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Alu, enfin !

Samedi 23 avril, à l’issue de la représentation de « « La Bayadère de Rudolf Noureev, le premier danseur François Alu a été nommé étoile. Nous y étions !

Petit à petit, on a commencé à y croire. A espérer que devant tant de présence, de perfection technique et de style, la couronne tant attendue allait venir coiffer le turban de Solor posé sur la tête de François Alu.  Et ce malgré la malédiction qui semblait peser depuis longtemps sur le danseur, dont la soirée de mercredi en ce même lieu avait offert une nouvelle illustration : alors que les balletomanes avaient bloqué la date sur leur calendrier - Alu distribué après trois ans de disette dans un rôle de soliste ! -, que la salle de l’Opéra Bastille bruissait d’aficionados et de collègues danseurs, et que le public était chauffé à blanc, rien n’était venu. Pendant de longs et fiévreux rappels, les spectateurs frustrés avaient dû se contenter d’acclamer leur idole, sans que leur ardeur ne fasse miraculeusement surgir sur scène Alexander Neef et Aurélie Dupont, seuls décisionnaires en la matière.

Ce samedi, cette fois fut la bonne. Après une Bayadère d’impeccable facture, applaudie avec enthousiasme par un public familial venu pour la « Première fois à l’Opéra » - une opération offrant des tarifs privilégiés pour permettre aux néophytes de découvrir le ballet et l’art lyrique -, on a vu surgir côté cour les deux susnommés, micro à la main.

Un instant, en entendant le directeur de l’Opéra remercier les mécènes qui avaient permis l’accueil de ce nouveau public, on a craint que ce soit là le seul motif de sa présence. Heureusement, Alexander Neef enchaînait rapidement sur l’évènement qui allait suivre et annonçait « un moment exceptionnel de joie et de célébration qui couronne le talent d’un danseur ». Sur proposition de la directrice de la danse, François Alu était donc nommé étoile. L’heureux élu embrassait ses deux partenaires, Dorothée Gilbert, magnifique Nikiya, et Bianca Scudamore parfaite en Gamzatti, avant de venir à plusieurs reprises saluer la salle ravie. Quelques cris - Alu, Alu ! - révélaient la présence de fans qui s’étaient procuré des places dans une représentation en principe fermée à la vente publique. Et venant de tous les rangs, des bravos et des hourras disaient le bonheur partagé.

Douze ans après son entrée dans le corps de ballet, dix ans après ses premiers couronnements (Prix AROP de la Danse, Prix du Cercle Carpeaux et Prix Danza & Danza), enfin huit ans après avoir été nommé premier danseur, celui qu’on n’attendait plus (mais qu’on espérait tout de même !) accède au firmament. Et foin des éternelles remarques sur son physique puissant qui n’est pas celui du prince longiligne de la danse académique : François Alu est un interprète extra-ordinaire, aussi à l’aise dans les rôles du répertoire - qu’il sort de la naphtaline - que dans les créations contemporaines (on se souvient avec émotion de sa prestation dans le très beau Blake Works I de William Forsythe, en 2016 lire notre critique). D’ailleurs, preuve que le talent emporte tout et sublime les corps, sa silhouette semblait s’affiner au fil des trois actes de cette mémorable Bayadère, à mesure que de variations en pas de deux et de sauts en tours en l’air, exécutés avec la plus grande précision, son interprétation devenait de plus en plus éclatante. On espère maintenant que l’épisode « Danse avec les stars » est loin derrière et que dans les dix années à venir, celui qu’on dit être « un caractère » pourra assouvir sa soif de danser, et se consacrer pleinement aux plus grands rôles du répertoire. On peut en tout cas être sûr que, puisqu’il sait toucher un large public au-delà du cercle habituel des connaisseurs, son aura, plus sûrement encore que l’opération « Ma Première fois à l’Opéra » attirera à la danse un nouveau contingent de passionnés.

Isabelle Calabre

Opéra Bastille le 23 avril 2022

 

 

 

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