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Biennale de danse du Val-de-Marne : « Necesito – Pièce pour Grenade »

Transmise sous la direction de Rita Cioffi, cette œuvre de Dominique Bagouet est interprétée par des étudiants du Conservatoire de Paris. Elle sera présentée au Centre des bords de Marne au Perreux-sur-Marne le 10 mars pour l'ouverture de la Biennale de danse du Val-de-Marne. 

Dans son ouvrage Dominique Bagouet – un labyrinthe dansé, Isabelle Ginot se souvient de Necesito et de « Rita Cioffi en buisson trapu, joues gonflées, yeux écarquillés, dandinante à la façon d’un bonhomme Michelin tentant de pivoter sur lui-même ». La même Rita Cioffi vient de transmettre la pièce à neuf jeunes interprètes, une nouvelle production qui est actuellement en tournée, après sa création au festival Montpellier Danse. Le Ballet du Nord sous la direction de Sylvain Groud et avec Rita Cioffi comme artiste associée, ouvre sa saison 2022/23 avec cette transmission pour laquelle les décors ont été reconstruits, la bande son restaurée et les lumières ravivées. Rita Cioffi nous parle de la pièce, de Dominique Bagouet et du travail de transmission. 

Rita Cioffi : On pense généralement que la dernière pièce de Dominique Bagouet était So schnell, mais en réalité la première des deux versions de So schnell  a précédé Necesito. C’était une commande de la ville de Grenade, d’où le titre complet, Necesito – Pièce pour Grenade. La création devait participer à la commémoration de la décision du Sultan de Grenade de se rendre aux Catholiques, dans le but de préserver la ville avec son patrimoine incroyable, au lieu de se battre et de voir la ville être détruite. Cette décision l’a d’ailleurs fait passer pour un lâche. Dominique Bagouet s’est servi de cette histoire pour mettre en place une sorte de chronologie dans sa pièce mais en réalité il a voulu s’amuser de nos visions touristiques de l’Espagne. Il trouvait, à l’époque déjà, que tous ces gens en train de filmer avec leurs petites caméras, au lieu  de profiter des jardins c’était insupportable. Que dirait-il aujourd’hui ? 

Danser Canal Historique  : Necesito est une pièce assez théâtrale et loufoque !

Rita Cioffi : C’est une pièce qui met l’interprète au centre de la recherche de pistes pour définir le langage. Nous sommes neuf interprètes et chacun a son identité. Moi, j’étais la magicienne arabo-andalouse, qui faisait rentrer les gens dans son jardin qu’elle créait en direct. Il y a l’émir, la gitane, un toréador effrayé etc. Ce sont comme des personnages d’une bande dessinée avec des danseurs qui font les barrières de la corrida, un qui fait le taureau… Dominique n’était pas un artiste conceptuel, il voulait vraiment créer des ambiances. Il y a la partie arabo-andalouse, celles des espagnolades avec sa corrida etc., et la partie rock qui évoque l’Espagne se libérant de Franco.  Nous devions donner la pièce à Grenade mais finalement nous n’y sommes pas allés. Je ne sais plus pour quelle raison. Par contre, nous l’avons jouée à Barcelone. 

DCH : Parlez-nous de votre travail  avec Bagouet pour cette création. Comment était l’ambiance ? 

Rita Cioffi : J’étais rentrée dans la compagnie pour faire des reprises  de rôles, mais Necesito était ma première et seule vraie création. Et j’avais une semaine à travailler seule avec  Dominique, les autres danseurs étant occupés ailleurs. Il m’a demandé d’improviser et le hasard a voulu que je venais de passer des vacances en Espagne, et que j’étais passée par Grenade. Mes souvenirs de l’Alhambra et de ses jardins étaient très frais. Je me suis amusée à faire des arbres, des plantes… Pour la pièce en général, Dominique savait  exactement où il voulait aller. Mais si ce qu’on lui proposait l’intéressait, il était  aussi prêt à changer l’angle un tout petit peu. Nous avons aussi travaillé sur une idée de harem, avec une ambiance douce et sensuelle. De toute la matière que nous avons développé, il a retenu ceci, rejeté cela. Mais il  était quelqu’un de très  respectueux. Il ne disait jamais : C’est mauvais. Il disait : « Ca, je ne l’assume pas, c’est pas moi. » 

DCH : Comment avez-vous travaillé pour la transmission ? La matière est-elle encore vivante en vous ? Avez-vous pu travailler à partir de captations vidéo ? 

