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Entretien Lise Nordal

DCH : Quand a démarré le Festival International CODA  à Oslo ?

Lise Nordal : Le premier festival a ouvert le 28 septembre 2002, à l’Oslo Concert House, en présentant un Event de la Merce Cunningham Company . Merce était là en personne, visible dans les coulisses. Le festival avait déjà donné  une avant-première à Reykjavik, en Islande où nous avions présenté en partenatiat Biped et Rainforest. C’était la toute première visite de la compagnie en Norvège et cela a marqué le 50e anniversaire de la Merce Cunningham Company .

DCH : Quand avez vous pris la direction de ce festival ?

Lise Nordal : J’ai commencé le festival avec Odd Johan Fritzøe. Pendant les éditions 2002 et 2003  j’ai partagé la direction artistique avec Magne Antonsen qui, depuis de nombreuses années, dirigeait le Camera Film Festival. Dès le départ, j’ai assuré la programmation artistique. Comme j’étais également chorégraphe à cette époque, je travaillais également à mes propres projets artistiques. En 2006 j’ai été salariée comme Directrice artistique et depuis 2010, en tant que directrice générale et artistique.

DCH : Comment choisissez-vous les artistes que vous programmez pour chaque édition ?

Lise Nordal : De nombreuses compagnies reconnues internationalement ne sont jamais venues en Norvège, alors que certaines d’entre elles ont déjà joué à Stockholm, Copenhague ou Helsinki. Donc dans les premières années il y a beaucoup d’artistes que je voulais faire découvrir à un public norvégien. Au début, j’étais bénévole et je n’avais même pas de budget pour les voyages. Mais au moins, j’avais développé un réseau de connaissances. Ayant été moi-même artiste pendant une trentaine d’années, j’avais le sentiment que je pouvais faire une sélection sans trop de problème. Plus tard, quand le festival a eu pignon sur rue, j’ai voyagé davantage pour découvrir des compagnies que je ne connaissais pas, et la programmation a changé. Le fait qu’en quelques années, Oslo s’est doté d’un nouvel opéra qui a commencé à programmer la danse contemporaine a aussi contribué à faire évoluer le festival. De plus, la Maison de la danse de Norvège a été créée en 2008, et est vite devenue le lieu principal de diffusion de la danse contemporaine pendant toute la saison. Bærum Kulturhus, un centre culturel dédié à la danse, la musique, le cirque, etc. situé en banlieue d’Oslo a été également une autre source de diffusion de la danse contemporaine. Toutes ces avancées m’ont conduite à modifier ma programmation ces dernières années. Il s’agissait alors de trouver une nouvelle identité pour CODA afin de faire en sorte qu’il présente une programmation singulière et un festival de danse qui tienne la route. Cette année, l’édition était encore plus exigeante et amusante. Il m’a emmené dans tous les coins du monde pour découvrir une danse qui n’avait pas encore été présentée en Norvège. Mais bien sûr, elle comprenait aussi des compagnies incontournables d’Europe occidentale, comme I.D.A de Mark Tompkins ou Liquid Loft de Chris Haring, entre autres.

DCH : Pensez-vous aux attentes du public quand vous programmez un spectacle ?

Lise Nordal : Non, pas vraiment. Néanmoins ma programmation ne reflète pas exactement mes goûts personnels, et il est important pour le festival de présenter la danse dans toute sa diversité, y compris pour aggrandir le public. Je suis fière de chacune des représentations proposées dans le programme principal. Et, grâce au « side programme » intitulé cette année CODAhaus et « Fringe » en 2013 (le Off en quelque sorte NDLR) j’invite des programmateurs extérieurs à faire leur programmation au sein du festival. C’est un mini festival dans le festival en quelque sorte. C’est pour moi très important d’avoir cette possibilité car je ne suis pas aussi au courant des dernières tendances du monde chorégraphique que le sont les jeunes danseurs ou chorégraphes. Je dois leur donner des chances, je dois prendre des risques, je le fais toujours et ne le regrette jamais.

DCH : Pensez-vous qu’il y a un parfum spécifique aux chorégraphies norvégiennes ?

