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Les 30 ans de la compagnie Yvann Alexandre

Yvann Alexandre fête les 30 ans de sa compagnie et prépare une nouvelle création, Infinité dont la première sera donnée aux Hivernales le 11 février, puis les 13 et 14 au festival Faits d'hiver.

Il est relativement remarquable qu'une compagnie de danse fête ses 30 ans en pleine activité et en parfaite santé économique. Le fait l'est encore plus lorsque le chorégraphe a un peu plus de quarante-cinq ans… 

Cette étonnante précocité dont témoignait Yvann Alexandre – il est né en 1976 –  n'était donc pas l'annonce d'un feu de paille et de cette consomption rapide souvent prédite à un talent révélé tôt. Cela n'a pas prévenu les coups du sort et les tempêtes, mais le constat s'impose, ici et maintenant, la compagnie Yvann Alexandre est toujours là et se porte bien. « Cela fait un peu étrange de dire cela et ce n'est pas dans l'air du temps, mais je suis un chorégraphe et un directeur heureux » répond-il quand on l'interroge sur cet anniversaire. « Quand on a pris conscience que venait l'année des 30 ans, cela a été plutôt bien. Nous avions fait une année des 15 ans généreuse, pour l'étape présente nous avons plutôt envie de nous mettre dans le temps présent et dans la création. »

Concrètement, cela signifie que l'année va s'articuler autour d'une création, Infinité, une composition en duo, « forme dans laquelle je me sens très à l'aise » reconnait le chorégraphe, mais pour quatre interprètes masculins, ce qui est plutôt une originalité : « C'est vrai que sur trente ans, j'ai plutôt écrit pour des femmes et qu' Infinité est une pièce plutôt masculine, mais il ne faut pas trop interpréter cette distribution. J'avais surtout le désir de travailler avec des danseurs vierges de mon parcours. J'ai découvert ces interprètes, j'ai eu envie d'écrire pour eux. » La pièce ne sera pas un florilège ou un mémorial, la matière gestuelle provient bien de l'univers d'Yvann Alexandre, mais abordé « dans un autre voyage » comme il le dit, ce qui signifie qu'il requestionne son (vaste, trente ans oblige) répertoire mais que ce code source reste caché et ne sera pas identifiable. Il faut rappeler que, contrairement à nombre de ses collègues, Yvann Alexandre travaille et compose « à la table », utilisant son propre process de notation, et arrive en studio avec une pièce entièrement construite que les interprètes ré-investissent.

Autre élément qui fait d'Infinité une manière de « revisitation cachée » du parcours : elle est conçue pour être présentée en au moins trois configurations, une version classique avec le public en frontal, une assise où les spectateurs se retrouvent installés dans un U,  et une en déambulatoire. Or, depuis toujours, le chorégraphe conçoit ses œuvres tant pour la scène que pour les espaces non-dédiés. Infinité résume donc cette approche diversifiée des lieux en confrontant la composition à sa perception selon l'espace dévolu. 

L'autre manifestation de cette « année de jubilé », est la réalisation d’un film, Une Île de danse, avec Doria Belanger. Cette dernière, formée chez Coline à Istres, est à la fois danseuse et vidéaste. Interprète, notamment avec Mélanie Perrier, elle crée des films dansés, vidéos expérimentales dans lesquelles la caméra dialogue avec le mouvement. 

Pour Une Île de danse, selon un mode opératoire précis, trois processus artistiques sont entremêlésUn processus de transmission intergénérationnelle qui voit les interprètes de la compagnie Yvann Alexandre du passé, du présent et de l’avenir, invités à s’emparer du répertoire qu’ils n’ont pas dansé. Claire Pidoux et Félix Maurin, assistants d’Yvann Alexandre sont en charge de remonter les extraits, et vont transmettre ce répertoire volontairement sans repères scénographiques, de costumes, de musiques, et au profit du mouvement seul. Durant trois jours les interprètes invités vont faire répertoire et création en laissant le temps présent, le corps d’aujourd’hui, dialoguer avec l’histoire d’hier.

