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Montpellier Danse en Automne !

Le festival Montpellier Danse 40, prévu fin juin se déplace pour devenir un festival en automne, qui durera trois mois. Avec quarante spectacles prévus et des créations d’envergure, la concurrence va être rude sur la fin de l’année 2020… Pour le plus grand plaisir des amateurs de danse. Nous avons interrogé Jean-Paul Montanari, directeur de Montpellier Danse sur cet événement exceptionnel.

DCH : Comment avez-vous eu l’idée de déplacer ce festival en automne ?

Jean-Paul Montanari : Voilà déjà un moment que j’ai compris qu’il ne serait pas possible d’organiser le festival Montpellier Danse avant le mois d’août. Mais voilà longtemps que Montpellier Danse n’est pas seulement un festival mais aussi une saison. Donc nous avons l’habitude de travailler pendant celle-ci avec nos collègues : Valérie Chevalier, directrice de l'Opéra ; Martine Vicériat, responsable du Corum et du Zénith ; Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, directeurs des 13 Vents CDN Montpellier ; Nicolas Dubourg, directeur du Théâtre la Vignette ou Gabriel Lucas de Leyssac, patron du Kiasma. Quand, avec Gisèle Depuccio et l’équipe de Montpellier Danse nous leur avons demandé ce qu’il leur restait comme disponibilités, chacun d’entre eux s’est montré solidaire, jusqu’à pousser sa programmation pour nous laisser le maximum de place. Nous nous sommes donc retrouvés avec un planning possible, entre fin septembre et décembre. Nous avons alors imaginé un nouveau scénario inédit de festival en automne, comme un archipel dès la rentrée de septembre.

DCH : Comment ce festival, renommé 40 bis s’organise-t-il ?
JPM : Nous allons enfin pouvoir utiliser pour la première fois en septembre depuis qu’il existe, le théâtre de plein air de l’Agora, car à cette date, il fait souvent très beau. Nous disposons de la cour de l’Agora, un magnifique lieu, où l’on pourrait construire un petit théatre pour les petites formes, et tous les autres lieux de nos partenaires, hormis le Corum, qui l’hiver est avant tout un centre de congrès. Ayant conclu cette étape, nous nous sommes aperçus, en questionnant les compagnies de l’édition de l’été, que c’était jouable. La majorité d’entre elles ont compris et ont trouvé des disponibilités de dates, pour ce déplacement. À l’Opéra-Comédie, nous avons trouvé un bon créneau début octobre pour The Brutal Journey of the Heart de Sharon Eyal. Emanuel Gat a vite réagi et accepté sans problème de troquer le Corum pour l’Opéra Comédie, une jolie salle de 1200 places,  et sa création mondiale de LOVETRAIN 2020 la première semaine d’octobre. Mais, si le spectacle de Sharon est prêt, celui d’Emanuel doit être créé.

DCH : Justement, quel va être l’impact sur les compagnies de ce déplacement ?
JPM : Ça va être la grande question. Les pièces qui devaient être finies cet été, ne pourront pas être répétées aux dates prévues. Pourront-elles être invitées de la même manière dans le grand circuit des saisons ? C’est tout l’enjeu. C’est le procédé de production qui est mis en cause. Emanuel j’ai confiance, car il avait déjà effectué une partie des répétitions à Montpellier. Nous sommes au milieu du confinment. À cinq mois de ce report que je propose. Donc il est envisageable qu’il trouve le temps de répéter dans ce laps de temps. Ça s’est vite calé, en trois ou quatre jours, nous avions proposé ces nouvelles dates. Actuellement nous avons recasé presque toutes les compagnies, sur les vingt-trois, nous en avons déjà calé dix-huit ou dix-neuf. Certaines des compagnies ne nous ont  pas encore répondu. Notamment La Batsheva , en pleines vacances de Pessah, ni, et c’est plus traditionnel, Anne Teresa De Keersmaeker. Mais sachant que c’est un solo qu’elle interprète elle-même, le problème des répétitions est probablement simplifié. Sans doute, les nouvelles propositions l’obligent à déplacer d’autres programmations prévues. Certaines autres sont dans l’expectative. Il y a des choses qui restent en suspens. Par exemple, Bouchra Ouizguen, on ne sait pas encore si les avions voleront par exemple. Fabrice Ramalingom, qui n’a pas réussi à rassembler ses danseurs sur les dates qu’on lui proposait et m’a demandé de reprogrammer sa création en 21. C’est le premier et le seul qui m’a demandé ça et j’ai accepté. Donc nous sommes en train de finir de reporter ces quinze jours d’été à trois mois de festival en Automne.

DCH :Pratiquement, quel en est le déroulé ?
JPM : Nous allons débuter fin septembre début octobre, là nous avons un temps fort assez cohérent. Ensuite, c’est en archipel. La création we wear our wheels with pride… de Robyn Orlin, c’est plutôt au mois d’octobre, à la fin de l’année Mourad Merzouki investira le Zénith avec Folia et le Ballet de Lyon avec Jiří Kylián, mi-décembre. Sachant que je n’ai pas annulé la saison qui était prévue, à part Hofesh Shechter qui devait créer à Avignon. Du coup j’ai repris les deux jours de décembre pour Lyon. Le contrat de Shechter n’était pas signé, contrairement à tous les spectacles du festival, et les part de coproductions importantes avaient déjà été avancées pour que les artistes puissent commencer leur création. Le solde étant payé à la représentation. Donc ainsi on maintient les choses telles qu’elles étaient prévues.

