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Jean-Christophe Maillot - 20 ans à Monaco (3)

3- Le chorégraphe et l'enseignement

Ne pensez-vous pas que, si ce style disparaît, c’est également parce que les grands maîtres qui pouvaient l’enseigner ont, pour la plupart, disparu ? Et finalement, cela ne pose-t-il pas le problème de l’enseignement de la danse classique d’une manière générale ?

La question fondamentale est : où en est-on de l’enseignement de la danse classique ? Le vrai problème c’est qu’on a loupé le coche de la rénovation de la danse académique dans son apprentissage. Je ne comprends pas que l’on n’ait pas encore repensé la transmission du vocabulaire par exemple. Les pas qui sont enseignés actuellement n’ont plus d’application dans les spectacles – on ne les emploie plus que dans le grand répertoire, et encore, moyennant quelques aménagements. Un grand professeur que je songeais à engager m’a dit : « je veux voir ce que vous faites, comprendre ce que vous dansez, voir les chorégraphies ensuite je vous dirais si je peux inscrire mon enseignement dans cette perspective. » Mais pour un professeur qui se pose cette question, combien n’en ont même pas l’idée ?

Et là on rejoint Balanchine qui disait « d’abord une école, ensuite une compagnie ».

Car pour moi, le style d’un danseur est lié à une compréhension globale, à une intensité. La façon dont je demande à mes danseurs de se déplacer sur scène, de marcher normalement, de se retourner avec une sorte de naturel, de s’obliger à se donner un texte quand ils dansent un ballet narratif n’existe dans aucun cours. C’est quelque chose que l’on doit adapter quotidiennement. Du coup le travail de la barre, du milieu, doit évoluer. Ça m’inquiète de ne jamais voir personne se pencher sur cette question. Le dernier à l’avoir tenté, c’est probablement José Limon. Depuis rien. Mais autant Cunningham a apporté une réponse, ou Graham, depuis, à part Forsythe qui a fait évoluer les choses par une stylisation de l’écriture, mais ne s’est pas penché sur le sujet de l’enseignement, on ne voit rien bouger. Seul Ohad Naharin a proposé une nouvelle approche grâce à sa technique Gaga, et en dehors de ça, on est totalement démuni. Je suis sidéré. Et en attendant, la danse classique est en train de mourir. C’est peut-être ce qui m’excite le plus aujourd’hui de repenser la manière d’enseigner avec la réalité de notre temps.

En tout cas, vous disposez maintenant d’un outil pour le faire…

L’Académie Princesse Grace est une école pré-professionnelle, je l’ai toujours revendiqué. Pas une école donc, puisque je les prends en fin de parcours. Nous avons l’ambition de leur trouver un engagement lorsqu’ils en sortent et aujourd’hui, cet objectif est réalisé à 99% depuis quatre ans et j’en ai deux qui devraient briller à Lausanne. (et effectivement  Mikio Kato et David Fernando Yudes Navarro, font partie des lauréats et ce dernier a reçu également le Prix du public NDLR). Pour moi c’est fondamental qu’ils aient une place à la sortie de l’école. J’ai également posé dès le départ qu’il ne s’agissait en aucun cas de l’école de la compagnie. Je suis assez réfractaire à toutes ces écoles de Ballets où l’on entre à 8 ans et qui sont censées alimenter le Corps de ballet de la compagnie en question. C’est terrible pour les jeunes. S’ils n’arrivent pas à être admis dans la compagnie quelle qu’en soit la raison,  ils sont détruits parce que c’était leur seul objectif. Peut-être un jour pourra-t-on recruter un danseur qui aura envie de venir chez nous et qui correspondra à nos critères, mais ce n’est pas une obligation. Nous formons des élèves pour le monde de la danse…

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Propos recueillis par Agnès Izrine
À Suivre : 20 ans le bilan

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