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« OCD Love » de Sharon Eyal et Gai Behar

La pièce, d'une beauté sombre et fascinante sera reprogrammée à Chaillot-Théâtre national de la Danse du 6 au 13 juin.

Après avoir collaboré longtemps avec la Batsheva Dance Company, la Hubbard Street Dance de Chicago et Carte Blanche en Norvège, Sharon Eyal a co-fondé en 2013 avec son compagnon Gai Behar designer multimédia Gai Behar, figure de la musique live  et des rave de Tel Aviv, la compagnie L-E-V,  (de Lev, cœur en hébreu). Ils ont été rejoints pour leurs derniers projets par le percussionniste et DJ techno Ori Lichtik.

OCD Love est inspiré par un texte du poète Neil Hilborn. Il décrit une relation dans laquelle une femme amoureuse finit par être exaspéré des troubles obsessionnels compulsifs (OCD en anglais) du narrateur. « Je ne pouvais m’arrêter de le lire » raconte Sharon Eyal, « Je le voyais déjà comme une chorégraphie, ou un moule dans lequel on pourrait verser son inspiration et une part de soi ».

OCD Love transcrit la fascination d’Eyal pour le texte et répercute ses émotions. La chorégraphie commence dans la pénombre où apparaît une femme enserrée dans un faisceau lumineux.  Dans un mouvement très lent, elle déploie ses bras sur son corps ramassé comme un oiseau immense prêt à prendre son envol. La musique joue le chronomètre, mais inégal. Peu à peu, la gestuelle s’étire infiniment, Mariko Kakizaki, allongeant ses formes musculeuses, tandis que la musique vire au symphonique. La gestuelle mélange organicité et mouvements arrêtés, des rutpures d’équilibres constantes, conférant à l’ensemble une animalité étrange qui raréfie l’air autour d’elle. Toujours aussi lentement un homme entre dans son espace mais séparé d’elle, comme s’il était un fantôme ou une apparition. Ils se croisent sans se voir. Lui, tout occupé à des gestes aussi bizarres que répétitifs, l’épaule rentrée, le corps vaguement maladroit. Elle au contraire, très forte, articulant chaque mouvement jusqu’à l’extrême avec une précision à se damner.

Bientôt rejointe par les quatre autres danseurs, la danse se fait vibrante, hynotique, apparaissant parfois comme une parade nuptiale d’oiseaux exotiques, parfois comme une transe ou un rituel chamanique. Ils se déplacent dans un souffle commun, formant comme une ombre ou la répercussion des mouvements de la danseuse principale qui ne peut s’en dégager, malgré sa lutte constante pour y échapper.

Tout en hyperextensions du dos, des bras, dans des cambrés élégiaques, la chorégraphie passe de l’extase à des mouvements tranchants, arrêtés dans l’élan avec une précision de scalpel.  Utilisant indifféremment la gestuelle Gaga apprise chez Naharin ou des figures classiques, OCD Love a pafois des allures de Balanchine revisité, parfois fluide, parfois cassant, mais jouant toujours sur la désarticulation et la réarticulation des corps. Au fond, Eyal traduit parfaitement dans les corps ces troubles de l’esprit qui pervertissent le mouvement, l’entraînent dans le dérèglement des sens.

D’une virtuosité époustouflante, d’une maîtrise parfaite, OCD Love campe une humanité mystérieuse, d’où surgissent d’impossibles chimères, d’ambigus désirs. D’une beauté grave qui frôle une atmosphère de fin du monde, Sharon Eyal livre une pièce précieuse « comme une pierre sombre logée dans ma poitrine » dit-elle. Et c’est juste.

Agnès Izrine

Vu le 13 décembre 2016. Monaco Dance Forum, Grimaldi Forum, Monaco.

Du 6 au 13 juin 2019 à Chaillot-Théâtre national de la Danse

Interprètes : Gon Biran, Darren Devaney, Mariko Kakisaki, Leo Lerus, Keren Lurie Pardes, Shamel Pitts.

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