DCH : Ce maintien dans l’année 2020, correspond-il également à un souci de votre part d’être attentif aux difficultés inévitables que vont rencontrer les compagnies dans ce contexte de pandémie ?
JPM : Oui, et ça correspond aussi à la question des intermittents. Pour beaucoup d’entre eux sur la région, ils effectuaient la majorité de leur 507 heures requises, au Printemps des Comédiens qui a été annulé et à Montpellier Danse pendant l’été. Donc au 31 décembre, le nombre d’heures que les intermittents devaient faire est respecté. L’idée de construire un petit théâtre dans la Cour de l’Agora, ça fait aussi du travail pour les intermittents et ça peut être sympa et rigolo. Il aura une jauge de 250 places.

DCH : Du coup, que devient la saison ?
JPM : J’ai maintenu la quasi totalité de la saison prévue. On va retrouver Mathurin Bolze le circassien lyonnais, avec le théâtre du Kiasma. Christian Rizzo, un solo qui devait jouer dans le studio Bagouet. Et puis nous devions faire une séquence Lia Rodrigues, et je l’ai conservée précieusement, fin novembre, avec Furia, une pièce que j’aime énormément, et qui fait partie du Le Fonds de soutien à la création contemporaine en Occitanie (FONDOC) qui regroupe vingt structures de notre région. Elle va tourner un mois et demi en Occitanie. Un gros soutien à la compagnie va s’inscrire dans ce dispositif. Sur ces trois mois de fin septembre à décembre, on aura quarante représentations. Il faut dire que Gisèle et moi avons une manière de jongler avec ça qui m’étonne moi-même. Et puis les collègues ont été formidables dans leur écoute et leur solidarité.  Valérie Chevalier, la directrice de l’Opéra, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano directeurs du CDN des 13 vents, à Grammont, Nicolas Dubourg, directeur du théâtre universitaire ont supprimé des spectacles pour nous. Mais nous travaillons avec eux toute l’année, et c’est le 40e anniversaire…

DCH : Parlons de ces 40 ans. Quel est votre regard, aujourd’hui, sur ce pan de l’histoire de la Danse ?
JPM : J’ai l’impression que cette histoire semble dépassée. Nous avions conçu cette édition sur le thème « voir et revoir », pour réfléchir au temps qui passe, reprendre des pièces comme le So Schnell de Bagouet. Et ce projet avec Raimund de reprendre différemment Old People, Young Voices qui avait tellement compté pour moi, la revisiter avec d’autres interprètes, remodeler, raccourcir, évaluer le temps révolu par rapport à l’œuvre. C’est quoi revoir une œuvre ? C’est très banal au cinéma, beaucoup plus rare quant aux livres… Donc voir et revoir c’est compliqué. L’œuvre n’est plus la même d’année en année, parce que notre regard a été alimenté par d’autres. J’ai toujours été très résistant aux remontages de pièces de Bagouet, et là, après avoir vu quelques images de cette recréation de Catherine Legrand, avec les danseurs habillés en noir, sans décor, il se passait quelque chose de complètement nouveau et qui mettait, et mieux qu’à l’origine, totalement en valeur l’écriture de Bagouet. Les danseurs sont très bons et on ne voit que la chorégrpahie, c’est impeccable et je suis très curieux du résultat final. L’autre aspect, c’est le retour des artistes que j’ai beaucoup aimé ces quinze dernières années, et ils sont tous là. Bouchra Ouizguen, Robyn Orlin, Anne Teresa De Keersmaeker…  Et cette pièce exceptionnelle, 2019 d’Ohad Naharin que j’ai vue trois fois. Les danseurs sont extraordinaires. Ce sont des personnalités très singulières, comme leur corps et leur gestuelle sont uniques. On les identifie immédiatement. On a l’habitude de voir ça chez Pina Bausch, où chacun a son personnage. Et là chacun a son costume, son caractère, alors qu’il ya beaucoup d’esnsembles. Ils sont très individualisés avec chacun ses angoisses, ses désirs. C’est prodigieux. La musique d’ouverture de Moshe Cohen, un vieux chanteur qui ressemble à Farid El Atrache, ce sont des rengaines que j’adore.

Mais, non, je n’ai pas de regard sur ces 40 ans. Je ne sais pas ce que j’aurais dit si le festival ouvrait dans trois mois. Mais là je ne pourrais plus dire ça. J’ai l’impression que cette édition est déjà derrière moi. C’est pourquoi je l’ai appelée 40 bis. J’ai le sentiment que cette édition n’ayant pas eu lieu elle est déjà finie. On passe à la suivante. Et c’est la 40 bis. Ce n’est pas pareil de faire un festival de quinze jours avec des conférences de presse tous les matins, beauocup de professionnels, des débats, beaucoup de public, beaucoup de salles qui jouent en même temps avec deux, trois, quatre, créations par jour. Ça s’est fini. J’en ai fait mon deuil. Donc je le lisse sur trois mois. Et après ce qui nous est arrivé, c’est-à-dire plusieurs milliers de morts en France, et peut-être dans les spectateurs, les professionnels, les officiels, tout semble un peu désinvolte…

En attendant, pensons à aider tous ceux qui en ont besoin, prenons soin de nous et des autres et ne cessons pas d'espérer une vraie vie enfin retrouvée.

Propos recueillis par Agnès Izrine

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