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ZOA - la 9e édition : « Ambivalences »

La danse et la féminité jouent un rôle de pivot dans ce festival, ici ouvert sur l’improbable, le temps, l’ailleurs et les crânes. 

Sabrina Weldman, qui lança l’expérience d’une Zone d’Occupation Artistique – ZOA donc – tient bon. Toujours à la recherche de lieux partenaires pour accueillir des propositions artistiques potentiellement improbables, souvent jusqu’à l’épuisement, elle se montre plutôt sereine pour cette nouvelle édition. Car ZOA s’incruste dans le paysage et se déploie cette année dans trois lieux qui l’ont déjà accueillie dans le passé : L’Etoile du Nord (18ème arr.), Point Ephémère (10ème arr.), Le Regard du Cygne (19ème arr.). S’y ajoute un lieu atypique dans le 12ème arrondissement, à savoir le 100ecs. 

ZOA se définit comme un festival « ouvert aux formes hybrides » et « attentif à la dimension humaine », pour permettre de « créer sans tabous, loin de contrainte du formatage et du poids des stéréotypes ». Les « ambivalences » étant le thème de cette édition, on pourrait s’attendre à trouver, comme dans les éditions précédentes, des spectacles enjambant la frontière entre le féminin et le masculin. Mais cela ne semble pas être le cas. On verra au contraire le duo Rosalie de Joséphine Tilloy qui joue pleinement sur les codes de la séduction féminine, liés aux musiques de danse – des danses de cour à la Lambada – où le bassin se montre concentrique et frétillant, ondulant, hypnotisant. Et bien sûr, elles interrogent ainsi notre regard – sur un mode grotesque !

Histoires de crânes

« Drôle peut-être à force d’être aride, démentiel par excès de sérieux »: C’est ainsi que se caractérise le solo de Stéphanie Aflalo, inspiré du livre De la certitude de Wittgenstein. Le titre en dit long : Jusqu’à présent, personne n’a ouvert mon crâne pour voir s’il y avait un cerveau dedans, un solo à la « frontière entre le dicible et l’indicible » où la parole et la danse se rencontrent pour en découdre entre « ce qui a un sens et ce qui n’en a pas », notamment « en vertu de l’absurde jusqu’à son point de faillite ».

Qui est-ce qui crée ce côté absurde de l’existence humaine ? C’est bien sûr le temps, autrement dit, le fait de notre finitude charnelle. Un jour, on aura dégagé. Tout ça pour ça ?

Le temps est donc naturellement une sorte de fil rouge de cette édition qui s’ouvre sur MMDCD de et avec Christine Armanger. Elle constitue sur scène une sorte de vanité contemporaine, faite de son propre corps, d’un crâne (pas besoin de l’ouvrir pour se dire qu’un jour, il y avait un cerveau dedans) et d’une rame de TGV qui fait ses rondes, pendant qu’une voix compte les secondes. Armanger s’empare du jouet le plus typiquement masculin qui soit, pour le faire tourner en rond, dans un monde qui n’avance pas. C’est ce qui s’appelle avoir du crâne ! 

L’appel des ailleurs

Le spectacle de clôture nous renvoie à une autre idée circulaire du temps, avec Daria Faïn que Sabrina Weldman décrit comme une « artiste réémergente ». ZOA étant largement (mais pas exclusivement) consacrée aux artistes émergents, cette notion intrigue. Faïn s’est formée à l’Opéra de Paris auprès de Carolyn Carlson, a été primée en 1979 au Concours de Bagnolet et a passé la moitié de sa vie aux Etats-Unis. Elle a étudié la danse indienne et le butô, pour réémerger aujourd’hui dans le paysage chorégraphique français avec un solo qu’elle intitule patch the sky with 5 colored stones, en français : répare le ciel avec 5 pierres colorées. On peut attendre d’elle une danse universelle, d’autant plus que Faïn met en jeu le mouvement pour accéder à notre pensée, nos croyances et notre construction du soi. 

Alors que le corps de cette Française à l’ascendant américain devenait un arc en ciel reliant l’Occident et l’Asie, les Chiliens  dansaient la Cueca, issue de la rencontre entre des Gitans, des Maures et des Mapuches, une danse qui se réinvente sans cesse. Et avec eux, une certaine Alessia Luna Wyss, chorégraphe et plasticienne dotée d'une belle expérience du Chili, pays où elle a dansé la Cueca dans des bars clandestins aussi bien que dans la rue. Dans son trio féminin, Beautiful Alien Object, se croisent la danse et un documentaire radiophonique sur le Chili. Les trois danseuses portent par ailleurs des costumes fascinants et énigmatiques, qui nous interrogent sur le fond d’exotisme qui sommeille en nous. 

A y regarder de près, ou par un simple comptage, on constate que cette édition de ZOA est intégralement consacrée aux interprètes et chorégraphes féminines, ce qui n’est pas inscrit dans les gènes du festival et même pas intentionnel, selon sa directrice. « Il se trouve simplement que je ressens un lien fort avec les univers de ces créations », dit Sabrina Weldman. Qu’il en soit de même pour les spectatrices et les spectateurs ! 

Thomas Hahn

ZOA, 9ème édition

Du 20 octobre au 10 novembre 2020

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