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Entretien avec Daniel Leveillé

Daniel Leveillé ouvre le Festival June Events avec une création : Solitudes Duo.

Daniel Léveillé est un chorégraphe québécois reconnu dans son pays mais assez peu connu en France, alors qu'il fait partie de la même génération qu'Edouard Lock, une de ses idoles, Marie Chouinard et Louise Le Cavalier, entre autres. Même si les amateurs de danse contemporaine connaissent au moins de nom le spectacle qui a fait exploser sa notoriété, Amour, acide et noix. Programmé dans le cadre des June Events mis en place par l'Atelier de Paris, il y présente sa nouvelle pièce, créée tout juste deux semaines avant, au festival TransAmériques, Solitudes duo. Rencontre avec ce pionnier de la danse de la belle province, qui s'intéresse au corps et ses mécanismes comme un scientifique, avec minutie et exigence.

Danser Canal Historique : Pourquoi vous attaquer à la figure du duo juste après celle du solo ?

Daniel Léveillé : Il faut savoir que mon dada c'est la chorégraphie. J'ai beaucoup enseigné la composition et les paramètres fondamentaux m'intéressent énormément. En fait, tout est lié, tout ça part du fait qu'en 2001 j'ai créé Amour, acide et noix avec la nudité. J'ai passé une douzaine d'années dans ce cycle de création et il fallait aller voir ailleurs. Du fait du succès, je me suis dit attaquons le solo puisqu'il n'y a pas d'échappatoire, on ne peut pas faire de la « belle danse ». Affronter l'exercice du solo pour aller au cœur, comme un écrivain. D'ailleurs on apparente la danse aux arts visuels mais je trouve que l'écriture chorégraphique est liée à l'écriture tout court. Qu'est ce qua ça fait de mettre ces personnes seules (les interprètes sont les mêmes, plus un que dans Solitudes solo) en relation. L'autre est la forme première de la relation à deux, quelque chose d'assez fondamental. L'enjeu est justement cette relation à deux.

DCH : Dans vos pièces, on voit beaucoup le corps. Ici les costumes se résument à des short boxer et des tee-shirt ou caracos courts. Pourquoi ?

Daniel Léveillé : On peut lire le corps sans filtre. J'aime bien les jambes, qu'on les voit, qu'on voit les dos aussi. Ces sous-vêtements c'est justement parce que j'ai besoin de voir les corps. Mes danseurs parlent du costume « Léveillé », parce que dans le studio, ils sont souvent habillés comme ça quand on travaille.

DCH : Comment travaillez-vous ?

Daniel Léveillé : Comme ça fait quarante ans que je fais de la chorégraphie, je n'ai plus à prouver quelque chose. Je passe par le mouvement. La meilleure préparation pour moi, c'est la page blanche, l'espace vide. Mes demandes auprès des danseurs sont souvent des questions, et je leur demande de trouver une réponse, leur réponse. C'est peut-être intuitif de ma part, je vais inscrire un chemin, initier une chose qu'ils vont devoir terminer. Je travaille beaucoup sur le saut, le tour, le poids. Le poids est totalement assumé chez Léveillé, la verticalité très présente aussi.

DCH : Pourquoi avez vous choisi ces musiques, le clavecin de Bach et Pancrace Boyer et certains morceaux des Doors, un mélange de très classique et très rock ?

Daniel Léveillé : Depuis très longtemps, je travaille avec la musique classique et je vais voir dans tout ce qui est possible, j'y vais par grands chapitres et là, je suis sur Jean-Sébastien Bach. Ensuite j'affine. Avec les Doors, je trouve que l'enchaînement se fait de façon très naturelle, ça se mélange très bien, on passe de Bach aux Doors sans presque s'en apercevoir. Il faut savoir que la musique est l'émotion de mon travail. Et je ne compose pas la danse sur la musique, celle-ci vient après.

DCH : Pourquoi ce titre Solitudes duo ?

Daniel Léveillé : J'ai réalisé il y a peu de temps que Solitudes était comme un cycle, je pense qu'il y en aura un troisième. Sinon, c'est que j'ai besoin de solitude, j'aime ne rien faire, seul. Je pense que c'est l'un des plus grands luxe qu'on peut s'offrir aujourd'hui, quatre heures de solitude par jour.

DCH : Pouvez-nous brièvement évoquer votre parcours ?

Daniel Léveillé : J'ai eu la chance de travailler jeune avec Françoise Sullivan, pionnière de la danse moderne au Canada et signataire du « Refus global », un texte fondateur et un moment fondamental pour l'art au Québec. Elle m'a tout appris, mon approche et ma vision de la création me viennent d'elle. Elle est ma mère de création. L'autre particularité qui teinte ce que je suis devenu tient au fait que depuis tout petit je dessine et que j'ai fait une université d'architecture pendant un an et demi avant de prendre certainement ce qui fut ma première vraie décision, devenir danseur. Même si je savais au fond que je ne serais pas un danseur, je n'avais pas cette générosité, cet abandon nécessaire au chorégraphe. Par contre, écrire la danse, je faisais ça beaucoup plus facilement que le reste. Ma formation a été hétéroclite, cours de ballet, cours de jazz puis j'ai dansé jusqu'en 1985, 1986, je ne sais plus. En même temps, j'ai très vite écrit la danse, tout en enseignant la composition.

Propos recueillis par Gallia Valette-Pilenko

June Events les 8 et 9 juin 21h00 au Théâtre de L'Aquarium.

Renseignements et Réservations: 01 417 417 07 - Atelier de Paris-Carolyn Carlson - Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

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