Le second processus s’incarne autour de conversations entre Yvann Alexandre et des chorégraphes et artistes invités. Ces artistes ont un lien avec le chorégraphe, qu’il soit de création, de transmission ou de vie. Ces bulles, à l’échelle d’une journée, sont libres et propices à l’imaginaire : discussions, improvisations, pas à pas, portraits, et autant d’éléments qui vont naître de l’instant, du temps ensemble. Les invités de cette étapes sont pour le moins divers : Brigitte Asselineau, Louis Barreau, Selim Ben Safia, Régine Chopinot, Rita Cioffi, Amala Dianor, Olivia Granville, Stéphane Imbert, Aëla Labbé, Mickaël Phelippeau, Alban Richard, Ambra Senatore, Loïc Touzé… 

Enfin, le troisième processus, plus rêveur, se veut un dialogue entre Yvann Alexandre et des artistes disparus. « Quelles questions auraient pu être posées à Rothko, Merce Cunningham, quelles émotions auraient pu être partagées avec Dominique Bagouet ? » 

Ces projets s'articulent avec le reste de l'activité de la compagnie, à commencer par la diffusion de la pièce Se méfier des eaux qui dorment (lire notre critique), relecture du Lac des Cygnes qui, malgré qu'elle ait vu le jour au cœur des confinements, connaît une jolie carrière et devrait poursuivre son parcours en 2023 ! 

Activité d'autant plus nourrie que, depuis 2019, la compagnie a pris la direction artistique du Théâtre Francine Vasse à Nantes. Elle y réalise un projet atypique tourné vers les autres équipes artistiques : Les Laboratoires Vivants. Mais comme le dit Yvann Alexandre en riant, « avec le théâtre, c'est deux salles, deux ambiances ! En tant que compagnie, nous ne travaillons pas au théâtre, mais il nous occupe beaucoup. »

Cette « double casquette » explique sans doute le recul du chorégraphe devant la situation actuelle qu'il peut mettre en perspective avec celle qu'il a connu en 1993 quand il s'est lancé. « Le métier et la filière étaient beaucoup moins lourds, et à tous les niveaux. Il ne serait plus possible, au sens le plus strict, de déposer les statuts d'une association en trichant sur mon âge comme je l'avais fait à l'époque. Tout simplement parce que les contrôles et l'administration étaient beaucoup plus légers. Quand j'ai commencé, il fallait que je me lance, impérativement, c'était une urgence, mais il n'y avait aucune préoccupation de ce qu'étaient les moules auxquels il fallait se conformer ou les attentes des institutions. Cette légèreté est beaucoup plus difficile aujourd'hui » reconnaît-il et d'ajouter « je m'en sors sans amertume parce que je suis parvenu à dissocier le chorégraphe de la raison sociale de la compagnie ». Cela permet d'envisager les prochains anniversaires !

Philippe Verrièle 

Infinité
Dates 2023
20 janvier : Avant-première :  Marseille - Le KLAP Maison pour la Danse
11 février : Première - Avignon -  Les Hivernales  
13 et 14 février : Paris - Festival Faits d'Hiver 
28 février : Haute-Goulaine - Le Quatrain
4 avril - Cholet - Jardin de Verre
14 avril :  Beaupréau en Mauges - Centre culturel La Loge 
SCÈNES DE PAYS – SCIN "Art en territoire"
4 mai   - La Flèche -Le Carroi
11 mai : Théâtre de Thouars - SCIN" Art et création"
23 mai - Ancenis – version in situ Chapelle - Théâtre Quartier Libre
27 mai :Saint-Barthélémy-d’Anjou - THV - SCIN "Art, Enfance, Jeunesse"
1er et 2 juin : Le Lieu Unique - Nantes 
10 au 20 juillet  : Festival d'Avignon. L'Eté des Hivernales CDCN Avignon
 

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