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Le Ballet de Cuba à Paris : entretien avec des étoiles

À l’occasion de la venue du Ballet Nacional de Cuba Salle Pleyel, à Paris, nous avons rencontré deux de ses « Premiers danseurs » (étoiles) Anette Delgado et Dani Hernandez, unis sur la scène et dans la vie. Ils nous ont donné leur sentiment sur l’Ecole cubaine de Ballet et leur vision des grands rôles.

Vous pourrez les découvrir dans Giselle le 12 juillet à 20h00 et dans Don Quichotte les 16 juillet à 15h00 et 19 juillet à 20h00.

Danser Canal Historique : Quel est votre parcours ?

Anette Delgado : Dans mon cas c’est en voyant une représentation du Ballet national en tournée que je suis tombée amoureuse de la danse et que j’ai immédiatement décidé de devenir danseuse.

Dani Hernández : Je viens du centre du pays, je suis arrivé au ballet par hasard. Au départ, j’étais allé faire une compétition de gymnastique et un des professeurs membre du jury était répétiteur pour le ballet. Il m’a fait essayer de me mettre sur les pointes et m’a appris qu’il était professeur de danse. Il m’a dit que si j’étais intéressé, je pourrais peut-être faire une carrière de danseur. J’ai répondu « pourquoi pas ? ». J’ai commencé par des danses populaires cubaines, puis j’ai rejoint l’Ecole professionnelle du Ballet. J’ai aimé le travail et c’est devenu une part importante de ma vie.

DCH : Comment l’école cubaine arrive à former d’aussi bons danseurs selon vous ?

Anette Delgado : On entre à l’école entre neuf et dix ans. La sélection est très rigoureuse. Il y a cinq années élémentaires, puis un examen très difficile. Ceux qui le réussissent peuvent aborder le niveau « moyen » qui est de trois ans. Je crois que tout le monde à Cuba, aime le ballet. Nous avons l’exemple d’Alicia Alonso et toutes les petites filles rêvent de devenir ballerines. L’école est fondamentale, l’héritage d’Alicia et Fernando Alonso se propage en chacun de nous. Les danseurs que nous avons en proviennent.  Ça se remarque sans doute davantage chez les garçons, il y a une marque cubaine. On reconnaît immédiatement un danseur formé à Cuba. C’est presque un label. Mais ce cachet, on le forge depuis l’école élémentaire.

Dani Hernández : Le ballet à Cuba est un phénomène de masse. Il y a des danseurs originaires du moindre coin de l’île. Ce label qui nous distingue et est la caractéristique de la compagnie est basé sur un travail très dur et l’expérience de grands maîtres qui ont porté l’enseignement depuis l’époque de la constitution du Ballet national. Nous devons conserver cet héritage et le transmettre aux générations futures.

Anette Delgado : L’une de nos caractéristiques est le rapport entre l’homme et la femme dans la danse. La relation entre partenaires. Se regarder dans les yeux, penser toujours qu’on danse un duo. Ensuite, le volet technique est très poussé. Pour les prouesses, comme les fouettés ou les tours nous insistons énormément dès le plus jeune âge. Pareil pour les grands sauts pour la partie masculine. Je dirais aussi que c’est une danse plus virile qu’ailleurs.

Dani Hernández :  Le travail artistique, l’expressivité sur scène et l’accent sur l’époque de ce que nous dansons fait partie aussi de l’enseignement. Chaque personnage, chaque style est travaillé.

DCH : Alicia Alonso vous a-t-elle transmis personnellement certains rôles ? Vous a-t-elle conseillés ?

Anette Delgado : Aujourd’hui encore, elle participe aux répétitions. Elle m’a appris énormément au niveau des détails. Par exemple dans Giselle, elle nous explique comment éffeuiller la marguerite en détachant chacun des pétales. Mais elle précise, voilà comment faire, mais à toi de trouver ta propre manière, chaque danseur doit savoir s’exprimer de manière individuelle. Ces petits détails c’est toute son expérience accumulée avec les plus grands chorégraphes et les plus grands danseurs. Elle m’a énormément apporté dans mon développement professionnel mais aussi personnel.

Dani Hernández : j’ai eu la grande chance de suivre l’enseignement direct de Fernando Alonso à l’école. C’est lui qui a constitué l’école cubaine. J’étais un diamant brut en arrivant, il s’est occupé de moi et m’a façonné. Ensuite, dans la compagnie, j’ai pu travailler avec Alicia, c’est elle qui a peaufiné les détails. Son expérience, sa maîtrise de la scène est précieuse. Elle sait que le moindre détail pourra influencer la carrière d’un danseur. On peut faire dix représentations du même ballet, aucune ne sera pareille à l’autre. C’est très important pour le développement du danseur, pour son évolution. Il doit savoir interpréter un personnage mais aussi grandir en tant que personne.