Rita Cioffi : Ce que j’ai dansé moi-même me revient assez facilement. La complexité de la pièce vient de ce qu’il y a neuf personnalités très différentes. Pour cette transmission, j’ai pu inviter trois autres interprètes qui sont intervenus ponctuellement, pour parler de leurs solos, Olivia Grandville, Fabrice Ramalingom et Sylvain Prunenec. Chacun est venu pendant deux  ou trois jours. Il existe plusieurs captations intégrales, nous filmions beaucoup. Car après la création, Bagouet continuait à travailler sur ses pièces, il pouvait toujours modifier quelques détails. 

Galerie photo © Laurent Philippe

DCH : Comment les jeunes danseurs du CNSMDP ont-ils reçu cette pièce ? De quelle manière leur parle-t-elle ? 

Rita Cioffi : C’est une question intéressante, car quand la pièce a été créée, ils n’étaient même pas nés. Ils ne connaissaient pas l’univers Bagouet, mais ils se sont pris au jeu assez rapidement. Dans la danse de Dominique, tout  commence par un état, et c’est assez difficile à transmettre. On peut interpréter la partition chorégraphique, et pourtant le résultat sera très différent. Donc il leur a fallu un certain temps pour se mettre dedans. Mais après, ils étaient très investis. Seulement, comme la pièce repose sur neuf partitions très différentes, on ne peut rien construire tant qu’on n’a pas décidé la distribution. Ils pouvaient en regardant la captation se projeter sur un personnage et moi, les voir dans un rôle différent. C’était une étape délicate et je sentais les danseurs très occupés à se demander qui allait faire quel rôle, d’autant plus que je ne pouvais pas prendre mes décisions tout de suite. Ce processus a demandé un certain temps. 

DCH : Alors comment s’est fait la distribution ? Avez-vous fait une sélection ? 

Rita Cioffi : Finalement non. Nous devions avoir toute la promotion, une quinzaine de danseurs. Et finalement, il y avait exactement neuf. Mais c’étaient sept filles et deux garçons alors que nous étions, en 1991, cinq garçons et quatre filles. Au résultat, par exemple, le roi Ferdinand qui doit s’emparer de Grenade est interprété par une danseuse. Mais alors, pourquoi ne pas faire l’inverse ? Aussi le jardin, à l’origine interprété par une fille, est ici dansé par un garçon.  Ajoutez à cela que les corps de danseurs ne sont plus les mêmes, et vous voyez qu’il n’était pas facile de retrouver l’esprit de la pièce.

Galerie photo © Laurent Philippe 

DCH : On voit donc une sorte d’écho de Necesito

Rita Cioffi : Il faut que j’ajoute une chose très importante : Quand on m’a proposé cette transmission, c’était pour moi un projet pédagogique, d’autant plus que je suis habituellement impliquée, pour la transmission du répertoire Bagouet, dans des missions pédagogiques, dans des cadres très précis de formation. Je me suis rendue au CNSMDP pour aider les étudiants à devenir de meilleurs danseurs ! Après, tout a pris une ampleur différente, avec la programmation dans différents lieux, dont la première à Montpellier Danse. Maintenant on va au Ballet du Nord, puis à Marseille et au printemps 2023 à Chaillot. Mais en 2023, ce seront déjà de nouveaux danseurs, puisque la distribution actuelle aura terminé le cycle d’études correspondant à notre projet.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Le 10 mars 2023 :à 20h30  Centre des bords de Marne- Le Perreux-sur-Marne 
Biennale de danse du Val-de-Marne du 9 mars au 6 avril 2023

Réservations

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