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« Ti Chèlbè » de Kettly Noël

La 19ème Biennale de danse du Val-de-Marne programme un focus Afrique en écho avec la dixième Triennale Danse l’Afrique Danse à Ouagadougou ayant pour thème mémoire et transmission.

Créé en 2002 Ti Chèlbè – dont le titre en créole fait référence au mâle macho, de Kettly Noël native de Port-au-Prince puis installée à Bamako, a reçu en 2003 le prix RFI danse et le troisième prix aux cinquièmes rencontres chorégraphiques interafricaines pour cet opus sur le regard de l’homme envers la femme.

Un décor très sobre fait de plaques de tôles rouillées indique que l’action se déroule dans un quartier pauvre. Apparaît une toute jeune femme à peine sortie de l’adolescence qui cherche comment faire valoir ce nouveau corps. Sur sa petite robe noire elle enfile trois soutiens gorges afin de mettre ses seins en valeur. Elle est gênée. Se cache derrière un panneau. Revient et pleine de tics nerveux ose à peine affronter la rue. Bien que toujours mal à l’aise elle prend un peu d’assurance et s’aventure un peu plus loin. La bouche pulpeuse, ravissante et gironde, Oumaïma Manaï aperçoit un jeune homme de son âge qui semble tout aussi peu sûr de lui. Les tics de la danseuse reviennent de plus belle, mais Ibrahima Camara ne semble vraiment pas méchant, il lui sourit. Heureuse de séduire, elle s’affranchit et s’approche de lui.

Un duo de séduction plein de fraicheur s’ensuit en toute candeur. Sauf, que le mâle qui sommeille en lui prend le dessus et, en un instant, la danse fait surgir des gestes de plus en plus violents. Comment ose-t-elle se refuser à lui ?

Galerie photo © Laurent Philippe

La sauvagerie de l’homme atteint des proportions insensées. Elle est sa chose, sa proie et doit se soumettre. Il la met à terre, l’humilie, la frappe alors qu’elle, encore pleine d’innocence, tente de se protéger, de se sauver.

Elle s’était juste légèrement grimée et vêtue ainsi pour savoir si elle pouvait plaire à un homme, mais certainement pas pour aller plus loin, ni faire croire qu’elle est une prostituée. Alors, d’un seul coup, la jeune femme, dont les tics et le coté statique égrenaient le début de la pièce, se transforme en adulte responsable de son intimité. Elle le combat, le malmène et l’avili avec une étonnante assurance.

Il s’enfuit, elle a gagné et compris pour la vie la mentalité de la gent masculine.

Les deux jeunes danseurs Oumaïma Manaï et Ibrahima Camara sont excellents. Ils jouent et dansent leurs personnages avec perfection sans aucune fausse note et avec une telle vérité qu’on en a le souffle coupé.

La tunisienne Oumaïma Manaï possède une belle personnalité et une bien belle présence. Elle n’a pas 16 ans comme on l’imagine dans ce conte noir, mais 29 ans et sa carrière est riche en tant qu’interprète et de chorégraphe.

Avec cette transmission à de jeunes danseurs, Ti Chèlbè de Kettly Noël a conservé toute sa verve tout en mettant en exergue une écriture chorégraphique fort puissante.

Sophie Lesort

Chorégraphie et mise en scène Kettly Noël
Interprètes Oumaïma Manaï et Ibrahima Camara
Musique Patrick et Louise Marty
Lumière Cyril Monteil

La Biennale de danse du Val-de-Marne, jusqu’au 1er avril

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