DCH : On remarque effectivement une grande attention à l’expressivité, à la pantomime dans les productions que vous présentez…

Anette Delgado : Oui, parce que la plupart des spectateurs ne connaissent pas la technique, il faut donc leur offrir autre chose pour les satisfaire. Or la technique est un moyen, il faut savoir mettre au même niveau la technique et l’expressivité pour transmettre au public une émotion, un intérêt pour le ballet. Car finalement, on va voir une représentation de danse pour prendre du plaisir ou ressentir quelque chose. J’essaie d’avoir toujours ça en tête.

Dani Hernández : Cette complicité avec le public nous permet de créer une atmosphère pour transmettre ce pouquoi on a travaillé. Le ballet est un art visuel et non un sport où il s’agit d’être compétitif. Notre but est de partager nos sentiments, nos sensations.

DCH : Anette Delgado, vous avez fait un détour par Paris, dans votre carrière, en dansant pendant un an pour le Jeune Ballet de France, entre 1999 et 2001. Comment l’avez-vous vécu ?

Anette Delgado : C’est une étape de ma vie dont je me souviendrai toujours, qui m’a beaucoup appris. Notamment d’autres manières de m’exprimer et de me déplacer sur scène. J’ai aussi compris combien une femme pouvait être délicate sur scène, et ça a été une expérience enrichissante comme danseuse. J’étais très jeune, j’ai énormément dansé, mais je manquais d’expérience. J’ai décidé de revenir à Cuba pour rester avec ma famille, et non pas pour des raisons professionnelles.

DCH : Vous dansez à l’extérieur du ballet ?
Dani Hernández :
Oui nous dansons presque toujours ensemble, nous vivons ensemble nous sommes invités ensemble. Aller danser avec d’autres compagnies, d’autres danseurs apporte d’autres styles, d’autres points de vue sur l’interprétation. Mais finalement, on est toujours heureux de rentrer chez nous. Parce qu’il y a cette exigence, notre public qui nous a fait être ce que nous sommes.

DCH : Ne craignez-vous pas que la mort de Fidel Castro, des changements politiques, puissent perturber l’avenir du Ballet national ?

Dani Hernández : Le ballet est un art très populaire, et Fidel a beaucoup à voir avec cet état de fait ainsi qu’Alicia. Alicia est partie pour ne pas faire partie du gouvernement de Battista de par ses principes. Elle est revenue avec la Révolution. Le Ballet national de Cuba est partie prenante de la Révolution, il est ancré dans notre territoire.

Anette Delgado : Ils sont arrivés à ce qu’ils voulaient, à savoir que le ballet ne soit pas réservé à une élite mais accessible à tous. Tout le monde peut aller voir une représentation du BNC. Et si une personne veut étudier la danse, pourvu qu’il en ait les capacités, toutes les ressources sont mises à sa disposition pour qu’il y parvienne.

Dani Hernández : C’est très important de comprendre cela, car c’est ce qui permet de compter sur un vivier de danseurs et qui nous donne chaque année de meilleurs étudiants et de plus complets.

Anette Delgado : Je ne pense pas que les changements politiques puissent avoir quelque influence que ce soit sur le BNC. Le Ballet n’a pas connu de changement et ça restera ainsi.

DCH : Etes-vous heureux de danser à Paris ?

Dani Hernández : Oui, la première fois que je suis venu j’étais dans le Corps de Ballet, et j’ai énormément apprécié mon séjour. Cette fois, c’est un grand défi pour moi. Notamment de danser Giselle qui est emblématique en France. C’est difficile car Paris et la France, c’est aussi l’Histoire du ballet.

Propos recueillis par Agnès Izrine

Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris. Tél. : 01 76 49 43 13. Du 7 au 20 juillet
Du 7 au 12 juillet : Giselle, Chorégraphie : Alicia Alonso. Ven. 7, sam. 8, mar. 11, mer. 12 à 20h. Sam.8, dim.9 à 15h.
Du 15 au 20 juillet : Don Quichotte, Chorégraphie : Alicia Alonso. Sam. 15, lun. 17, mar. 18, mer. 19, jeu. 20 à 20h, sam.15, dim. 16 à 15h.
Cours en public les 9, 16 et 20 juillet de 11h à 13h.

 

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