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Catalogue Picasso & la danse

Après avoir visité l’exposition Picasso et la danse de la Bibliothèque-Musée de l’Opéra national de Paris (lire notre critique), nous avons découvert le magnifique catalogue édité par la BnF dont dépend ce département sis au Palais Garnier.

L’ouvrage, abondamment illustré, nous permet de retrouver titres et dates des œuvres accrochées que nous n’avions pas, au passage, relevés. Dans leur préface, les commissaires Inès Piovesan et Bérenger Hainaut font remarquer que le lien de Picasso à la danse ne se limite pas à ses collaborations avec les Ballets Russes de Diaghilev, période Massine, à savoir : Parade (1917), Le Tricorne (1919), Pulcinella (1920) et Mercure (1924). Son goût pour la danse s’est en effet « exprimé dès ses plus jeunes années.

Des danseuses de French cancan et de cirque des années 1900 aux danses érotiques » des années soixante. La couverture, d’ailleurs, reproduit un tableau de 1962 intitulé Grand nu dansant, dans un style jusque-là rarement emprunté.

Le commissaire Hainaut passe au crible la vie de Bohème entamée par le peintre en 1895 au Barrio chino de Barcelone où il fréquente les bouges, les cabarets et les cirques (cf. sa fascination pour l’écuyère Rosita del Oro et ses croquis de danseuses de flamenco), poursuivie à Montmartre où il subit de toute évidence l’influence de Toulouse-Lautrec (cf. sa toile Le Cancan, 1900 et sa scène de bal du Moulin de la Galette, 1900). Pour quelques sous, il publie des dessins de danse dans le journal Le Frou-Frou. Il peint des toiles ayant pour titres Au Moulin Rouge et French cancan (1901), esquisse des croquis et des pastels représentant des scènes de music-hall (cf. sa goyesque Danseuse naine), conçoit une affiche pour l’établissement nocturne Le Jardin de Paris, trace le portrait de la danseuse japonaise lancée par Loïe Fuller, Sada Yacco. Sa période bleue, pas bien riante, et celle plus rose accueillent plusieurs motifs de danseurs (cf. Jeune fille au chien et Saltimbanques au repos, c.1905). Les thèmes mythologique ou bibliques comme celui de Salomé sont aussi prétexte pour le peintre à traiter de danse (cf. La Danse barbare, 1905).

Nous ne développerons pas les collaborations du cofondateur du cubisme avec les Ballets Russes, celles-ci ayant été assez commentées dans le programme de Josseline Le Bourhis édité par l’Opéra en 1978 lors de la reprise à Garnier de certains des ballets et dans l’émission de télévision produite quelque temps après par NVC Arts, Picasso and dance.

L’expo présente les costumes confectionnés à cette époque pour Parade, ceux en tissu, bois et carton, des managers et, sous vitrine, ceux en soie des acrobates, qui sont une splendeur.  illustre son essai sur la peinture dansante de Picasso par un dessin de ballerine de 1954, exécuté par l’artiste catalan en quelques traits de couleur, sans repentir aucun, dans le style matissien.

Cocteau, qui a toujours voulu dessiner avec une telle aisance et une telle fluidité, décrivait les costumes du peintre cubiste comme suit : « Les managers sont des hommes-décor, des portraits de Picasso qui se meuvent, et leur structure même impose un certain mode chorégraphique. » Nous nous bornerons à citer en passant la contribution de Picasso au ballet Icare de Serge Lifar qui a suivi la longue et fructueuse coopération entre le peintre et Massine (cf. les photos prises par Roger Pic des décors et du rideau de scène).

Après que Céline Chicha-Castex décline en divers sens le thème dionysiaque de la bacchanale dans l’œuvre peint et dessiné de Picasso avec, vers 1930, l’irruption du minotaure antique surréaliste-compatible, le catalogue se clôt sur un texte de Florent Maubert qui rapproche la gestique du peintre du mouvement du danseur dessinant d’un seul trait de lumière des centaures, des danseuses et des formes abstraites, aussi virtuels que la chorégraphie.

Cette « motion capture » à base de « dessins spatiaux » fut réalisée en 1949 par le photographe et cinéaste Gjon Mili au moyen de la pose longue. Elle fit l’objet d’un album illustré et inspira sans doute le film de Clouzot Le Mystère Picasso (1956). Ce fut, paraît-il, Matisse qui eut l’idée de présenter Mili au peintre.

Nicolas Villodre

Picasso & la danse, BnF éditions, 2018, 39 €.

 

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