Ludovic Moreau, responsable de la programmation danse à L’Onde nous parle du Festival Immersion (lire notre article) et de l’essor de la danse dans une programmation attachée à la pluralité des formes.
Danser Canal Historique : Comment est né le Festival Immersion qui en est à sa quatrième édition ?
Ludovic Moreau : Notre festival est interdisciplinaire et témoigne d’un véritable intérêt pour le contemporain, ce qui est assez rare pour un théâtre de ville. C’est un lieu qui est né grâce à son site privilégié au niveau des entreprises et qui est limitrophe de plusieurs territoires. L’Onde abrite également une école de musique et danse et comprend une grande salle et une petite, pensée dès le départ mais inaugurée il y a seulement deux ans. Notre seule contrainte est d’avoir un quota d’habitants de Vélizy, sachant que c’est une ville de passage, de consommation avec son grand centre commercial, et d’emplois. C’est le deuxième pôle d’Ile de France après La Défense. La programmation est très équilibrée, avec une montée en puissance de la danse pour arriver à une égalité des disciplines. Nous sommes très ouverts à la pluralité et à la richesse des formes. Même s’ils participent à une réflexion contemporaine nous privilégions les artistes qui se posent cette question de la porosité entre les genres.
DCH : Quels sont les spectacles de danse qui en feront partie ?
Ludovic Moreau : Pour Immersion, nous accueillons A mon seul désir de Gaëlle Bourges que j’ai souhaité programmer car c’est une pièce qui a été peu vue en Ile de France. Elle immerge littéralement le spectateur, mais aussi le regard. C’est une pièce qui pose la question de la danse. Personnellement, je la vois comme un ballet intelligemment subversif, très français, car il revisite notre culture avec un second degré savoureux. Le texte est très drôle, très prenant et ce qui se dégage des corps, très fort, violent même à certains endroits, presque chirurgical. Pour moi, c’est une pièce quasi pédagogique.
DCH : Vous proposez quelques spectacles qui ne sont pas chorégraphiques mais ont un rapport avec le corps, le geste, ou des artistes qui ont travaillé avec la danse, je crois…
Ludovic Moreau : Le spectacle Tristesses, d’Anne Cécile Vandalem est un spectacle de théâtre musical passé à Avignon 2016, distille une ambiance à la Lars von Trier. On y voit des personnages dans une vidéo tournée à vue, qui sont regroupés dans un canton confronté à la montée des nationalismes. Là aussi, il y a beaucoup d’humour même si le sujet est plus que sérieux. C’est du théâtre filmé, qui dénonce le pouvoir des médias, avec des moments sans vidéo, très habile, assez proche aussi d’un Bergman. Il y a des scènes burlesques dans une veine très flamande.
DCH : Le spectacle Sans sang est aussi d’origine flamande je crois…
Ludovic Moreau : Joël Gunzburger, le directeur de l’Onde, connaît très bien la scène flamande et s’intéresse à la question du corps dans une vision interdisciplinaire. C’est pourquoi nous avons également programmé Inne Goris, jeune metteuse en scène qui a travaillé chez Wim Vandekeybus comme dramaturge. Elle monte Sans Sang un spectacle en forme de dialogue entre deux personnes qui se sont connues au cours d’un conflit. Epargnée par cet homme, ils se retrouvent 50 ans après… C’est une Première en France. Tout se passe au fil de l’émotion dans un travail autour de la vocalité. Il y a un dédoublement entre la petite fille qui donne à voir les émotions ressenties initialement, et la femme qui se souvient. Le thème, est évidemment assez rude, mais très fort. Et puis nous avons aussi le Groupe Mémorial qui présente une création, Nous qui avions perdu le monde – Le Jeune Homme aux baskets sales, une odysée contemporaine et poétique, portée par un orchestre rock de neuf musiciens.
DCH : Il y a aussi une exposition, au fond très chorégraphique et… en immersion !
Ludovic Moreau : Enfin une exposition monographique d’Émilie Faïf qui ouvrira le Festival Immersion. Nous sommes aussi Centre d’Art avec le Micro Onde qui propose trois expositions par an et est un vrai lieu de production. Emilie Faïf a travaillé avec des danseurs ou chorégraphes. Là, elle a réalisé des créations avec des textiles qui s’apparentent un peu à Louise Bourgeois dans son tissage de l’intime. C’est un travail fin, sensible, féminin qui à la fois attire et donne une sensation de malaise, comme Bourgeois. Elle a imaginé un système qui permet une forme immersive, en apesanteur qui dessine une sorte de paysage céleste et sera exposé trois mois jusqu’au 16 décembre.
DCH : Pouvez-vous nous parler de votre saison danse ?
Ludovic Moreau : Depuis plusieurs années nous voulions programmer Thomas Lebrun. Je le connais depuis de nombreuses années, et je trouve que son néoclassicisme contemporain s’est affûté. J’ai donc décidé de programmer Trois décennies d’amour cerné. Une magnifique pièce un peu mise de côté. Il reprend également la construction de Constellation consternée où l’on discerne le même rapport à la musique, à l’histoire que dans sa dernière création Avant toutes disparitions que nous programmons aussi. Ses spectacles sont hantés. Nous produisons également Le Pari, de François Verret. Dans le projet que je mène à l’Onde j’ai toujours en vue de faire un lien avec l’histoire de la danse, notamment à travers des pièces de répertoire qui ont marqué. C’est le cas avec la reprise de Rain, d’Anne Teresa De Keersmaeker. Nous invitons également Peeping Tom qui, après son père, s’intéresse à sa mère dans Moeder. Il a une patte qu’on reconnaît tout de suite. Cecilia Bengolea et François Chaignaud avec leur Tour du monde des danses urbaines qui montrent un rapport à l’image intéressant et joue le jeu du rapport à Internet, au viral. Et il est vrai qu’aujourd’hui la danse se transmet comme ça, dans une histoire ancrée dans le quotidien. Nous présenterons Jann Gallois. Jann avec son duo Compact et Amala Dianor avec Des Générations, deux artistes émergents et talentueux.
Enfin, nous avons un projet amateur ambitieux avec Olivier Dubois, Les Mémoires d’un seigneur, en partenariat avec Le Prisme d’Elancourt, qui jouera dans les deux théâtres, et un nouveau projet avec Michèle-Anne De Mey, qui fait un clin d’œil au cinéma, très visuel qui s’articule autour de la mort avec la création de Cold Blood. Comme toujours elle a choisi un sujet assez sombre qu’elle décline sur toute une gamme d’émotions et qui démarre pour trois dates en novembre.
Propos receuillis par Agnès Izrine
Festival Immersiondu 4 au 14 octobre 2016
L'Onde-Théâtre-centre d'Art