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Les Cahiers de Nijinski

Brigitte Lefèvre revient au plateau en tant que co-metteur en scène, avec Daniel San Pedro, pour la création au Théâtre de l'Ouest Parisien des Cahiers de Nijinski . Un récit autobiographique qui relate les derniers moments de l'artiste avant son internement définitif en asile psychiatrique.

C’est pendant l’hiver 1918-1919, alors qu’il séjourne à Saint-Moritz avec sa femme et sa fille, que Vaslav Nijinski écrit quatre cahiers. D’une écriture fiévreuse, dans la hâte, on sent que c’est sa dernière tentative pour garder son équilibre et son intégrité face au danger de la maladie mentale qui va bientôt désintégrer son existence. Le 19 janvier 1919, il donne son dernier spectacle à l’hôtel Suvretta à Saint-Moritz.  Une évocation aussi terrible que tragique des horreurs de la guerre qui vient tout juste de se terminer. « Vaslav était comme l’une de ses créatures irrésistibles et indomptables, comme un tigre échappé de la jungle… » note sa femme Romola. C’est sur cet événement que débute le premier cahier.

"LES CAHIERS DE NIJINSKI" © François Rousseau

Nijinski ne dansera plus. Il passera les trente années qui suivent interné pour schizophrénie et mourra en 1950 sans avoir jamais repris pied.

"Comme un tigre échappé de la jungle", Nijinski se rue dans l’écriture avec une fougue, une violence, un élan sauvage. Il ne veut pas être « attrapé ». Ni domestiqué par tous ces gens qui admirent le danseur d’exception et qui ont peu ou prou projetés leurs fantasmes sur lui, comme sa femme, Diaghilev, ou les balletomanes de tout poil… Ni rattrapé, par les médecins et la folie qui le guette. En ceci, ces Cahiers sont un témoignage poignant car il est à tout moment sur le fil, au point de bascule.

Très mystique, exalté, délirant, contradictoire, farouche, sa vulnérabilité nous touche profondément quand il essaie de transmettre son ressenti physique et psychique, autrement dit, ce qui a sans doute fait de lui le danseur fantastique qu’il était.

La mise en scène de Brigitte Lefèvre et Daniel San Pedro est remarquable d’intelligence dans sa façon de faire résonner le texte et le personnage. Le montage des extraits est brillant, arrivant à résumer l’ensemble des cahiers en une sorte de récit à la première personne d’une heure vingt.
Sur un plateau dangereusement incliné qui évoque la chute et l’univers mental de Nijinski, ils ont choisi de séparer le rôle en le confiant à deux interprètes : la voix de Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française (également à l’origine de ce projet), le corps de Jean-Christophe Guerri, ancien danseur de l’Opéra de Paris. Loin de faire jouer l’un et danser l’autre, ils s’articulent plutôt dans un jeu de l’ombre et du double tout à fait subtil, qui exprime à la fois le sentiment d’aliénation que suscite certes la maladie, mais également la sensation d’altérité que ressent parfois le danseur.

 

Clément Hervieu-Léger et Jean-Christophe Guerri dans "Les Cahiers de Nijinski" @ François Rousseau

 

Les deux interprètes sont extraordinaires dans leur expression, farouche, pour l’un, en demi-teinte pour l’autre, mais chacun étant détenteur d’un morceau du puzzle identitaire qu’est alors l’auteur de ces cahiers.

C’est aussi une ode à la liberté d’expression et à la résistance intime qui, le 8 janvier 2015, faisait curieusement écho à l’actualité dont nous venions d’être les témoins.

Agnès Izrine

Théâtre de l'Ouest Parisien, Boulogne-Billancourt, jusqu'au 18 janvier 2015.

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