés. On ne les a pas cherchés ni provoqués, et finalement on vit très bien avec ça.

DCH : Décembre 2018 marquera un tournant dans votre vie d’artiste puisque vous fermerez définitivement la compagnie. Ceux qui vous connaissent imaginent aisément que vous débordez de projets !

Paul-André Fortier : Oui nous fermerons la compagnie en décembre. Le Solo 70 est la dernière pièce de la compagnie mais ce n’est pas ma dernière chorégraphie. Je vais continuer à créer des pièces et collaborer avec d’autres artistes, à performer. Mais sans un suivi administratif contraignant. Etre artiste ne s’arrête jamais, on continue à une autre échelle, et dans d’autres contextes.

Je suis déjà en train d’écrire une pièce pour deux danseurs, deux interprètes uniques et exceptionnels. Je leur ai écrit chacun un solo puis un duo pour former une soirée qui devrait  être programmée l’an prochain à Québec. Je suis également très attiré par la performance, dans les galeries, les musées. Mais devoir m’entraîner régulièrement pour danser, mon corps refuse, et puis, je pense que j’ai honorablement donné.

DCH : Que va devenir le répertoire de votre compagnie ?

Paul-André Fortier : Je ne sais pas. Si certaines compagnies me demandent, alors pourquoi pas ? Mais je suis plutôt intéressé par les pièces à venir que par le passé. C’est ma nature qui est comme ça !

Propos recueillis par Marjolaine Zurfluh

Mercredi 23 et vendredi 25 à 19h45
Jeudi 24 à 20h30

Chaillot-Théâtre national de la danse - Salle Firmin Gémier

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Solo 70

Mise en scène : Paul-André Fortier, Etienne Lepage
Chorégraphie : Paul-André Fortier
Texte : Étienne Lepage
Musique : Jackie Gallant
Lumières : Jock Munro
Scénographie : Marc Séguin
Costumes : Denis Lavoie
Assistanat chorégraphie, direction des répétitions : Ginelle Chagnon
Avec Paul-André Fortier, Jackie Gallant, Étienne Pilon
 

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