Lise Nordal : La précédente edition de CODA en 2013 avait pour thème la chorégraphie norvégienne. Et nous nous sommes posés cette question et en avons débattu. En réalité il est difficile d’y répondre et je pense que ma réponse est non mais en fait oui…  Cela dépend un peu de quelle région vous venez ou vous vivez, je crois. Les chorégraphes basés à Oslo ont tendance à regarder davantage ce qui se passe en Europe que, par exemple les chorégraphes du grand Nord, même si ces derniers ont été eux mêmes les invités de grandes scènes internationales. Mais je ne vois pas les mêmes influences de culture ou de racines norvégiennes dans les chorégraphies comme elles peuvent ressortir, par exemple, chez les chorégraphes finlandais.

DCH : Cherchez-vous à préserver un équilibre entre les artistes norvégiens ou étrangers, ou entre les différents styles chorégraphiques ?

Lise Nordal : Oui, c’est absolument important pour moi de présenter à la fois la danse norvégienne en même temps que les artistes étrangers. Aussi parce que le public norvégien aura une certaine impression si je place les artistes norvégiens au sein du paysage de la danse contemporaine d’aujourd’hui. La danse norvégienne a connu un développement très rapide lors de ces vingt dernières années, et je pense qu’il est intéressant pour le public de voir comment les chorégraphes contemporains norvégiens se situent au sein des tendances  et des formes d’expessions artistiques internationales. Je ne suis pas sûre de chercher à présenter différents styles de représentations. Peut-être plus ou moins les premières années. Maintenant, je suis plus ouverte, et j’ai plus de possibilités de présenter un choix plus large, car nous collaborons avec de nombreuses salles différentes, l’Opéra, La Maison de la danse de Norvège, Riksscenen –  le pôle norvégien pour les danses et les musiques traditionnelles, mais aussi l’Eglise Jakob, les musées et les galeries, la maison de la culture Hausmania, une sorte de squat qui accueille et présente des artistes visuels, des réalisateurs, des danseurs, des acteurs…

DCH : Est-il difficile de maintenir un tel festival en terme financier ?

Lise Nordal : Oh oui ! Quand les subventions ont migré de l’Etat vers les Arts Council – et la municipalité ne place pas la danse à la même hauteur que la musique – la musique étant une priorité à Oslo – je me suis beaucoup inquitée pour l’avenir du festival. Nous nous sommes beaucoup entendu dire depuis les débuts du festival que « notre ambition était trop haute ». Le message étant : faites plus modeste. C’est très typique de la Norvège de penser ainsi. Pour être honnête, je suis heureuse d’avoir fait ce que j’ai fait à mon époque, d’avoir réussi, d’avoir osé prendre des risques et d’avoir inscrit le festival sur la carte – et internationalement. La subvention de l’ Arts Council est une aide sur trois ans, ce qui signifie que nous avons suffisamment pour mener le festival jusqu’en 2018. Ensuite, avec le gouvernement conservateur, qui parle avec enthousiasme de l’apport de fonds privés… Je ne suis pas certaine qu’ils sachent exactement de quoi ils parlent quand il s’agit de festivals, a fortiori si vous êtes biennal, comme nous. Un sponsor privé veut être visible toute l’année et non pas deux semaines tous les deux ans !

DCH : Y-a-t-il une compagnie, un spectacle, que vous auriez rêvé de programmer ?

Lise Nordal : Sans aucun doute. Depuis 2006 j’essaie de convaincre l’Opéra – à la fois le Ballet National et l’Opéra national – de monter une collaboration qui nous permette d’inviter le Didon et Enée de Sasha Waltz & Guests. Il y a deux ans j’ai enfin reçu une réponse : NON. J’aurais aussi adoré programmer Dance de Lucinda Childs, mais c’est impossible pour des raisons financières sans l’Opéra national et le Ballet comme partenaires. Donc il faut toujours aller à l’étranger pour voir les grandes œuvres chorégraphiques qui ont besoin du format « Opéra ». Après dix éditions du festival CODA, nous n’avons toujours pas réussi à imposer nos propres programmes sur la grande scène de l’Opéra. Mais je ne veux pas  finir cette interview sur cette note, car je ne suis pas désenchantée. C’est un long et profond voyage, plein d’enthousiasme, de défis, de joies – et aussi de fierté de ce que l’on a accompli. Car nous avions commencé avec rien – juste la vision d’un festival pour tous les amoureux de la danse en Norvège.

Propos recueillis par Agnès Izrine

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