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« L'Art d'Aimer » de Jean-Claude Gallotta pour le Ballet d'Avignon

Jean Claude Gallotta recrée L’Art d’aimer d’après La Chamoule ou l’Art d’aimer qu’il avait créé pour sa compagnie en 1997. 

Autant l'écrire d'emblée, pour cet opus, L'Art d'Aimer, Jean-Claude Gallotta n'a pas excessivement forcé son talent… Mais comme il en a beaucoup, il lui a suffi de coudre des bouts de petits bonheurs dispersés au long d'une œuvre profuse et largement marquée par cet amour de l'amour que célèbre la création pour le ballet d'Avignon. Cela marche absolument avec cette fraîcheur adolescente, concentrée et jamais grave, cette désinvolture sautillante qui fait l'essence de la danse de Gallotta et qui a manifestement ravi des danseurs d'autant plus joyeux qu’ils retrouvaient le  plateau et le public après une longue disette.

Illusoire de chercher une quelconque adaptation de l'ouvrage d'Ovide, succession d'aventures historiques et mythologiques entrecoupées de conseils de séduction et de réflexions personnelles… Cela ne permettrait guère une illustration sinon sous une forme anecdotique, défaut que prévient Jean-Claude Gallotta en piochant quelques émotions érotiques dans la meilleure des sources : son œuvre… 

Galerie photo © Mickael & Cédric Studio Delestrade 

Pour qui suit quelque peu le parcours foisonnant de ce chorégraphe prolixe (pour mémoire Ulysse, premier opus majeur, date de 1981 et l'auteur n'a pas cessé depuis !) cet Art d'Aimer tient du florilège. Et cela commence immédiatement quand deux femmes entrent à jardin, posant l'une après l'autre, dans une marche lente, cette étrange attitude en seconde qui fait comme signature de la danse de Gallotta. Mais il y a aussi l'atmosphère toute de tension, portée par ces femmes que l'on sent d'autant plus puissantes qu'un zébulon à lunettes (Anthony Beignard) aux allures sautillantes, sorte de double gestuel de Gallotta, quoique plus petit, entre et exprime quelques velléités de flirt, avant de se faire non rabrouer mais rabaisser. Et qui semble, se roulant par terre, ne pas trop regretter le traitement. 

Les plus anciens amateurs du chorégraphe pourront y retrouver l’esprit des Louves (1986) où, dans une grande diagonale avec arabesques, quelque chose d'Ulysse (1981), voire des images de Daphnis et Chloé (1982), citations déjà présentes dans la pièce originale de 1997que cette production entend reprendre. 

Mais, comme le reconnaît lui-même le chorégraphe, cet « atelier » s'était construit initialement à partir des nombreuses recherches de la troupe, d'où les références volontaires autant qu'involontaires et leurs résurgences encore plus sensibles (car découvertes par des danseurs qui en ignorent l'histoire gestuelle) dans la version actuelle… Laquelle par ailleurs a été l'occasion d'une création musicale de Thibault Perrine et Corentin Apparailly (pas vraiment bouleversante, mais d'une part avoir un orchestre en fosse pour accompagner la danse apporte une puissance incontestable, d'autre part, la musique originelle se concluait sur le Concerto pour quatre clavecins de Bach, ce qui place la barre assez haut !) 

Galerie photo © Mickael & Cédric Studio Delestrade 

Mais cette recréation-reprise (pour douze moins une blessée quand la version de 1997 était pour dix), dans toutes ces différences avec La Chamoule d'origine, souligne combien les « patterns » gestuels de Gallotta possèdent d'identité : ils se reconnaissent à l'instant. Sautillants, esquissés, précipités l’air de ne pas y toucher, pas assurés mais hâbleurs dans l'intention, ils possèdent ce qu'une danse amoureuse d'adolescents en proie aux pincements d'un premier désir voudrait et craindrait d'exprimer et qui pourtant s'exprime. En cela, cet Art d'Aimer, pour ne rien illustrer d'identifiable à Ovide, en distille pourtant une étrange musique sensuelle, vaguement inquiétante, dérisoire et charmante dans laquelle les danseurs d'Avignon, pourtant peu habitués à cette forme, se sont glissés avec une jubilation manifeste.

Une version enregistrée de la musique devrait permettre à cette pièce de tourner : outre un bon moment, une bonne façon de rencontrer autrement la danse si singulière de ce (toujours) grand ado de Gallotta…

Philippe Verrièle

Vu à L'Opéra Confluence, Avignon le 22 mai. 

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