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« Ballroom » d’ Arthur Perole

Avec Ballroom créé au Festival Instances de Chalon-sur-Saône, le jeune chorégraphe dépasse les attentes ! A voir à Chaillot-Théâtre national de la Danse du 26 au 29 février.

 Avant Ballroom, il y a ce rythme soutenu et insistant de la musique techno à 120 bpm qui vous met déjà à l’épreuve – puisqu’il est quasiment impossible de ne pas le suivre. Pendant ce temps, les danseurs se pomponnent et s’habillent, maquillage recherché et intégral de toutes les couleurs et chiffons de récup’ habilement recomposés en pièces de haute couture à tendance fort baroque.

De cette préparation surgit soudain l’image imprévue d’un exotisme réinventé, d’une beauté indéniable, et renvoyant bizarrement à un monde d’avant, à un Ancien Régime sur le point de basculer comme en témoignerait cet éclairage sépulcral de fin du monde imminente. Ces nouveaux « sauvages » sont vite pris par le rythme obsédant, contractant buste et bassin en cadence, dans une atmosphère de fête décadente fin de règne. La preuve, tous se retrouvent en slip et sous-tif, qu’ils soient « sauvages » ou aristos vagues, tandis que les corps abandonnent toute gestuelle « ordonnée » ou colonisée.

Galerie photo © Nina-Flore Hernandez

Du coup, le « quel est votre exutoire » qui sous-tend cette création d’après Arthur Perole lui-même, prend une dimension beaucoup plus politique qu’elle n’en avait l’air. Au fond, dans ce Ballroom, Arthur Perole cible bien le climat insurrectionnel du moment, qui a pour nom Hong Kong, Chili, Brésil et même gilets jaunes, qui, couplée avec la crise environnementale correspond bien à l’atmosphère crépusculaire de Ballroom et à son irruption libératoire et communautaire. 

Car Ballroom est avant tout une danse physique, éruptive, une danse de l’excès et de la démesure, de la dépense et de l’épuisement, comme celle de nos ressources, irrépressible et évolutive. Une danse carnavalesque au sens premier du terme, qui signifie « enlever la viande » mais évoque également la liberté des mœurs que le carnaval supposait. Et c’est bien d’une mue fondamentale qu’il s’agit, d’un dépouillement de préjugés, qu’ils soient de genre, de classe, ou de société.

Dans une diagonale époustouflante, on voit même passer une danse macabre qui unit les vifs aux morts. On sait à quel point elle soulignait la vanité des distinctions sociales. Et d’une certaine façon, sous la joie évidente de la pièce d’Arthur Perole, se niche une peinture au vitriol de notre époque, qu’elle exorcise par cette danse qui s’autorise tout à travers une transe où les corps sont possédés par un mouvement qui délite leur ordonnancement initial. 

À la fin, retour au calme, tandis qu’une tarentelle, vaguement s’esquisse enfin (c’était le point de départ de Perole) et que des accords vocaux figent un groupe sculptural. Dans cette fête hallucinante et hallucinée, les éclairages signés Anthony Merlaud, qui vont d’un clair-obscur très pictural aux éclats stroboscopiques, et la musique de Gianni Caserotto qui s’affranchit de toute mélodie fut-elle tarentulée, au profit d’une percussivité électro bien frappée, finit par des nappes pulsatiles avant de repartir sur une vraie musique de ballroom ! Grandiose.

Agnès Izrine

Vu le 13 novembre 2019. Espace des Arts de Chalon-sur-Saône,  dans le cadre du Festival Instances

Chaillot - Théâtre National de la Danse
Du 26 au 29 février 2020

 

Dates passées :
5 décembre  : Le Théâtre - scène nationale - MÂCON 
10 décembre  : Théâtres en Dracénie - DRAGUIGNAN en partenariat avec le Festival de danse Cannes
31 décembre  : Centre Culturels Municipaux - LIMOGES
 

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